Indemnités journalières : "Cela m’a permis de me soigner"

Avoir recourt au service de remplacement peut générer des coûts assez importants selon la durée de la mission mais lorsque l’on travaille avec des animaux, une présence journalière est indispensable toute l’année. Les adhérents au service de remplacement sont libres ou non de bénéficier d’indemnités de remplacement s’ils le souhaitent auprès de la MSA. L’objectif ? Se garantir des revenus en cas d’arrêts de travail, d’invalidité ou en cas de décès. C’est l’aide dont a pu bénéficier Jérôme Benoit, 40 ans et père de deux enfants, installé en Gaec avec son épouse Marilyne en élevage bovin viande bio au Plagnal sur le plateau Ardéchois.
À l’âge de 21 ans, cet exploitant a subit un premier accident de travail, puis un second deux ans plus tard, qui l’immobiliseront pendant près de 18 mois. « J’ai subit une fracture des cervicales avec un nourrisseur à veau », explique-t-il. « Une vache m’a chargé et m’a abîmé tous les tendons de l’épaule gauche ». Pendant plusieurs années, il bataille avant d’être pris en charge par le centre anti-douleur du Puy-en-Velay. Les soins apportés à son épaule n’améliorent pas son état de santé ce qui lui vaut plusieurs arrêts de travail, dont le dernier en 2018 en raison de crises d’arthrose. « Pendant ces crises, je n’arrive plus du tout à tourner la tête, soulever le bras, conduire un tracteur... Je ne fais absolument plus rien. » Aujourd’hui, Jérôme Benoit est reconnu comme travailleur handicapé.
Se garantir un revenu
Suite à son premier accident en 2001, aucune indemnité journalière n’existe pour répondre à la situation de Jérôme Benoit et lui garantir un revenu et un remplacement sur l’exploitation. « À ce moment-là, je venais de m’installer depuis un an à peine. En étant en accident de travail, j’ai serré les dents et je travaillai un petit peu. On ne pouvait pas se permettre de ralentir notre activité », rajoute-t-il. Au final, « je me suis bien plus abimé et mes cervicales se sont mal ressoudées. »
Suite à une opération de l’épaule, Jérôme Benoit embauche un salarié pendant un peu plus de 4 mois pour assurer le travail de l’exploitation. Par la suite, avec des voisins, ils relancent le service de remplacement de Saint-Étienne-de-Lugdarès qui existait quelques années auparavant. Ils s’adressent à la Chambre d’agriculture et la MSA dans le but d’embaucher un salarié susceptible d’aller prêter main forte aux agriculteurs en cas de coup dur. Ils développent en 2005 le service de remplacement sur le canton de Saint-Étienne-de-Lugdarès, puis deux autres sur les secteurs de Coucouron et Sainte-Eulalie, pour former une seule structure et embaucher un agent administratif.
Aujourd’hui, une seule structure de remplacement rassemble 90 agriculteurs adhérents et couvre toute la zone du plateau ardéchois. « Cela nous permet d’avoir un salarié déclaré et disponible. Quelqu’un issu du milieu agricole, que nous connaissons et en qui nous avons confiance », rajoute Jérôme Benoit. « Cela m’a permis de ne pas forcer et de me soigner. On a beau être jeune, être costaud. Du jour au lendemain, on peut vite se faire mal et devenir dépendant, ou handicapé. Avec notre travail, c’est toute notre vie qui peut être bouleversée. » La prévoyance comme maître-mot. S’il n’avait pu bénéficier de l’aide au service de remplacement et des indemnités journalières, Jérôme Benoit l’assure : « Cela ferait longtemps que l’exploitation serait fermée ».
Anaïs Lévêque
Contrôle des arrêts de travail / Médecin chef du service contrôle médical à la MSA Ardèche-Drôme-Loire, le docteur Gérard Testa nous explique les procédures - administratives et médicales - de contrôle des arrêts de travail.
« Quand l'arrêt n'est plus justifié, on met fin aux indemnités journalières »

Docteur Gérard Testa : « D'une manière générale, en France, le nombre des indemnités journalières (IJ) augmente. Leur contrôle passe d'abord par des actions préventives. La caisse nationale d'assurance maladie met ainsi à disposition des médecins des fiches repères avec des durées indicatives d'arrêt. De plus, elle repère les plus gros prescripteurs d'IJ. Bien qu'ils soient peu nombreux, ces médecins peuvent voir leurs prescriptions soumises à un contrôle préalable du service médical. »Localement, la caisse de MSA effectue divers types de contrôle. Expliquez-nous.
