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Calamité agricole

Gel d'avril : les pertes évaluées dans treize exploitations

L’évaluation des dégâts du gel de début avril se poursuit. Deux missions d'enquête ont été organisées la semaine dernière, dans les Baronnies puis la plaine de Valence. Objectif : activer le processus d’indemnisation au titre des calamités pour les productions sinistrées autres que les fruits à noyaux.

Gel d'avril : les pertes évaluées dans treize exploitations
A Besayes, « il a fait moins 6°C dans la nuit du 7 au 8 avril, la perte est de 98 % », explique Philippe Patouillard aux membres de la mission d’enquête gel, venus constater les dégâts sur poiriers.

La semaine dernière, treize exploitations étaient au programme des deux nouvelles missions d'enquête destinées à évaluer de visu les dégâts causés par l'épisode de gel exceptionnel de début avril. La première, organisée le 27 juillet, s'est déplacée dans les Baronnies. Conduite par Dominique Chatillon, chef du service agriculture à la direction départementale des territoires (DDT), accompagnée de son adjointe Manon Courias, elle a rassemblé Séphanie Moreau Oliveira, élue chambre d'agriculture, ainsi que Marie-Cécile Thomas et Serge Guier en tant qu'agriculteurs non touchés par le sinistre. En matinée, la délégation s'est rendue à Sahune pour voir les vignes de Damien Felix. Celles-ci ont été touchées à 50 % par les gels du printemps. A Bésignan, chez Jérôme Morin, les pertes sont de l'ordre de 30 % dans les vignes et 100 % dans ses vergers de coings. Et A Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, les pommiers de Franck Bec ont été touchés en totalité. A Mévouillon, les plantations de lavandes et lavandins de Laurent Gourjon accusent des pertes de 50 à 100 % par endroits : « Il faudra tout arracher et planter à nouveau », se désole le producteur.

Poiriers, pommiers, coings, grenadiers...

L’après-midi, la mission d’enquête s’est poursuivie à Eygaliers chez Yohan Truphémus dont le verger de quelque 1 100 pieds de plusieurs variétés de poiriers a été totalement sinistré. « Il a fait froid trop longtemps, de 22 heures à midi le lendemain, le recours à l’aspersion n’a pu contrer le phénomène climatique, explique l'arboriculteur. En 35 ans, ça n’était jamais arrivé. » 60 % de ses pommiers ont aussi été touchés. Valentin Laugier, installé également à Eygaliers, a été privé de la totalité d'une récolte de coings, qui s’annonçait pourtant prometteuses avec quatre à cinq tonnes de fruits attendus. « J'avais pourtant choisi une variété rustique dite sauvage, adaptée aux conditions locales, les arbres ont bien résisté, ils ont continué de pousser, il me faut à présent les tailler comme si la récolte avait eu lieu. » Un constat partagé par tous les arboriculteurs concernés par cet épisode de gels. La visite s’est achevée à Propiac où Pierre Etienne possède près d’un hectare de grenadiers dont la totalité a été impactée par le gel. « 30 % sont définitivement morts, 70 % sont à nettoyer et tailler avec une attente de trois à cinq ans avant qu’ils ne donnent à nouveau des fruits », confie le producteur.

J-M. P.

A Eygaliers, chez Yohan Truphémus.                                Valentin Laugier devant ses fruitiers privés de tout coing !

Pierre Etienne à Propiac devant ses grenadiers brûlés par le gel.


Le 29 juillet, une nouvelle mission d’enquête s’est rendue à Besayes, dans la plaine de Valence. Là, Manon Courias et Emmanuel Guiset (DDT), Jean-Michel Cotte (élu chambre d’agriculture), Henry Vignon et Eric Robert (agriculteurs non concernés par le sinistre) ont été accueillis par Philippe Patouillard (Gaec de Fouillouse). Sur son verger de poiriers d’une dizaine d’hectares planté au début des années 1990, il n’y a plus aucun fruit. Toutes les variétés (williams, aramis et conférence) ont souffert. « Il a fait moins 6°C dans la nuit du 7 au 8 avril, la perte est de 98 % », constate l’arboriculteur. Le bilan est sans appel et la situation comparable à celle observée juste auparavant à la Ferme des Volonteux, à Beaumont-lès-Valence. Après les fruits à noyaux (pour lesquels plusieurs missions d’enquête ont eu lieu en mai), les pertes sur fruits à pépins se confirment.

