Accès au contenu
Arboriculture

« Il faut repenser l'offre abricot »

Alors que la récolte des abricots touche à sa fin, Régis Aubenas, arboriculteur et président de la section fruits de la FDSEA de la Drôme, analyse les raisons de la crise vécue cette année. Une crise qui, selon lui, était prévisible et nécessite de « retravailler le verger ».
« Il faut repenser l'offre abricot »

Selon vous, la crise vécue cette année en production d'abricots était prévisible. Pour quelle(s) raison(s) ?
Régis Aubenas : « Ce que l'on vit cette année était effectivement prévisible. Aucun producteur et aucune organisation économique ne peuvent ignorer les programmes de plantation d'abricotiers mis en œuvre en Espagne depuis 2013. La conjonction de différents facteurs, entre autres climatique, a donné la situation de crise que nous connaissons cette année en France. »

 

Quels sont ces facteurs de crise ?
« En abricot, une réflexion de fond s'impose car l'offre variétale est peu lisible. Il faut rationaliser, clarifier, redifférencier. Cela en s'inspirant du travail qualitatif conduit en pêche, préconise Régis Aubenas. R. A. : « Depuis le début de la campagne, soit le 18 mai dans notre région, la commercialisation est difficile. Sous l'effet des fortes chaleurs, l'entrée en production s'est faite avec deux semaines d'avance, soit en pleine période des cerises. Le marché de l'abricot n'était pas prêt. Par ailleurs, l'offre espagnole est restée très présente jusqu'au 20 juin. Et à des prix défiant toute concurrence. La production française est donc arrivée trop tôt tandis que celle de l'Espagne s'est étalée avec l'augmentation des calendriers de production de nos concurrents. De ce fait, le marché de l'Union européenne a été saturé. Il l'a été d'autant plus avec les abricots provenant d'Italie et vendus, eux aussi, à des prix plus faibles que chez nous. A la fin juin, l'offre française était très importante du fait d'un pic de production avec un trop grand nombre de variétés présentes. Ca donne le sentiment de revivre ce qui s'est passé en pêche dans les années 2000 avec, d'une part, une absence de régulation européenne et, d'autre part, une offre variétale pléthorique. »

 

Comment se sont comportés les opérateurs du marché ?
R. A. : « En France, les enseignes de la grande et moyenne distribution (GMS) ont basculé sur l'abricot français vers le 20 juin. Cela a permis de sortir des volumes mais essentiellement des volumes stockés depuis dix à quinze jours. Lorsque l'abricot bergeron est arrivé, fin juin et avec deux semaine d'avance, tous les stocks n'étaient pas écoulés. Bien que la chaleur ait favorisé la consommation, on a assisté à un télescopage des variétés. Globalement, en termes de prix, est constatée une meilleure valorisation en centrales d'achat GMS que chez les grossistes. Ce constat est le même en ce qui concerne l'écoulement. »

 

Que représente le manque à gagner ?
R. A. : « Sur le prix payé aux producteurs, il manque environ 15 à 20 centimes d'euro par kilo. Mais en considérant la mise en place coûteuse de la campagne 2017, du fait d'un éclaircissage important, il faudrait 30 à 40 centimes de plus pour considérer la saison comme étant normale. J'ajoute que selon les critères de FranceAgriMer, l'abricot est en crise depuis le 5 juillet. Ce qui signifie que les prix à la production sont anormalement bas par rapport à la moyenne olympique(1) des prix observés lors des cinq dernières campagnes. »

 

Au niveau syndical, quelles démarches ont été engagées ?
R. A. : « Courant mai, en lien avec l'AOP(2), la FNPF(3) et la FNSEA(4), a été menée une action de lobbying auprès des centrales d'achat afin qu'elles se fournissent en abricots français. Le basculement sur l'offre hexagonale doit coller à l'arrivée en production et non être retardé par la rigidité organisationnelle des distributeurs. Par ailleurs, des actions de relevés de prix et de contrôle de l'origine ont été conduites dans des grandes surfaces, et ce dans plusieurs départements. Des promotions abusives ont été dénoncées. Il y a eu, aussi, une rencontre avec des responsables de l'enseigne Carrefour. De plus, pour soutenir les exploitations qui vont connaître, hélas, des situations économiques difficiles, les pouvoirs publics ont été saisis. Le président de la FDSEA, Grégory Chardon, a officiellement demandé un plan d'aides pour les producteurs d'abricots de la Drôme. Chaque producteur en difficulté doit impérativement se signaler auprès de ses créanciers. Mieux vaut anticiper. Cela permettra également de connaître l'ampleur de la crise. »

 

Sur le plan structurel, quelle(s) solution(s) préconisez-vous ?
R. A. : « En abricot, une réflexion de fond s'impose car l'offre variétale est désormais peu lisible. Il faut rationaliser, clarifier, redifférencier. Cela en s'inspirant du travail qualitatif conduit en pêche. Après quatre ans de négociations, nous avons obtenu un "plan fruits régional"(5) doté de plusieurs millions d'euros. Ce sont des moyens utiles et essentiels pour opérer une transition en modernisant le verger. Si la météo a pesé dans la déstabilisation du marché cette année, ce type de conditions climatiques sera la norme à venir. Mieux vaut donc là aussi anticiper.
L'autre chantier est strictement politique. La concurrence déloyale reste un problème entier et les pouvoirs publics doivent faire évoluer le droit et réformer la loi de modernisation économique. La FNSEA a d'ailleurs fait des propositions de "frappes chirurgicales" pour la LME et Christiane Lambert est intervenue dans ce sens lors de l'ouverture des Etats généraux de l'alimentation.»
Propos recueillis par Christophe Ledoux

 

(1) La moyenne olympique se calcule en excluant les deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé.
(2) AOP : association des organisations de producteurs.
(3) FNPF : fédération nationale des producteurs de fruits.
(4) FNSEA : fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.
(5) Plan fruits régional : à lire dans L'Agriculture Drômoise du 20 juillet 2017.

 

Pêche /

« Ca pourrait être mieux »

« Depuis le début de la campagne, le marché de la pêche est fluide, constate Régis Aubenas. Les prix sont corrects mais sans plus. On n'arrive pas à accrocher 15 à 20 centimes de plus. Ca pourrait donc être mieux et on espère sur l'autre moitié de la saison gagner quelques centimes. Il manque un demi-calibre. Les arbres sont davantage chargé en B, ce qui rend l'écoulement plus compliqué, ajoute-t-il. En matière de consommation, la pêche est un produit "climato-sensible". Plus il fait chaud, plus il s'en écoule. »