G. T. : « Un contrôle administratif est réalisé par le Service santé. Est vérifiée la date d'arrivée de la feuille d'arrêt maladie (respect du délai de 48 h). Lorsqu'il s'agit d'une prolongation d'arrêt, le service vérifie si la nouvelle prescription provient bien du même médecin afin de lutter contre le "nomadisme médical". Le repos effectif des assurés peut aussi être contrôlé, de même que le caractère répétitif des arrêts. »Qu'en est-il du contrôle médical ?
G. T. : « Le contrôle médical exerce son activité dans le cadre du Code de la sécurité sociale. Nous sommes amenés à vérifier la présence du motif médical inscrit sur la feuille d'arrêt maladie et à l'analyser. Le contrôle des IJ est systématique pour les arrêts de plus de 45 jours. En cas d'arrêts maladie répétitifs, les patients sont avertis de la possibilité d'un contrôle médical. Les signalements d'employeurs sont pris en compte. Et lorsqu'un employeur organise le contrôle médical privé d'un de ses salariés, notre service est systématiquement informé de ses conclusions. »Que se passe-t-il alors ?
G. T. : « Nous disposons des informations de notre dossier médical. Nous pouvons prendre contact avec le médecin traitant ou avec l'hôpital. Si nécessaire, nous convoquons l'assuré dans nos agences et, dans des cas extrêmes, nous pouvons nous rendre à domicile. Sur quelque 26 000 arrêts de travail enregistrés chaque année à la MSA Ardèche-Drôme-Loire, sont convoquées environ 1 200 personnes. Une fois nos vérifications effectuées, le versement des IJ peut être stoppé en cas de divergence médicale. Je dois cependant préciser que notre priorité consiste à trouver un accord avec le médecin traitant sur une date de fin d'arrêt de travail. Mais en cas de désaccord persistant, on met fin aux IJ. Cela concerne une centaine de dossiers par an. Dans ce cas, l'assuré peut demander la réalisation d'une expertise médicale par un expert choisi conjointement par le médecin traitant et le contrôle médical. »A propos des actions que peut entreprendre un employeur, pouvez-vous nous donner plus d'explications ?
G. T. : « Un employeur peut faire un signalement à la Caisse et, dans la mesure où il maintient le salaire, organiser un contrôle médical privé dont les conclusions sont obligatoirement transmises au service médical de la caisse. Notre service en reçoit une dizaine par an. Pour qu'un signalement puisse être pris en compte, il faut qu'il soit écrit, que l'employeur soit bien identifié (pas d'anonymat, donc) et que le dossier soit argumenté. Ces trois critères sont indissociables. »
Propos recueillis par Christophe Ledoux
EN PRATIQUE / Responsable du service santé de la MSA Ardèche-Drôme-Loire depuis deux ans, Céline Chaix rappelle le rôle des indemnités journalières, quels en sont les bénéficiaires et les règles à respecter pour en bénéficier.
Les indemnités journalières, comment ça marche ?

Céline Chaix : « Ces revenus de remplacement, mis en place en 1962 au régime agricole, ont pour origine les assurances sociales de 1928 et 1930 afin de compenser la perte de salaire liée à l'arrêt de travail médicalement justifié. En effet, pendant un arrêt de travail, le contrat de travail du salarié est suspendu. Celui-ci ne perçoit donc plus son salaire sauf si l'employeur a prévu des dispositions particulières, comme le maintien de salaire. »Quand peut-on y prétendre ?
C.C. : « Dans trois cas de figure : en cas de maladie, d'accident du travail et de trajet ou encore en cas de congé maternité/paternité. Les conditions d'accès varient selon la durée de l'arrêt de travail. Les conditions pour bénéficier des IJ en cas d'arrêt de travail pour maladie sont de deux types : soit des conditions de durée de travail, soit des conditions de montant de cotisations. Par exemple, pour un arrêt inférieur ou égal à six mois, le salarié doit avoir travaillé au moins 150 heures dans les trois mois précédents ou avoir cotisé pendant les six mois précédant l'arrêt pour un salaire au moins égal à 1015 fois le Smic horaire. »Les exploitants agricoles y sont-ils éligibles ?
