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SOLIDARITÉ

Kignon, le biscuit inclusif et antigaspi

Depuis mars 2022, à Savenay (Loire-Atlantique), la biscuiterie handi-gaspi transforme les invendus de pain en de délicieux biscuits. Confectionnés au sein d’un établissement ou service d’aide par le travail (Esat), les biscuits Kignon favorisent également l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap. 

Kignon, le biscuit inclusif et antigaspi
L’équipe Kignon, composée de 30 personnes, travaille chaque jour pour faire vivre un projet inclusif et antigaspi.

Dix millions de tonnes : c’est la quantité alarmante de denrées alimentaires consommables qui partent à la poubelle chaque année. Parmi elles, le pain : égérie de la gastronomie française, il est gaspillé à hauteur de 600 millions de baguettes par an, dont 200 millions directement jetées au sein des boulangeries. C’est le constat effectué par Alix Guyot, Louise Doulliet et Katia Tardy, les trois créatrices de Kignon. Pour ces trois ingénieures en agroalimentaire, le combat ne s’est pas arrêté là : constatant que le chômage est deux fois plus élevé chez les personnes en situation de handicap par rapport à la moyenne nationale, elles ont décidé d’implanter la biscuiterie Handi-Gaspi dans un établissements et services d’aide par le travail (Esat).

« Qui sauve un pain, sauve un bain »

« Nous avons ouvert notre premier atelier de biscuiterie il y a trois ans maintenant, à côté de Nantes. Notre défi était de valoriser les invendus des coproduits alimentaires gaspillés, en créant de l’emploi inclusif. Le pain provient d’invendus de chaînes de boulangerie, ou de la casse de fabrication chez les boulangers industriels. Nous travaillons avec des partenaires qui ont la capacité de nous fournir en grande quantité, pour limiter nos déplacements et ainsi conserver des valeurs écologiques », explique Katia Tardy, responsable communication de la biscuiterie Handi-Gaspi. Tous les pains sont récupérés, qu’ils soient blancs ou complets, avec graines, de farines diverses. « Nous les broyons pour en obtenir de la chapelure, qui devient la matière première de nos biscuits. Elle remplace plus de la moitié de la farine dans nos recettes », précise-t-elle. Une initiative à grand impact écologique, dans un premier temps, puisque cette valorisation du pain représente une importante économie d’eau : la fabrication d’une baguette de pain (entre culture du blé, transformation en farine et incorporation dans le pain) représente l’équivalent d’une baignoire remplie d’eau. Avec Kignon, chaque jour, ce sont 300 baguettes de pain qui sont transformées en 35 000 biscuits. Soit une économie quotidienne de 60 000 litres d’eau.

Pour tous les goûts

De l’apéro au dessert, en passant par le goûter, Kignon en propose pour tous les goûts. « Notre recette est pour le reste plutôt classique, avec du beurre, des œufs, du sucre, des pépites de chocolat ou du citron confit… Nous faisons en sorte de varier les plaisirs pour satisfaire tous les gourmands », assure Katia Tardy. Mais la signature de Kignon, due au pain qu’il contient, c’est sa croustillance. « Sur la recette finale, il y a entre 20 et 30 % de pain sauvé dans chaque biscuit. Mais nous revalorisons d’autres matières selon les recettes, comme les drèches de brasserie dans les recettes salées, ou encore des brisures de chocolat, de l’huile de coco... ainsi, nous pouvons atteindre 40 % d’ingrédients valorisés dans chaque biscuit », explique la cofondatrice. Et plus l’aventure avance, plus les industriels se prêtent au jeu, pour le plus grand bonheur des trois fondatrices. Coques de macarons, crêpe, brisures de chocolat, billes de chocolat déclassées, des matières nobles que la biscuiterie handi-gaspi n’a plus qu’à intégrer dans ses biscuits pour agrandir sa gamme. « Parfois, les gens s’imaginent que l’antigaspi c’est de la récupération de ratés de la production. Mais ce n’est vraiment pas toujours le cas, comme ici, ce sont des matières nobles que nous intégrons à nos biscuits ».

