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Eau

Irrigation : à chaque génération, son projet d'envergure

En matière d'irrigation, le projet des « Hauts de Provence rhodanienne », qui concerne le Haut-Vaucluse et le Sud-Drôme, est d'envergure. L'État vient de signer une convention de partenariat avec la profession.
Irrigation : à chaque génération, son projet d'envergure

Le projet de territoire des « Hauts de Provence rhodanienne », qui vise la mobilisation de l'eau du Rhône, notamment pour l'irrigation, est élaboré sous l'égide d'un comité de pilotage, présidé par le préfet de Vaucluse, Bernard Gonzalez. Pour matérialiser cette gouvernance, ce dernier a signé dernièrement une convention de partenariat avec André Bernard, président de la chambre d'agriculture de Vaucluse, et Patrice Brun, président de la Safer Paca. Le Sud-Drôme, territoire également concerné par ce grand projet, était représenté par Sandrine Roussin, élue de la chambre d'agriculture de la Drôme. La compagnie consulaire de Vaucluse a été désignée comme maître d'ouvrage pour ce projet collectif, qui a pour objectif une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau sur ce territoire. Tous les usages de l'eau sont concernés : eau potable, irrigation, industrie, pêche, conservation des milieux.

Pas d'impact sur le Rhône

« Nos grands-pères nous ont légué le barrage de Serre-Ponçon et les ouvrages sur la Durance et le Verdon. Nos pères, avec le conseil départemental de Vaucluse, l'irrigation sous pression dans le Calavon et le Ventoux. Avec ce projet, nous souhaitons assurer aux générations futures l'irrigation sous pression dans Hauts de Provence Rhodanienne », explique André Bernard. Et aujourd'hui, face aux changements climatiques, il faut anticiper : « On observe une baisse de l'enneigement de 15 % et de la neige qui arrive de plus en plus tard, explique-t-il. Or à fin avril, elle ne fond pas pour se transformer en eau mais elle s'évapore. Il faut mobiliser de nouvelles ressources. [...] On peut donc se permettre un prélèvement à 0,03 % dans le Rhône. » Une étude d'impact a été réalisée par l'Agence de l'eau assurant que ce prévisionnel ne perturberait pas l'équilibre général, notamment halieutique. « Ce qui est intéressant avec le Rhône, c'est que son plus bas niveau est atteint en septembre. Sur la période estivale de forte consommation, son niveau reste élevé. »

225 millions d'euros

Une enquête a été lancée par la chambre d'agriculture de Vaucluse, qui travaille en concertation avec celle de la Drôme. 20 % des agriculteurs ont d'ores et déjà répondu, soit 800 réponses. Quant aux associations environnementales, elles n'ont pas émis d'opposition. Mobiliser la ressource du Rhône n'épargne pas la mise en place d'un réseau sous pression. « Il est certain qu'en 2021, on n'aura pas encore amené l'eau à Malaucène mais il faut prévoir et programmer ces installations », souligne André Bernard. De plus, s'il y a moins d'eau prélevée en aval, cela libérera de la ressource pour l'amont. Co-signataire, la Safer Paca apporte ses compétences « sur ce territoire où 80 % des surfaces font moins de deux hectares. L'aménagement parcellaire est essentiel pour que l'irrigation se développe », explique Patrice Brun.
Il restera à trouver les financements. Mettre un hectare à l'irrigation c'est 15 000 euros, donc 15 000 ha représente 225 millions d'euros : « C'est une somme, j'en conviens, mais si on la répartit sur vingt ans, à travers trois programmes de soutien européen, sachant que nous sommes sur un territoire de 200 000 habitants, cela représente un peu plus d'un euro par habitant. Il faut que l'on travaille à économiser l'eau mais que l'on ne s'interdise pas l'irrigation. Tout ne viendra pas des changements de pratiques et d'espèces. »

Magali Sagnes

Témoignage / L'avis de Michel Chapoutier, président d'Inter-Rhône et président de l'UMvin (fédération nationale des négociants en vins).

Limiter les accidents climatologiques : une question qui concerne l'ensemble de la filière viticole

En viticulture, « on peut irriguer sans perdre de la qualité. C'est un snobisme historique que de dire le contraire », indique Michel Chapoutier. Présent lors de cette signature, Michel Chapoutier, président d'InterRhone (l'interprofession des vins de la Vallée du Rhône) et négociant, est venu apporter un témoignage de poids pouvant se résumer ainsi : régulariser les marchés et limiter les accidents climatiques n'est pas une problématique à la seule charge des producteurs mais doit avoir le soutien de l'ensemble de la filière. « Chaque fois qu'il y a des chutes de production, cela a des conséquences sur les prix. Et les parts de marché perdues ne sont jamais regagnées. L'Australie, par exemple, est très en avance sur l'irrigation. En France, nous avons beaucoup de retard que ce soit pour la captation ou le stockage de l'eau, quand on voit les contraintes administratives pour créer des retenues collinaires. Aujourd'hui, on sait que l'on peut irriguer sans perdre de la qualité. C'est un snobisme historique que de dire le contraire, d'autant qu'un stress trop poussé n'est pas qualitatif. Le millésime 2003 était tout dans la concentration, c'était presque un millésime à déguster avec un couteau et une fourchette. Il restera toujours des accidents climatologiques et ces problématiques ne doivent pas être seulement un problème du producteur, mais de l'ensemble du marché viticole. »
M. S.