A Besayes, « il a fait moins 6°C dans la nuit du 7 au 8 avril, la perte est de 98 % », explique Philippe Patouillard aux membres de la mission d’enquête gel, venus constater les dégâts sur poiriers.

Poursuivant ses constatations, la délégation a pris ensuite la direction de Saint-Donat-sur-l’Herbasse et Clérieux afin d’y observer des dégâts sur noyers. Dans les vergers d’Alexandre, David et Jean Faure, les pertes sont disparates : faibles en hauteur car les températures sont descendues à moins 3,5°C, mais élevés dans les bas-fonds où il a fait moins 6°C. « C’est la première fois qu’on gèle sur la variété lara », ont expliqué les nuciculteurs. Vis à vis du barème des calamités, « il faudra bien tenir compte des types de vergers, notamment ceux à haute densité », a insisté Jean-Michel Cotte. D’autres dégâts ont ensuite été observés à Marsaz, au Gaec Les vergers du puits.

A Clérieux, « c’est la première fois qu’on gèle sur la variété lara », ont expliqué Alexandre, David et Jean Faure, nuciculteurs.

Poiriers, noyers, vignes

La viticulture a elle aussi souffert de cet épisode de gel exceptionnel. Deux zones de l’appellation Crozes-Hermitage ont été touchées, a rappelé le président de l’AOP, Pierre Combat, également vice-président de la chambre d’agriculture. « D’une part, au nord, sur les communes de Serves, Erôme, Gervans et Crozes ; d’autre part, à l’est, sur les secteurs de Beaumont-Monteux et Chanos-Curson. Ailleurs, les dégâts sont plus disparates. » Dans l’un des vignobles de Pierre Fayolle, au sud de Gervans, on ne compte qu’une à deux grappes par cep contre sept à huit habituellement. « Le gel a tapé trop fort et trop longtemps », a-t-il indiqué à Dominique Chatillon et Manon Courias (DDT), en présence de Damien Badel (président de la Cave de Tain). La mission d’enquête s’est aussi rendue à Beaumont-Monteux, à la SCEA Domaine des Clairmonts (M. Borja, Crozes-Hermitage) ainsi qu’à Granges-les-Beaumont chez Michel Schrol (vignes en IGP).

« On ne compte qu’une à deux grappes par cep contre sept à huit habituellement », a expliqué Pierre Fayolle, viticulteur à Gervans.

 L’évaluation des dégâts du gel va se poursuivre lors de deux autres missions d’enquête programmées début août, d’abord dans la vallée de la Drôme et le Diois (pour constater les pertes sur fruits à pépins, vignes et Ppam), ensuite au sud de la vallée du Rhône (sur vignes).

C. Ledoux

Fonds des calamités agricoles : ce qu’il faut savoir

Après chaque mission d’enquête, la DDT rédige un rapport présenté en commission départementale d’expertise (CDE). La prochaine est programmée le 12 août. Après avis favorable de la CDE, le dossier est ensuite transmis au comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA). Le prochain est programmé le 23 septembre et le suivant le 17 novembre (dossier vignes). Si le caractère de calamité agricole est reconnu, alors les demandes d'indemnisation peuvent être déposées.

Pour être éligible, une exploitation, doit répondre à deux conditions (les cotisants solidaires et les retraités ne sont pas éligibles) : d’une part, justifier d’un taux de perte de 30 % pour chaque culture sinistrée ; d’autre part, justifier d’une perte supérieure à 11 % de la valeur du produit brut de l’exploitation (aides directes Pac incluses). Ces critères expliquent la nécessité de devoir attendre la fin des récoltes avant tout dépôt de demande d’indemnités.

A noter, conformément aux annonces du Premier ministre, des dispositions ont été prises pour que la viticulture soit exceptionnellement couverte par le fonds des calamités agricoles.

