Jeunes bovins, broutards et vaches, les cours se maintiennent

Le constat est unanime, les cours des marchés dans la filière bovine sont plutôt porteurs en ce début d'année. La fédération nationale bovine (FNB) parle de « perspectives plus favorables » qu'en 2014 et incite donc sérieusement les entreprises à « passer les hausses ». Guy Hermouët résume la situation en quelques phrases : « La consommation se tient bien. Il n'y a pas de stocks d'animaux en ferme. Quelques débouchés supplémentaires sur les pays tiers se sont ouverts (Egypte, Tunisie...). Près de 60 000 animaux, soit un nombre non négligeable, sont abattus par semaine. La conjoncture laitière n'est pas aussi catastrophique, d'où un nombre réduit de vaches de réforme sur le marché. Les cours devraient se tenir. » Jean-Marc Chaumet, chef de projet conjoncture viande bovine à l'Institut de l'élevage, le confirme : « Les prix se tiennent aussi bien en broutards qu'en jeunes bovins (JB) ou qu'en vaches. » Côté jeunes bovins (JB), un recul de l'offre en Allemagne permet de maintenir les cours du fait des fortes exportations françaises vers ce pays. L'Allemagne tire donc les cours français. Par ailleurs, ceux de la vache de réforme laitière sont bons également
(+ 0,15 à 0,20 euro), malgré la hausse des volumes abattus (+ 8 % de mi-février à mi-mars 2015 par rapport à la même période en 2014). L'Europe du Nord, en déficit d'abattage, exporte moins vers la France et permet donc au prix de progresser, selon Jean-Marc Chaumet. « Pour résumer rapidement, le manque d'abattage de JB et de vaches permet de maintenir les cours », observe-t-il.
Le marché turc soutient les cours du broutard
Sur le marché du broutard, le constat est le même. Certes, la hausse saisonnière des cours est bien là. Pour autant, les pays tiers tirent aussi le marché à la hausse. « La Turquie continue d'importer en grand nombre (broutards de moins de 300 kg). En janvier, 6 500 animaux sont partis », analyse-t-il. Pierre Richard, directeur commercial de Deltagro-Union, annonce, lui, un chiffre de 15 000 animaux exportés fin mars. Pour lui, la Turquie
« est un marché à très fort potentiel, beaucoup plus que le Maghreb », même s'il reste très aléatoire. Si la Turquie ne ferme pas ses portes durant l'année, « à ce rythme là, près de 70 000 à 80 000 animaux prendraient cette destination », soient 8 à 10 % des exportations vers l'Italie. « On déshabille Paul pour rhabiller Pierre ! », s'alerte tout de même Pierre Richard en pensant au manque que cela pourrait représenter sur les marchés italien et français. « Le risque est aussi de perturber le marché français. Ce sont autant d'animaux engraissés en moins en France », explique-t-il. Avec la nouvelle Pac, l'engraissement n'a pas forcément la cote chez nous. Pour Guy Hermouët : « Il manque la sécurité des marges et du prix pour les engraisseurs. Les éleveurs engraisseurs isolés ont plus de risque d'arrêter que ceux travaillant en organisation de producteurs avec une contractualisation. »
Un marché du broutard à surveiller
D'ailleurs à propos d'engraissement, Jean-Marc Chaumet constate qu'il existe un différentiel entre le nombre d'animaux qui devraient être présents sur le marché selon ses bases de données et la réalité du terrain ! Pierre Richard ne se refuse pas à cette idée et imagine
« un marché un peu chargé en jeunes bovins d'ici quelques mois ». Le différentiel constaté reste donc dans les élevages, à l'engraissement, incité probablement par des stocks de fourrage importants cette année. « Même les engraisseurs français commencent à ressentir la hausse des cours du broutard. Et leur faible disponibilité rend les exportateurs parfois à cours d'animaux », note Jean-Marc Chaumet. Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France, attend lui le mois de mai où la France et l'Europe verront redéfinir leur statut par rapport à l'encéphalite spongiforme bovine (ESB ou vache folle). Devenir un pays à « risque négligeable » permettra à la France – tout comme à d'autres pays européens – de prendre des marchés vers l'Asie. L'année 2015 s'annoncerait donc plutôt bien. Aussi la FNB rappelle que « les prix à la production en France doivent bénéficier de cette conjoncture et se redresser plus nettement. D'autant que les entreprises d'aval ont reconstitué des marges importantes depuis 2013 avec un prix consommateur toujours en croissance. Il y a urgence à rétablir la situation de trésorerie et de rentabilité des exploitations ».