Gel sur fruits à noyaux : « Du jamais vu »

La chute des températures dans la nuit du 19 au 20 février puis les 7 et 9 mars et au cours de la nuit du 17 au 18 mars, ont fortement impacté les vergers drômois de fruits à noyaux (abricotiers, cerisiers, pêchers), sur une zone allant de la vallée du Rhône au Nord-Drôme. « A part 2003 avec moins 5 degrés dans la nuit du 7 au 8 avril, c'est du jamais vu », a confié Michel Faure, arboriculteur à Mercurol, lors d'une mission d'enquête organisée le 26 mai par la DDT(1). Sur ses onze variétés d'abricotiers, il dénombre 50 à 240 fruits par arbre. « Et ça continue de tomber », a-t-il montré aux représentants de la DDT. Le phénomène est identique sur les vergers de Philippe et Claudine Chirouze, à La Roche-de-Glun. Pour Bernard Vossier, président du GIE Hermitage-Basse Isère, « c'est du jamais vu depuis 1975 » compte tenu de l'intensité des dégâts sur un périmètre très vaste. Et la grêle n'a fait qu'accentuer le phénomène. En abricot bergeron, le groupement estime le potentiel à seulement 25-30 % d'une récolte normale. Et sur la variété lido, il n'y a plus aucun fruit. « Nous devrons fermer des lignes de conditionnement », a annoncé le président du GIE. Chez les producteurs de Rhodacoop, le déficit local en bergeron représente 60 %.
A Châteauneuf-sur-Isère comme à Gervans, Serves ou Larnage, la récolte des cerises est maigre, en deça des 50 % du potentiel espéré, ont témoigné des arboriculteurs. « Si j'arrive à faire deux tonnes (au lieu de dix), ce sera bien », s'est désolé Grégory Chardon en montrant son verger de la variété van, à La Roche-de-Glun. En nashi, les pertes sont estimées à 80 %. En pêche, elles varient de 50 à 80 % selon les variétés. Là encore, les chutes physiologiques sont fortes et les producteurs craignent que les fruits restants ne soient pas commercialisables.
Accélérer la procédure
« Nous sommes venus constater les dégâts du gel sur divers vergers afin de recueillir des éléments concrets, ont expliqué Philippe Allimant et Jean-Luc Fagot (DDT). C'est le point de départ de la procédure des calamités » (voir encadré). Les visites ont débuté à la SCEA Les Touches (verger de Lorifruit) à Saulce-sur-Rhône. Elle se sont poursuivies à la Sefra(2) à Etoile-sur-Rhône, puis à La Roche-de-Glun, à Mercurol et enfin à Saint-Donat-sur-l'Herbasse, à la station fruitière de Valsoleil. « Lors de cette mission d'enquête, à laquelle a participé une centaine d'arboriculteurs, nous avons constaté une perte globale moyenne d'environ 60 % en pêche et abricot, 50 % en cerise, a indiqué Régis Aubenas, président de la section fruit de la FDSEA. Ce constat devrait malheureusement s'alourdir avec les chutes de fruits qui continuent. Avec les Jeunes Agriculteurs et la chambre d'agriculture, nous faisons le maximum pour accélérer la procédure des calamités. » Un comité départemental d'expertise (CDE) est programmé le 10 juin et une réunion exceptionnelle du CNGRA(3) a été demandée en juillet. « Notre objectif, explique-t-il, est que l'État statue rapidement afin que les arboriculteurs sinistrés puissent déposer leur dossier individuel dès la fin de la saison et sachent le montant de leur indemnisation avant la fin de l'année. » Par ailleurs, ont déjà été demandées une exonération de taxe sur le foncier non bâti ainsi qu'une intervention sur les volets social et bancaire. Mais sur ce point, contrairement aux indemnisations du fonds des calamités, les aides sont soumises au règlement des minimis.
En plus de la fragilisation des exploitations, ce sinistre fait craindre des risques de perte de marchés. « C'est une grosse inquiétude, confie Régis Aubenas. Faute de volumes, d'autres fournisseurs vont prendre notre place. Et le fait que les droits de douane de la Turquie aient été abaissés dans le cadre de la crise des migrants fait peser un risque majeur pour 2017. Car l'offre turque d'abricot est déjà extrêmement présente en Allemagne et Europe du Nord. »
Christophe Ledoux
(1) DDT : direction départementale des territoires.
(2) Sefra : Station expérimentale fruits de Rhône-Alpes.
(3) CNGRA : Comité national de gestion des risques en agriculture.
Calamités agricoles /
Fonctionnement
L'indemnisation des pertes est assurée par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Le caractère de calamité agricole est reconnu par un arrêté du ministre chargé de l'Agriculture, pris sur proposition du préfet du département après avis du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA). Localement, la procédure débute par une ou plusieurs missions d'enquête destinée(s) à constater les dégâts, puis à rédiger un rapport avant la réunion d'un comité départemental d'expertise (CDE).Pour bénéficier d'une indemnisation, les dommages aux récoltes doivent représenter une perte supérieure à 30 % de la production théorique de la culture sinistrée et dépasser 13 % de la valeur du produit brut théorique de l'exploitation. Les exploitations comprise en totalité ou en partie dans une zone reconnue sinistrée peuvent présenter un dossier de demande d'indemnisation dans les trente jours suivant la date de publication en mairie de l'arrêté ministériel. Dès réception des demandes, le service instructeur (DDT) les contrôle et procède à l'évaluation provisoire des dommages subis en appliquant les valeurs des productions figurant au barème départemental. En Drôme, le barème a été révisé en 2014.
A noter, pour les dégâts du gel de 2016, l'arrêté ministériel ne devrait pas être publié avant la rentrée 2016. Nous vous tiendrons informé.