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Zones défavorisées simples

« Il faut reporter la révision des zones défavorisées simples »

La révision des zones défavorisées simples voulue par l'Union européenne menace la pérennité de certaines exploitations. Le point avec Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme.
« Il faut reporter la révision des zones défavorisées simples »

Jean-Pierre Royannez, rappelez-nous ce que sont les zones défavorisées simples (ZDS).
Jean-Pierre Royannez : « Les zones défavorisées sont des zones soumises à des contraintes naturelles. Sur celles-ci, définies à la fin des années 1970, les agriculteurs sont éligibles à des indemnités compensatoires de l'Union européenne liées à ce handicap naturel (ICHN principalement). Sont distinguées les zones de montagne, les zones défavorisées simples et les zones affectées de handicaps spécifiques. L'unité de base pour la délimitation est la commune. »

 

Une révision du zonage est prévue pour les zones défavorisées simples (ZDS). Pourquoi ?
J-P. R. : « Un rapport de la Cour des comptes européenne a pointé en 2003 l'utilisation de critères non harmonisés et un classement contestable de certaines communes. Une révision du zonage a été demandée. Sont concernés uniquement les zones défavorisées simples pour tous les Etats membres. En France, le ministère de l'Agriculture a lancé la consultation en juillet 2016. Y ont été associés l'ensemble des syndicats agricoles, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) ainsi que l'association des régions de France (ARF). A l'échelon régional, notre interlocuteur est la direction régionale de l'agriculture et de l'alimentation (Draaf). »

 

Où en est ce travail de révision ?
J-P. R. : « Le projet du ministère a été établi sur la base de huit critères "biophysiques" imposés par l'Union européenne afin notamment de tenir compte des données climatiques : températures basses, sécheresse, excès d'humidité dans les sols, drainage des sols limité, texture et pierrosité des sols défavorables, faible profondeur d'enracinement, propriétés chimiques médiocres, forte pente. Pour être considérée comme défavorisée, une commune doit avoir au moins 60 % de sa surface agricole concernée par au moins l'un de ces critères. Elle est alors classée en "zone soumise à des contraintes naturelles" (ZSCN). Par ailleurs, les Etats ont la possibilité de définir des critères nationaux susceptibles de maintenir les communes qui en auraient besoin dans un zonage bis appelé "zones soumises à contraintes spécifiques" (ZSCS). C'est là tout l'enjeu de la concertation car, selon les critères retenus, de nouvelles communes entrent dans le zonage alors qu'elles n'en avaient jamais fait la demande. Et d'autres en sortent alors qu'elles ont toujours été classées en ZDS. »

 

Quelles sont les conséquences de cette modification du zonage ?
J-P. R. : « Revoir les zonages n'est en soi pas une mauvaise chose car les productions évoluent et les techniques agricoles aussi, par exemple avec l'arrivée de l'irrigation dans certaines communes. Mais les critères mis en œuvre ont déstabilisé le système. D'une bonne intention, on aboutit à élargir le zonage sans financements complémentaires. Le risque de dilution des aides est donc très fort, ce qui peut remettre en cause la pérennité de certaines exploitations d'élevage alors que les contraintes naturelles, elles, sont toujours là. Nous refusons un tel scénario. »

 

Quelle est la situation dans la Drôme ?
J-P. R. : « Depuis l'automne 2016, nous menons bataille pour proposer des critères de rattrapage des communes sortantes. Actuellement, dix-neuf communes drômoises sortiraient de la ZDS et douze nouvelles entreraient. L'essentiel de notre démarche est d'assurer la pérennité des exploitations soumises à des handicaps naturels. Dans le Nord-Drôme, par exemple, des zones d'élevage sont exclues car le critère européen de produit brut standard (PBS) moyen est dépassé. Cela tient au fait qu'il faut le calculer à l'échelle d'une "petite région agricole" (PAR). Lorsqu'il y a présence de productions spécialisées (viticole, maraîchère...), cela conduit à déclasser la zone et donc à pénaliser les éleveurs. Ce n'est pas acceptable. Nous nous sommes battus pour un redécoupage des PAR à l'échelle communale mais l'État a refusé notre demande. »

 

Que va-t-il se passer maintenant ?
J-P. R. : « Les propositions de la France devront être transmises à la Commission européenne au plus tard en septembre 2017, pour une application dans la Pac de 2018. Compte tenu des multiples problèmes que soulève cette révision du zonage, la FNSEA demande un report au-delà de 2018. L'idéal serait que ce dossier soit revu dans le cadre de la prochaine réforme de la Pac, qui entrera en application après 2020. Par ailleurs, les organisations agricoles nationales ont souligné que l'extension de l'ICHN aux productions végétales n'est pas opportune car son financement nécessiterait de prélever sur les aides du premier pilier de la Pac. A la chambre d'agriculture, nous souhaitons que l'ICHN reste ancrée aux productions animales. »


Propos recueillis par Christophe Ledoux