Accès au contenu
Fruits

Kiwis : un marché segmenté

Produit phare de l’hiver, le kiwi a été commercialisé pour la première fois en France dans les années 1970. Touchés par une bactériose – la PSA – depuis une dizaine d’années, les vergers français sont amenés à se renouveler et se diversifier. Les arboriculteurs drômois ne dérogent pas à la règle.

Kiwis : un marché segmenté
Les vergers « traditionnels », en extérieur, souffrent de plus en plus de la PSA, une bactériose qui affaiblit la plante jusqu’à sa mort.

Alors que la récolte des kiwis s’étend de septembre à novembre selon les variétés, la campagne 2020 s’annonce stable. « Nous devrions atteindre les 1 000 tonnes de kiwis pour cette année, verts et jaunes confondus. Les produits sont très qualitatifs, avec un taux de sucre exceptionnellement haut », signale Katia Sabatier-Jeune, présidente de la coopérative Lorifruit. « Nous faisons face à une demande croissante de la part des consommateurs français. Le marché est plutôt positif, voire même vraiment encourageant », poursuit-elle. La coopérative, qui compte une quinzaine de producteurs de kiwis, voit même ses volumes progresser. Et pour cause. Elle a, depuis trois ans, engagé une stratégie de développement visant d’une part à renouveler les vergers français de kiwis verts, d’autre part à développer une nouvelle variété, le kiwi jaune Dori. Ce kiwi complète l’offre des kiwis verts Hayward et des kiwis précoces Summer proposés par Lorifruit. « Le marché nous encourage aujourd’hui à envisager de nouvelles perspectives », note Katia Sabatier-Jeune. Si l’espèce fruitière en question est aujourd’hui l’une des stars des étals français, elle est amenée à accroître son offre : « alors que la progression européenne est stable, les vergers français sont en légère régression avec 45 000 tonnes de kiwis à l’année. Ceci s’explique par les critères de vieillissement de ces arbres et la problématique de la PSA ». Cette bactériose du kiwi, identifiée au début des années 2010 en France, affaiblit la plante jusqu’à sa mort, entraînant des pertes de récolte significatives.

Un produit devenu rare

« La PSA a freiné les producteurs, ce qui explique ce non-renouvellement de vergers ces dernières années », explique la présidente de Lorifruit. Pour autant, cette année, les producteurs n’ont pas eu affaire à une recrudescence de la maladie, tant au niveau Auvergne-Rhône-Alpes que national. 
« Le kiwi est devenu, petit à petit, un produit rare. Nous avons perdu de 15 à 20 % des volumes ces dix dernières années », argumente Augustin Aguilar, responsable de la section Kiwis à Lorifruit et arboriculteur sur la commune de Saulce-sur-Rhône. Une perte de volumes importante pour les producteurs, qui doivent faire face, dans le même temps, à une vraie attente des consommateurs. « Il faut profiter de cet engouement de consommation pour renouveler les vergers français. C’est urgent si nous voulons être plus performants et répondre aux demandes », insiste Katia Sabatier-Jeune. Pour passer le cap et développer la filière, la station Lorifruit propose désormais des prestations de stockage et/ou de conditionnement. Et entend, dans les cinq années à venir, développer encore davantage sa production. « Nous avons une vraie volonté de développer le kiwi Dori, avec des vergers couverts par des filets ou serres photovoltaïques », prévient-elle. « Si nous voulons répondre au marché français, nous sommes obligés de nous adapter, et d’implanter des vergers sous serre ou sous filets, de poursuivre les recherches variétales, etc. » Un marché segmenté donc, où tout reste à construire. 

Vers de nouvelles pratiques

Se tourner vers une nouvelle variété de kiwi, c’est le pas qu’a franchi Augustin Aguilar justement, sur son exploitation, avec l’implantation de deux hectares de kiwis à chair jaune Dori en 2017, puis deux supplémentaires en 2020. Un précurseur dans le domaine puisqu’il les a implantés sous serres photovoltaïques. « Couvrir nos vergers est la seule façon de se prémunir du PSA et de se protéger des aléas climatiques », explique-t-il. Pour ce faire, il s’est associé avec Bernard Vossier, au sein de l’EARL Guerivel. Si les conduites de protection s’avèrent être les mêmes qu’en vergers extérieurs, l’effet « serre » entraîne ainsi un développement du végétal assez impressionnant, qu’il convient de gérer. De nouvelles notions de travail sont donc de rigueur : « la rapidité d’intervention, les contraintes de la maîtrise de la vigueur des fruits avec la charge des arbres, l’arrosage en temps réel, etc. », dit-il. Mais les premiers résultats sont plutôt encourageants : « L’an dernier, nous avions récolté 15 tonnes/ha. Cette année, nous en avons subi le contrecoup, avec une récolte divisée par deux, liée à la souffrance des arbres trop chargés de la saison précédente. »
Redoutant la bactérie dévastatrice PSA, les producteurs sont nombreux à étudier la possibilité de se lancer dans des projets de vergers protégés. « La tendance nationale, voire même mondiale est de protéger les cultures à outrance. Je ne saurai que trop recommander ce genre de méthodes tant que nous n’avons pas trouvé de variétés résistantes à cette bactérie », assure Augustin Aguilar.
Cela demande d’apprendre de nouvelles technicités mais le métier d’arboriculteur est en perpétuelle évolution, et exige de s’adapter continuellement. Ce changement de pratiques, avec l’apprentissage du travail sous serres notamment, peut faire peur : « C'est un vrai challenge, c’est vrai. En tant qu’arboriculteurs, nous avons besoin d’aborder notre métier différemment, avec le changement climatique, l’évolution de la demande sociétale, etc. Mais il y a une réelle valeur à aller chercher au bout, ce qui poussent les producteurs à s’y intéresser de plus près », poursuit Katia Sabatier-Jeune. Elle-même productrice de kiwis à Grâne, la président de Lorifruit reste confiante pour l’avenir : « J’ai bon espoir pour notre filière arboricole qui a toujours su s’adapter. Le fait que nos clients soient en demande de kiwis français nous ouvre de belles perspectives, tant en agriculture biologique qu’en conventionnel. A nous de savoir les saisir pour renouveler – et développer – nos vergers », conclut-elle.

Amandine Priolet

Katia Sabatier-Jeune (au centre), présidente de Lorifruit, est arboricultrice sur la commune de Grâne.