C. L.

Gel d'avril : point sur les aides

- Démarrage anticipé de la procédure calamité en fruits

Compte tenu de l’ampleur du gel subi par les arboriculteurs drômois, l’appel de pièces justificatives liées au dossier calamités « classique » intervient depuis le 9 juillet, c’est à dire avant la fin de campagne et l’ouverture de la téléprocédure. L’instruction des pièces durant l’été permettra de payer beaucoup plus rapidement l’ensemble des demandes d’aide à recevoir à l’automne par téléprocédure (Télépac). Chaque arboriculteur sinistré (toutes espèces) est ainsi invité à transmettre à la DDT de la Drôme ses pièces justificatives (par courrier uniquement) le plus rapidement possible

Contacts : Clotilde Henrioux, Emilie Thiers et Laureen Pelourson au 04 81 66 80 50 - 04 81 66 80 25 - 04 81 66 80 33 (mail : [email protected]).

- Prise en charge des cotisations sociales MSA

Depuis le 19 juillet et jusqu’au 8 octobre au plus tard, les agriculteurs sinistrés à plus de 20 % pour les cultures fruitières (à noyaux, à pépins et petits fruits) et les viticulteurs peuvent déposer une demande de prise en charge exceptionnelle des cotisations sociales auprès de la MSA. Un formulaire est en ligne sur le site www.demarches-simplifiees.fr/commencer/demande-de-prise-en-charge-de-cotisations-suite-au (disponible depuis le site internet de la caisse locale de la MSA : https://ardechedromeloire.msa.fr/lfy/soutien/episode-de-gel).

Contact : MSA (mail : [email protected])

- Fonds d’urgence

La mesure est close. 1,2 million d’euros ont été versés à 241 exploitations arboricoles spécialisées en fruits à noyaux.

- Dégrèvement de TFNB

Un recours au dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti sera prononcé avec un niveau similaire aux taux de pertes de récolte par production constatés par le CDE dans chaque commune. Des informations plus complètes sur la mise en œuvre de cette mesure sont attendues prochainement.

- Prêt garanti par l’État (PGE)

Le dispositif PGE est prolongé jusqu’à la fin de l’année.

- Dispositif d’aide exceptionnel pour les entreprises de l’aval

Un fonds spécifique pour les coopératives et négociants a été annoncé. Son but est d’assurer une prise en charge partielle des charges fixes. Le dispositif est en discussion à Bruxelles.

- Assurés MRC : un complément d’indemnisation

Le cabinet du ministre de l’Agriculture a précisé, fin juillet, les mesures qui visent à garantir que les assurés multirisque climatique soient mieux indemnisés que les non-assurés bénéficiaires des calamités agricoles. Le gouvernement leur versera un complément d'indemnisation équivalent à un rachat de franchise de 2,5 points pour l'ensemble des productions, et porté à 10 points dans le cas de l'arboriculture.

- Aide de la Région et du Département

Il s’agit d’une aide exceptionnelle forfaitaire en investissement réservée aux arboriculteurs de fruits à noyaux ayant subi des pertes de récolte supérieures à 50 %,. Le dépôt des demandes d’aide est ouvert jusqu’au 15 septembre. Info sur www.auvergnerhonealpes.fr/aide/498/289-aide-d-urgence-gel-2021-fruits-a-noyaux-agriculture.htm

Le Département de la Drôme a voté une aide exceptionnelle de 1,55 million d’euros (M€) dont 1,3 million en complément de l’aide forfaitaire de la Région.

- Mesures structurelles

Les investissements relatifs à la protection contre les aléas peuvent faire l’objet de demandes d’aides notamment dans le cadre de la mesure 5.10 « protection contre les aléas » du Plan de développement rural régional. L’État a annoncé un doublement de l’enveloppe pour l’acquisition d’équipements de protection contre les aléas climatiques dans le cadre du plan France Relance, passant de 100 à 200 M€.

Pour l'ensemble des mesures du Plan gel, infos détaillées sur https://agriculture.gouv.fr/plan-gel-presentation-des-dispositifs-de-soutien-aux-agriculteurs-et-entreprises-des-secteurs

Assurance récolte : des propositions

A chaque mission d’enquête, le sujet de l’assurance récolte est récurrent. Les questions du coût, des franchises, des indemnités, de la cohabitation avec le dispositif des calamités n’en finissent pas d’alimenter les débats depuis des années. Le député Frédéric Descrozaille (LREM, Val-de-Marne) a remis la semaine dernière au ministre de l’Agriculture les conclusions du groupe de travail sur la gestion des risques climatiques. Lire par ailleurs.