« Il faut arrêter de sacraliser le loup »

« C'est ici un lieu de réalité, de sueur... de vie tout simplement. Un territoire que veulent nous voler les "escrocs-logistes". Il faut arrêter de sacraliser le loup, il détruit le pastoralisme. » C'est avec ces mots qu'Alain Baudouin, éleveur ovin et président de l'association des éleveurs et bergers du Vercors, a accueilli parlementaires, élus locaux et responsables agricoles, le 25 juin sur son exploitation située sur les hauteurs de Combovin. « Le loup est un vrai désastre depuis plus de vingt ans en Drôme, a renchéri Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture. Et pas seulement trois mois par an mais toute l'année pour les éleveurs. Il n'y a pas une seule commune drômoise où le loup n'ait pas mis les pattes. »
Lors d'un échange à bâtons rompus, la question des loups hybrides a été largement évoquée. « Le laboratoire allemand Forgen a montré qu'une partie des attaques de loups sont le fait d'animaux hybrides. Mais on se heurte à l'indifférence de l'ONCFS, a déploré Annette Jouvent, secrétaire de l'association des éleveurs et bergers du Vercors. Nous demandons la confrontation des laboratoires. » Cette transparence autour des analyses génétiques du loup en France est vivement attendue car elle impacterait les quotas de prélèvement.
Un plan loup incohérent et dangereux
Le plan loup adopté en France a été vivement critiqué. « Il est incohérent et dangereux, a dit Patrice Marie, représentant les bergers salariés et membre de la toute nouvelle Fédération nationale de défense du pastoralisme (lire page 11). Nous devenons la profession la plus armée de France ! ». Par ailleurs, Jean-Pierre Royannez a regretté la disparition des comités loup départementaux. « Il n'y a plus de discussion possible localement pour pouvoir, par exemple, gérer les cas difficiles. » Un point de vue confirmé par Michel Grégoire, président de l'association des maires de la Drôme.
Autre difficulté, celle de la cohabitation entre éleveurs et randonneurs. « On explique aux gens de faire attention aux chiens de protection qui sont là pour protéger notre outil de travail. Et parfois, on se fait pourrir », a témoigné Didier Beynet. A cela, s'ajoutent les plaintes déposées par des touristes victimes de morsures. Sur l'une de ses estives, Alain Baudouin a montré ses Bergers d'Anatolie. « Ce sont des chiens efficaces car ils surveillent tout un territoire et ne restent pas seulement près du troupeau. »
Des pratiques d'élevage modifiées
Quant aux pertes liées aux attaques de loups, « outre les animaux morts, il faut aussi compter les avortements, a expliqué Alain Baudouin. Après les attaques de 2017, cela a représenté 20 % de pertes sur mon troupeau. » Victor Persyn, éleveur de bovins à Combovin, est venu témoigner : « Même si mon troupeau n'a pas subi d'attaque, le stress lié à la présence de loup a entraîné des avortements. Les bêtes sont affolées et difficiles à approcher. » De plus, le prédateur engendre une modification des pratiques d'élevage. « Le parcage nocturne des animaux est une catastrophe pour les sols. Et cela crée du travail supplémentaire », a dit Jean-Pierre Royannez.
Pour le président de la fédération des chasseurs de la Drôme, Rémi Gandy, « si le pastoralisme disparaît à cause du loup, les biotopes seront modifiés. Et avec l'embroussaillement, le petit gibier sera moins nombreux et les sangliers en augmentation. »
D'autres voix ont évoqué la menace du loup sur la vitalité économique des territoires. Responsables agricoles et parlementaires présents sont en tous cas convaincus de la nécessité de faire évoluer au plus vite la réglementation liées à la protection du prédateur (lire ci-contre).