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Collectivité

L'agriculture au cœur du congrès des maires

Afin de tenter d'apaiser les tensions entre agriculteurs et riverains à propos de l'épandage des produits phytosanitaires, une charte départementale a été dévoilée au congrès des maires de la Drôme. Par ailleurs, un partenariat a été initié pour promouvoir l'approvisionnement local dans la restauration collective.
L'agriculture au cœur du congrès des maires

Réforme territoriale, accumulation de contraintes, perte d'autonomie et de financements... Depuis six ans, les maires subissent des changements majeurs et ils se sentent marginalisés. C'est ce qu'a rappelé, à quelques mois des élections municipales des 15 et 22 mars prochains, le président de l'association des maires de la Drôme. Le 17 octobre à Portes-lès-Valence, Michel Grégoire a aussi parlé des incivilités et des coups violents portés aux élus. « Il faut accroître le pouvoir de sanction des maires », a réagi la présidente du Département, Marie-Pierre Mouton, et « lever les incertitudes financières ». Elle plaide pour un « acte 3 de la décentralisation ». Présent l'après-midi, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, a tenté de rassurer en expliquant le travail du gouvernement pour, d'une part, effacer les points « irritants » de la loi Notre(1) et, d'autre part, assurer une « autonomie fiscale » aux collectivités territoriales.

Phytos : une charte pour assurer le dialogue

Le 17 octobre au congrès des maires de la Drôme, les signataires de la charte des riverains et des usagers des espaces ruraux avec, de gauche à droite, Eric Dubernet (vice-président de l'Udaf), Marie-Pierre Mouton (présidente du Département), Jean-Pierre Royannez (président de la chambre d'agriculture) et Michel Grégoire (président de l'association des maires).
© journal L'Agriculture Drômoise

A ce congrès, l'agriculture a tenu une place importante. La décision de plusieurs maires - dont celui de Saoû dans la Drôme - d'imposer des zones sans traitement phytosanitaire chimique à plus de 100 mètres des habitations a fait débat. Rappelons que la loi Egalim(2) de 2018 introduit des dispositions pour la protection des riverains. Dans le projet d'arrêté présenté le 7 septembre par les ministres de la Transition écologique, de l'Agriculture et de la Santé, des distances de 10 et 5 mètres (selon les cultures) sont proposées, conformément à l'avis formulées par l'Anses(3). Le texte mentionne aussi la possibilité de les adapter dans le cadre de « chartes de riverains » validées au niveau départemental, après échanges entre agriculteurs, riverains et élus. Au congrès des maires, le président de la chambre d'agriculture de la Drôme, Jean-Pierre Royannez, est venu présenter une charte. « Notre objectif est d'assurer le dialogue entre agriculteurs et riverains, d'apporter une réponse concrète aux interrogations de nos concitoyens », a-t-il noté. Cette charte, d'ores et déjà signée par l'association des maires de la Drôme, le Département, l'union départementale des associations familiales (Udaf) et la chambre d'agriculture, formalise des lieux de concertation en cas de conflit (commissions communale et départementale, cellule de médiation). Elle stipule aussi des engagements de la part des agriculteurs (bonnes pratiques agricoles...), des riverains (respect des zones agricoles, du travail et des biens des agriculteurs...) et des collectivités locales (sanctuariser l'espace agricole...).

« Exigence, transparence, raison »

Répondant aux critiques formulées par diverses structures(4), « nous avons posé des principes de base et rappelé que les agriculteurs sont engagés dans le respect des bonnes pratiques agricoles, a souligné Jean-Pierre Royannez. Si la Drôme est le premier département bio de France, ce n'est pas le fruit du hasard. » Marie-Pierre Mouton a résumé l'esprit de la démarche en trois mots : « exigence, transparence, raison ». Le président de l'association des maires ruraux de la Drôme, Aurélien Ferlay a salué cette charte. « Quand j'ai vu des maires qui prenaient des arrêtés antipesticides, je me suis dit que ça ne tournait pas rond. Les maires ne sont pas là pour violer la loi. [...] Il faut avoir un débat apaisé sur les produits phytosanitaires. » Des propos également tenus par Michel Grégoire, qui voit dans cette charte « une démarche de concertation et d'adhésion ».
« Cette charte, c'est quelque chose de formidable, a dit le ministre de l'Agriculture. [...] On ne peut pas continuer avec autant de défiance entre les urbains et les ruraux, entre les métropoles et les villages. [...] Ce ne sont pas les arbres fruitiers qui sont entrés dans les lotissements mais les lotissements qui se sont rapprochés des arbres fruitiers. » Et de prévenir : « Si les chartes ne sont pas validées, alors seront mises en place des zones de non-traitement. »

Christophe Ledoux

(1) Loi Notre : loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République.
(2) Loi Egalim : loi agriculture et alimentation, issue des Etats généraux de l'alimentation.
(3) Anses : agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
(4) Agribiodrôme, Collines bio, Court Circuit, Frapna Drôme, Générations Futures Valence, Nature et Progrès Drôme, Nos Champs, Santé-Environnement en Rhône-Alpes parlent de « mascarade », la Confédération paysanne dénonce, elle, « l'hypocrisie du texte ».

 

Restauration collective /
Une volonté de structurer l'appro local

En présence du ministre de l'Agriculture et d'élus locaux, les présidents de la chambre d'agriculture de la Drôme, du Département et de l'association des maires ont signé un partenariat destiné à accompagner la restauration collective publique dans la mise en œuvre de la loi Egalim en matière d'alimentation.
© journal L'Agriculture Drômoise
Selon la loi Egalim, d'ici le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d'une mission de service public devront compter 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques. Pour répondre au mieux à cet objectif, la chambre d'agriculture de la Drôme, le Département et l'association des maires ont signé, le 17 octobre, un partenariat. « L'approvisionnement local est une véritable opportunité pour produire local et consommer local, a commenté Jean-Pierre Royannez. A la chambre d'agriculture, nous souhaitons structurer de nouvelles filières dédiées à la restauration collective. Nous avons les compétences pour cela. »
Le Département, qui a créé Agrilocal en 2012, propose déjà une alimentation de qualité dans ses collèges. « Nous sommes très en avance mais il faut aller encore plus loin, a dit Marie-Pierre Mouton. Nous pouvons aussi accompagner des demandes d'ingénierie pour des hôpitaux, des communes... » Pour Michel Grégoire, « cet engagement est la preuve que nous ne voulons pas faire manger n'importe quoi à nos enfants ».
C. L.