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FILIÈRES

Grandes cultures et vignes en souffrance

Sécheresse et canicule impactent les filières agricoles drômoises à des niveaux divers. S’il est encore trop tôt pour quantifier les pertes, une chose est sûre : les agriculteurs font face à des conditions de travail pénibles et stressantes. Tour d’horizon.

Grandes cultures et vignes en souffrance
Les moissons ont démarré en Drôme
début juin. ©Pixabay.

« C’est inédit d’être à des niveaux de restriction aussi importants à cette période de l’année », rappelle François Dubocs, conseiller irrigation à la chambre d’agriculture. En Drôme, souligne-t-il, 65 % des prélèvements pour l’irrigation se font sur des ressources « relativement sécurisées » (Rhône, Isère, Bourne). « Ceux qui en bénéficient devraient pouvoir mener leurs cultures jusqu’au bout. La végétation a beaucoup d’avance, les premiers maïs seront en fleurs cette semaine [celle du 20 juin, ndlr] contre le 14 juillet l’année dernière », décrit-il. En revanche, ceux qui se trouvent sur des ressources avec contraintes de volume prélevable vont rapidement se trouver en difficulté. Pour les agriculteurs qui se sont vu attribuer un volume autorisé cette année, François Dubocs insiste : « il est nécessaire de relever régulièrement son compteur, si possible entre deux irrigations pour vérifier précisément les doses qui ont été apportées. »

Grandes cultures : fortes baisses de rendement en prévision

Il indique par ailleurs que les moissons ont démarré la semaine du 6 juin en Drôme, avec des rendements « très hétérogènes sur les orges, de 20 à 80 quintaux selon les sols ». Sur Montélimar, les moissons des blés ont également commencé la semaine dernière. « Tout devrait s’enchainer assez vite », poursuit le conseiller. Pour les autres cultures (tournesol, sorgho…), sauf orages locaux qui sauveraient quelque peu la situation, les agriculteurs soumis aux restrictions seront certainement contraints de les mener en sec. « Il faut s’attendre à de tout petits rendements, avertit François Dubocs. Idem sur le maïs conso où 15 % des surfaces sont menées sans irrigation. Les rendements vont être particulièrement faibles. » Il souligne que depuis 2014, la Drôme a perdu 37 % de ses surfaces en maïs grain et semence, soit 8 000 ha.

Vignes : des signes de stress hydrique

Dans le sud de la Drôme, à l’ouest de l’enclave des papes, sur des terrains de garrigue, la vigne montre des signes de stress hydrique modéré, annonce Isabelle Méjean, conseillère à la chambre d’agriculture. « Concernant le déficit hydrique, 2022 confirme son caractère exceptionnel avec un bon mois d’avance par rapport aux millésimes précédents », confirme l’Institut Rhodanien dans son état des lieux hebdomadaire.

Au regard de cette situation exceptionnelle, le syndicat général des AOC Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages a obtenu une dérogation de l’Inao autorisant l’irrigation des vignes depuis le 3 juin et jusqu’au 15 août.

Sur les terrains de graviers, filtrants, au nord du département, la situation est tout aussi préoccupante, avec des vignes déjà en stress hydrique modéré également. Là aussi, une demande de dérogation pour l’irrigation des vignes en appellation a été déposée et pourrait être effective à partir du 25 juin.

« Au vu de l’évapotranspiration actuelle, on pourrait très vite passer en contrainte hydrique forte », redoute Isabelle Méjean. Elle rappelle que la vigne se situe en ce moment dans la période de grossissement des baies, « soit la période où la demande en eau est la plus importante ». Pour ceux qui ont la possibilité d’irriguer au goutte-à-goutte, elle conseille de fractionner les apports [ 1 mm par jour ou 10 à 12 mm par semaine]. « Mieux vaut revenir régulièrement, sinon, on gaspille l’eau, l’objectif étant de permettre à la vigne de passer ce cap », ajoute-t-elle. En cas d’aspersion, prévoir 50 mm par passage maximum.

Enfin, concernant les Baronnies et le Diois, elle indique que les vignes semblent encore épargnées pour l’instant.

Sophie Sabot

ARBORICULTURE

Perte de calibre en abricot et cerise

Côté vergers, si la grande majorité sont irrigués dans le département, ils souffrent tout de même des conditions climatiques exceptionnelles. « Sur cerise, les producteurs ont perdu un calibre. Idem en abricot », indique Bruno Darnaud, président de l’AOP pêches et abricots de France et membre du bureau de la chambre d’agriculture de la Drôme. Les arbres ont dix jours d’avance, les fruits mûrissent très vite, d’où cette perte de calibre. Il craint que la pêche ne suive le même chemin. « En revanche, on est sur une qualité sanitaire exceptionnelle et des taux de sucre jamais atteints », souligne-t-il. Du côté des fruits à pépins, Marion Bouilloux, responsable du pôle « cultures pérennes » à la chambre d’agriculture, estime qu’il est trop tôt pour faire des prévisions sur les calibres.

« Ce qui est le plus compliqué pour les arboriculteurs en ce moment, c’est la pénibilité du travail. Entre chaleur et manque de main-d’œuvre, les conditions en verger ou en station sont catastrophiques », conclut Bruno Darnaud.