Le biscuit inclusif

« Nous devions ouvrir les yeux sur le manque cruel d'activités dans les structures du handicap, comme les Esat, qui sont de moins en moins subventionnés par l'État et de moins en moins sollicités. Il y a toujours autant de travailleurs, mais de moins en moins d’activité. Alors ces femmes et ces hommes attendent simplement que la journée passe et que les heures s'écoulent. Nous avons donc tenu à imaginer un modèle qui crée de l’emploi au sein de ces structures, en incluant ses membres de A à Z dans le processus de fabrication », témoigne Katia Tardy. Ainsi, chaque jour, ce sont 30 personnes en situation de handicap mental et psychique qui mettent la main à la pâte pour faire vivre la biscuiterie. « Nous y avons installé notre atelier, semi-industriel, que l’on a rendu handi-compatible, tant dans le choix des machines que dans l’adaptation des processus, avec des systèmes de codes couleurs, de gommettes, en choisissant des machines ergonomiques et le moins bruyantes possible », explique-t-elle. Un projet conçu de concert avec les équipes en place : psychologues, ergothérapeutes, encadrants, moniteurs, afin que chaque membre de l’Esat ait l’opportunité d’être formé sur la biscuiterie. « C’est motivant, puisqu’ils créent le biscuit et le retrouvent le soir même en magasin. Ils font partie du processus. Depuis l’installation de la biscuiterie, nous avons de précieux retours, des travailleurs eux-mêmes et de leurs familles : Roland, par exemple, est un travailleur proche de la retraite qui a passé toute sa vie en Esat. Avant de travailler à la biscuiterie, il ne racontait jamais ses journées à ses proches. Depuis qu’il travaille à la biscuiterie, il en parle à chaque repas de famille. Il emmène sa famille en magasin pour qu'ils puissent voir les paquets de biscuits. Il explique vraiment le rôle qu'il a, ce que lui a concrètement fait pour donner vie à ces biscuits. Ça fait partie des choses qui nous rappellent pourquoi on se lève le matin. Et ça donne beaucoup de sens à nos métiers. »

Charlotte Bayon

TÉMOIGNAGE

Jenna, travailleuse à la biscuiterie handi-gaspi

Jenna a 38 ans, elle est membre de l’Esat la Soubretière à Savenay. Depuis le 1er janvier 2024, elle est biscuitière Kignon, une expérience adaptée, enrichissante, dont elle est particulièrement fière. 

« J’ai travaillé en restauration, effectué des stages en boulangerie, pâtisserie, j’avais déjà un peu d’expérience. Avant Kignon, cela faisait quatre ans que je n’avais pas travaillé. Ma dernière expérience en boulangerie ne s’était pas très bien déroulée, le travail n’était pas adapté à mon handicap, c’est pourquoi je me suis dirigée vers un Esat », explique-t-elle. En situation de handicap psychique, Jenna avait besoin d’un emploi adapté, mettant valeur ses facultés. Ce qu’elle a parfaitement trouvé à la biscuiterie handi-gaspi.

Le 1er janvier 2024, Jenna est embauchée dans l’entreprise Kignon, afin de créer ces délicieux biscuits. « Je suis en production, je pèse les ingrédients puis je forme les gâteaux. Ça me plaît beaucoup, je me sens à l’aise, à ma place. Les liens sociaux sont importants, je vois du monde, je suis contente d’aller à la biscuiterie chaque jour. Et je pense que c’est un peu le cas de tous les employés », témoigne Jenna. Un métier qui lui convient et dont elle est fière. « Les gâteaux sont bons et je suis heureuse de travailler pour une entreprise qui fait un geste pour la planète. »

C.B

 

Fondatrices Kignon

Fondatrices Kignon

gamme

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La gamme Kignon, composée de biscuits sucrée choco-noisette, choco-coco, choco-orange, citron-amande, ainsi fromage et olive pour la gamme salée.