C.C. : « Oui. Depuis le 1er janvier 2014, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ainsi que les collaborateurs et les aides familiaux peuvent bénéficier d'un revenu de base en cas d'arrêt de travail prescrit en cas de maladie ou d'accident de la vie privée. Pour bénéficier des IJ Amexa, il faut être affilié depuis au moins un an à un régime d'assurance sociale à titre personnel et être à jour des cotisations Amexa (Assurance maladie des exploitants agricoles) et IJ Amexa (cotisation forfaitaire, à la charge de l'exploitant ou du chef d'entreprise agricole, valable pour lui-même et les membres de sa famille travaillant sur l'exploitation, d'un montant de 180 euros / an en 2018, contre 200 e entre 2014 et 2017) au 1er janvier de l'année civile au cours de laquelle le médecin prescrit un arrêt de travail. »Comment l'indemnisation est-elle calculée ?
C.C. : « Le montant des IJ maladie pour les salariés est généralement calculé sur la base de 50 % de la moyenne des salaires bruts des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail (ou des douze derniers mois en cas d'activité saisonnière ou discontinue), dans la limite d'un certain plafond. Ce montant est variable d'un salarié à l'autre. Une majoration est calculée à partir du 31e jour d'arrêt de travail pour les assurés salariés ayant au moins trois enfants à charge. Concernant les IJ Amexa, l'indemnisation dépend de la durée de l'arrêt de travail : pour les 28 premiers jours indemnisés, le montant s'élève à 21,33 e brut / jour (depuis le 1er avril 2018) ; dès le 29e jour, il passe à 28,44 e brut / jour. Elle peut être versée pendant trois ans pour un arrêt de travail supérieur à six mois ou en cas d'affection de longue durée. Toujours dans le cas des exploitants, des IJ liées à des arrêts de travail de moins de six mois peuvent être versées 360 jours maximum sur une période de trois ans à compter du premier jour du premier arrêt de travail. Les IJ peuvent être versées pendant une période maximale de trois ans pour des arrêts maladie dits « longs ». Rappelons également qu'il y a un délai de carence incompressible avant de pouvoir percevoir ces indemnités. Il est de trois jours pour les salariés (hors prolongation d'arrêt de travail et affection de longue durée (ALD) et peut être compensé par les employeurs dans le cadre du maintien de salaire ; pour les exploitants, il est de sept jours en cas de maladie ou d'accident de la vie privée et trois jours en cas d'hospitalisation. »Quelle est la marche à suivre ?
C.C. : « Les démarches à accomplir, que l'on soit salarié(e) ou exploitant(e), sont simples et identiques en cas d'arrêt initial et de prolongation. Lors de la consultation, le médecin remet un document en trois volets mentionnant la durée et le motif de l'arrêt de travail. Les assurés doivent adresser les originaux des volets 1 et 2 à la MSA sous 48 h, le cachet de la Poste faisant foi. Pour les salariés, le volet 3 est destiné à l'employeur ou à Pôle emploi en cas de chômage indemnisé. Pour les exploitants, l'arrêt de travail complet est à envoyer à la caisse de MSA. Ne pas respecter cette règle entraine la réduction ou la suspension du versement des IJ.
À noter que les médecins ont désormais la possibilité de générer des arrêts de travail électroniques, dont le nombre progresse chaque année, à partir des données de la carte Vitale, d'où l'importance de la maintenir à jour. Depuis le 1er janvier 2018, nous avons ainsi reçu 27 % des arrêts de travail par voie électronique. Les deux exemplaires destinés à la caisse d'assurance maladie (médecin-conseil et administration) étant transmis par informatique, l'adhérent n'a alors plus qu'à envoyer le volet destiné à son employeur ou à Pôle emploi.Y'a-t-il des obligations à respecter ?
C.C. : « L'adhérent qui bénéficie d'IJ doit être présent à son domicile tous les jours (week-ends et jours fériés compris) de 9 à 11 h et de 14 à 16 h, sauf si le médecin autorise les sorties sans restriction d'horaires. Bien évidemment, la personne a interdiction d'exercer une activité, qu'elle soit rémunérée ou non, et doit se soumettre aux contrôles effectués par la MSA ou son employeur s'il lui verse un complément de salaire. Il faut également l'accord préalable du médecin conseil de la MSA, qui a obligation de répondre sous quinze jours pour se rendre dans un autre département ou à l'étranger, quelles que soient les circonstances. »Comment se déroule le retour au travail ?
C.C. : Suite à un arrêt de 30 jours ou plus pour maladie ou maternité, l'employeur doit organiser une visite médicale de reprise du travail obligatoire dans les huit jours suivant la reprise d'activité. Le médecin constate à cette occasion l'aptitude ou l'inaptitude au travail ; il peut préconiser éventuellement un aménagement de poste. En cas d'inaptitude, l'employeur devra trouver une solution de reclassement pour son salarié, à moins que celui-ci ne soit mis en invalidité. »Propos recueillis par Franck Talluto