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Gestion de l’interculture : déchaumage et cultures intermédiaires

Sitôt les récoltes d’été réalisées, il faut penser à la gestion de l’interculture, cet espace qui sépare de l’implantation de la culture suivante. C’est le moment de semer les cultures intermédiaires.
Gestion de l’interculture : déchaumage et cultures intermédiaires

Un couvert réussi apporte une bonne protection de la structure du sol, liée au développement du système racinaire. Il exerce une concurrence forte sur les adventices. Il évite le lessivage des nitrates dans la nappe tout en restituant un maximum d'azote à la culture qui suit et de matière organique au sol. Pour assurer ces effets positifs, il est important de réussir l'implantation pour que les couverts se développent vite et de façon homogène afin d'obtenir le maximum de biomasse à l'automne. En l'absence de matériel spécifique, il est possible de semer au moment du déchaumage avec un semoir adapté, ou de semer au combiné de semis après la dernière intervention. Ce genre de pratique permet de gérer des situations avec des adventices développées (en substituant un désherbant total) afin de semer sur un sol propre avec le matériel disponible sur l'exploitation. Toutefois, le semis est alors réalisé plusieurs jours après la récolte et le sol a eu le temps de se dessécher. De plus, s'il n'y a eu qu'un seul passage d'outil, on peut faire relever des adventices. Certains agriculteurs ont autoconstruit des semoirs à dents avec des socs fins permettant d'intervenir dans de grandes quantités de résidus sans trop perturber le sol. Il est alors possible de semer dès la récolte des céréales en bénéficiant de la fraîcheur du sol post-récolte.
Dans le contexte des graviers de la plaine de Lyon, l'été sec de 2019 a été l'occasion de comparer différentes techniques d'implantation avec les chambres d'agriculture de l'Ain, de l'Isère et du Rhône, sur la station St Ex Innov.
Trois types d'implantations ont été étudiés : semis de couverts à la volée avant la récolte des céréales ; semis avec un déchaumeur à disque indépendant en un passage ; semis avec un semoir à dents fines, adapté au semis direct.
Les résultats (graphique 1) montrent que la qualité de positionnement de la graine et le maintien de l'humidité ont permis d'obtenir un couvert homogène et bien développé. Dans la recherche de biomasse estivale, c'est un facteur prépondérant, pour un investissement qui peut être réduit en cas d'autoconstruction.

Le choix d'espèces de couverts

Le choix d'espèces et de variétés de cultures intermédiaires est de plus en plus large et bon nombre d'éléments sont à prendre en compte pour choisir la ou les espèces les mieux adaptées. Chaque espèce présente des points forts et des points faibles à connaître et à intégrer lors du choix. Un outil est désormais disponible gratuitement afin de tester différentes combinaisons d'espèces en fonction d'un objectif recherché : http://www.choix-des-couverts.arvalis-infos.fr/. Grâce à un coût de semences souvent limité et leur facilité d'implantation, les crucifères connaissent un grand succès.
Cependant, il vaut mieux les éviter en cas de rotation chargée en colza, à cause des risques de hernie des crucifères. En revanche, elles présentent un intérêt dans certaines rotations grâce à leur effet allélopathique sur certaines maladies (piétin échaudage) ou peut-être sur certains ravageurs (pistes à l'étude actuellement). Ce sont, d'autre part, de très bons pièges à nitrates.
Les graminées s'adaptent bien aux semis tardifs. Leur manque de sensibilité au gel et aux moyens de destruction mécanique est leur point faible. Face au gel, plus l'espèce atteint un stade avancé, plus elle devient sensible. Les graminées conviennent à la plupart des situations, sauf avant des céréales à paille d'hiver ou de printemps. Elles ne restituent pas bien l'azote absorbé à cause de leur rapport carbone/azote souvent un peu élevé. Ces couverts sont souvent détruits tardivement, ce qui entraîne des risques d'assèchement du sol et une réduction de l'azote disponible pour la culture suivante.
Les légumineuses peuvent réduire la dépendance des systèmes de culture vis-à-vis de l'azote. Pour cette raison, elles suscitent beaucoup d'intérêt. Ces espèces doivent être semées tôt car la lumière et la température limitent leur développement. Pour cette raison, les espèces et variétés à développement rapide à l'automne sont recherchées. Semées seules ou associées, les légumineuses sont assez délicates à faire lever.
Les autres familles de couverts peuvent être des alternatives aux crucifères et aux céréales. Dans les rotations chargées en colza, les couverts de crucifères sont à éviter. Dans ce cas, la phacélie, le niger et le sarrasin constituent des alternatives intéressantes. Toutefois, le niger est à éviter dans des rotations avec tournesol. Le sarrasin présente surtout de l'intérêt en semis très précoce pour des intercultures courtes, entre deux cultures d'automne par exemple. Il fleurit et monte à graine facilement. Cette plante de la famille des renouées risque alors de se retrouver comme mauvaise herbe dans les cultures suivantes.

