Gelée : n’est pas royale qui veut !

Qu'est-ce-qui vous a conduit vers l'apiculture ?
Bruno Izoulet-Meulé : « Parallèlement à mon travail d'administrateur informatique, j'étais amateur d'apiculture depuis pas mal d'années. À la base, j'ai une formation en biologie-botanique. Il y a deux ans, j'ai souhaité mettre ce savoir à profit en entamant une démarche de reconversion. J'ai suivi des stages auprès de professionnels apiculteurs. Par la suite, je me suis installé apiculteur à titre principal. Grâce à mes deux cents ruches, je produis du miel de fleurs, d'acacia, de châtaignier, de sapin mais aussi de la gelée royale, que je vends ensuite quasiment exclusivement en direct. »
La gelée royale est, selon la tradition populaire, un produit rare et difficile à obtenir. Qu'est-ce qui vous a poussé vers cette diversification ?
B. I-M. : « Effectivement, la production de gelée royale est un travail de laboratoire qui demande de la minutie et de la précision. L'intérêt, c'est évidemment une meilleure valorisation de la production même si cela demande du temps et de la technicité. Aujourd'hui, je dédie une vingtaine de mes ruches à la production de gelée royale, ce qui au final me permet de commercialiser une dizaine de kilos de gelée par an. »
Plébiscitée pour ses vertus thérapeutiques, la gelée royale connaît une demande croissante. Comment y faites-vous face au niveau du groupement national et quelle est votre position face au produit d'import ?
B. I-M. : « Au sein du groupement, les 110 apiculteurs membres produisent en moyenne deux tonnes de gelée royale par an. C'est évidemment trop peu pour faire face à la demande exponentielle. Nous avons aussi bien conscience de peser peu face aux 100 tonnes de gelée royale importées annuellement en France, essentiellement de Chine. Mais nous militons pour que la dénomination gelée royale ne soit pas phagocytée. C'est d'ailleurs dans ce cadre que nous avons créé la marque gelée royale française qui garantit la qualité du produit. Les producteurs s'engagent dans une charte de qualité et leur production est régulièrement contrôlée. Par ailleurs, courant 2016, un dossier de norme internationale Iso devrait être finalisé. C'est un projet porté par les pays producteurs et consommateurs, dont la France, auquel nous contribuons. »
Comment différencier une vraie gelée royale d'une pâle copie ?
B. I-M. : « Sur la partie production, les coûts de revient et la qualité des gelées chinoises n'ont rien à voir avec la production française. En France, nous voulons promouvoir un type de gelée royale produite exclusivement grâce au butinage des abeilles. En cas de disette, on peut les nourrir avec du miel. Les Chinois, eux, n'hésitent pas à supplémenter les abeilles avec du sucre et de la levure, ce qui au final modifie la composition du produit. En tant que consommateur, le logo gelée royale française reste le meilleur indicateur. »
La création d'une interprofession apicole est en cours de discussion (lire ci-dessous), quel rôle souhaitez-vous y jouer ?
B. I-M. : « Nous sommes associés aux discussions. Le GPGR souhaite intégrer cette interprofession pour faire entendre la voix de notre production qui est un peu anecdotique par rapport au miel. Nous avons toute légitimité à intégrer l'interprofession, nous représentons 90 % des producteurs de gelée royale. Cette instance permettrait de nous rapprocher des transformateurs et distributeurs, d'échanger avec eux de manière plus formelle. Pour l'instant, nous butons sur des problèmes de représentativité syndicale. Mais je suis de nature optimiste, je pense que nous y arriverons fin 2016 ou début 2017. »
Propos recueillis par Sophie Chatenet
Pour aller plus loin : http://www.geleeroyale-info.fr/
Les apiculteurs français travaillent à la mise en place d’une interprofession. Le ministre de l’Agriculture souhaite qu’un accord prenne forme. Du côté des professionnels, prudence et optimisme sont de mise.
L’interprofession apicole française prend forme
Si vous interrogez trois apiculteurs, vous aurez dix positions différentes », ironise Joël Shiro, président du SPMF(1). La filière apicole française est éclatée : en dix ans, le nombre de syndicats est passé de trois à sept. Ces sept syndicats (SPMF, SNA(2), FFAP(3), Unaf(4), les commissions apicoles des syndicats FNSEA, Confédération paysanne et Coordination rurale) se sont réunis le 1er mars, pour avancer sur la création d’une interprofession apicole française. Si les professionnels sont globalement optimistes sur l’aboutissement à l’instar de Gilles Lanio, président de l’Unaf, il reste encore du chemin à parcourir, notamment sur la représentativité des différentes familles, un consensus est en bonne voie. Le seuil de 200 ruches pourrait être retenu pour définir un apiculteur professionnel. « Les apiculteurs qui ont moins de 200 ruches ne seraient pas dans l’instance dirigeante de l’interprofession », précise prudemment Gilles Lanio. Mais cela reste à confirmer.Pérenniser la profession
Dès 2008, le rapport Saddier, du député savoyard du même nom, résumait : « L’apiculture est à chaque fois une passion mais pour certains un loisir, pour d’autres un métier. Il y a donc lieu d’organiser de toute urgence une filière abeille ou apicole ». Par le passé, deux tentatives de création d’une interprofession avaient échoué en 1974 et 1990.
L’enjeu d’un regroupement des professionnels de l’apiculture en France est de taille. En dix ans, la production française a été divisée par trois. Aujourd’hui, la consommation française est en partie couverte par les importations. Pour le ministère de l’Agriculture et pour la filière, la situation ne peut pas durer. « L’interprofession est aussi un moyen de récolter des financements pour le développement de l’apiculture française », explique Gilles Lanio, rappelant que les crédits de l’État ne sont pas illimités. Les discussions devraient reprendre à l’automne.
(1) Syndicat des producteurs de miel de France.
(2) Syndicat national d’apiculture.
(3) Fédération française des apiculteurs professionnels.
(4) Union nationale de l’apiculture française.
Formation 2016 : il reste des places
Depuis 2012, le GPGR (groupement des producteurs de gelée royale), face à l’intérêt grandissant pour la production de gelée royale, a conçu un nouveau modèle de formation avec le CFPPA de Vesoul. Elle est proposée à un public d’apiculteurs professionnels ou amateurs ayant pour objectif le développement d’un atelier de gelée royale. Cette formation, qui allie la théorie à la pratique, laisse au candidat la liberté de personnaliser son parcours. Elle est constituée d’une partie de formation théorique à distance de 52 heures et d’une partie pratique de 28 heures. Cette formation est qualifiante sous forme d’Ucare (unité capitalisable régionale à l’emploi). Les modules de formation sont les suivants : élaboration et caractéristiques de la gelée royale – Techniques de production et conditions de développement d’un atelier gelée royale – Hygiène, sécurité et réglementation – La filière, le marché et les réseaux de commercialisation – Intégration de l’atelier gelée royale dans l’exploitation apicole.
La session pratique aura lieu du 5 au 8 septembre chez Bruno Casset aux Marches en Savoie.
Informations et inscriptions auprès du GPGR : 04 72 72 49 29 ou par
mail : [email protected]