Cultures intermédiaires et effets sur la culture de maïs suivante

Concernant la nutrition azotée du maïs dans une rotation, l'introduction d'un couvert intermédiaire à base de légumineuses est un levier important. Plusieurs essais ont montré que les restitutions azotées pour le maïs qui suit un couvert hivernal à base de légumineuses peuvent être grandes. Toutefois, elles sont tributaires des conditions de minéralisation de l'année et il n'est pas rare que l'on retrouve des arrière-effets de la destruction des couverts intermédiaires deux ans après.
Les performances des couverts intermédiaires
Le tableau 1 reprend les résultats obtenus au cours de trois intercultures blé-maïs 2009-2010 (couverts détruits en 2010), 2010-2011 (couverts détruits en 2011), 2011-2012 (couverts détruits en 2012). Pour tous les couverts, la quantité d'azote piégée est liée à la biomasse produite.
Suivant les années et le niveau de croissance, les crucifères et les graminées ont absorbé entre 25 et presque 40 u/ha. Les légumineuses présentent des quantités plus importantes d'azote contenues dans les parties aériennes en raison de la fixation symbiotique du diazote de l'air. Les valeurs vont de 47 à 158 u/ha. Lorsqu'elles sont en mélange avec des graminées (sorgho fourrager, avoine de printemps) ou du colza, le niveau d'azote absorbé atteint des valeurs comprises entre 55 et 108 u/ha.
Les couverts à base de légumineuses présentent tous des rapports carbone/azote entre 10 et 15, laissant entrevoir des dynamiques de relargage de l'azote rapide. A contrario, les couverts de non légumineuses présentent des rapports carbone/azote entre 30 et 35, soit peu d'effet de leur décomposition sur la fourniture d'azote minéral au maïs suivant.

Effets des couverts sur la production de maïs grain

Suite à la destruction des différents couverts, il a été cultivé du maïs avec deux niveaux de fertilisation azotée : pas d'azote en provenance d'engrais minéral et 180 u/ha. Ce maïs a été conduit avec irrigation.
Le tableau 2 présente les rendements obtenus avec ce maïs irrigué sans ou avec azote, après absence ou présence des différents couverts.
On constate un très net effet des couverts à base de légumineuses en situation non fertilisée sur le rendement en grain du maïs suivant. Les gains peuvent dépasser 50 q/ha par rapport au maïs suivant sur un sol nu. Lorsque ces légumineuses sont en mélange avec une graminée ou une crucifère, comme l'impose la plupart des arrêtés départementaux liés au 4ème programme nitrates, le gain de rendement va de 23 à 43 q/ha.
Quand on applique une fertilisation de 180 u/ha après couverts, ce gain de rendement ne progresse que modérément. Cela montre bien un fort impact des couverts à base de légumineuses sur la nutrition azotée du maïs. De leur côté, les couverts de graminées pures ou crucifères pures ont peu d'impact sur le rendement de maïs non fertilisé. Dans ces conditions, l'apport de 180 u/ha d'engrais azoté fait fortement progresser le rendement après ce type de couverts.

Que retenir de ces résultats ?

Ces résultats sont acquis dans un milieu donné. L'extrapolation à toutes les situations de production de maïs est à faire avec précaution. En tout cas, ces résultats confirment d'autres conclusions issues de dispositifs des années 1990 sur le même site.
Il semble possible de se servir de couverts intermédiaires à base de légumineuses pour subvenir de façon significative aux besoins en azote du maïs suivant. Mais il est important que ce surplus de fourniture soit pris en compte dans le calcul de la dose d'engrais à apporter. La production de biomasse peut également être recherchée pour alimenter un troupeau ou un méthaniseur. D'une façon générale, elle permet également d'améliorer le taux de matière organique des sols même en labour, alors que les teneurs ont tendance à baisser.
Thibaut Ray, Arvalis - Institut du végétal