L’agriculture concernée par la pollution de l’air
population à cause des effets néfastes sur la santé qui sont estimés à 42 000 décès prématurés en France. Les pouvoirs publics durcissent la réglementation qui devient de plus en plus contraignante, aussi sur l’activité agricole.

Avec le retour du printemps, les alertes à la pollution de l'air se multiplient. Du 19 au 23 mars dernier, le Nord de la France jusqu'au Bassin parisien et le Centre-Est de la France, de la Bourgogne à la Franche-Comté jusqu'au Sud de Rhône-Alpes ont connu un long et fort épisode de dépassement des seuils d'alerte de la pollution de l'air. Ces phénomènes sont largement médiatisés car un nouveau dispositif préfectoral à l'échelle de la région Rhône-Alpes oblige les autorités à communiquer pour informer les « publics sensibles ».
42 000 morts en France
Ces épisodes de pollution aux particules fines ont des conséquences sur la santé. À l'échelle de la planète, la pollution de l'air intérieur ou extérieur est responsable d'un décès sur huit, selon une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2014, soit 7 millions de morts. Les particules fines sont d'ailleurs classées cancérigènes probables par l'OMS. En France, le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l'air extérieur, principalement les particules fines, est évalué à 42 000 morts par an selon le programme Clean air for Europe (CAFE) de l'Union européenne. C'est près de 350 000 Européens qui meurent prématurément de ces pollutions.
Les chercheurs ont étudié l'impact sanitaire des particules fines, ces éléments en suspension dans l'air d'un diamètre inférieur à 0,01 millimètre dit PM10 et les PM 2,5 encore plus petites puisqu'elles sont inférieures à 2,5 micromètres. Ces particules extrêmement fines pénètrent profondément dans le système respiratoire humain et provoquent de nombreuses pathologies, notamment chez les enfants, les personnes âgées et les personnes ayant des fragilités au niveau du système respiratoire et cardio-vasculaire. Les conséquences sur la santé sont telles que la pollution de l'air préoccupe sérieusement les pouvoirs publics au niveau national comme européen. Les polluants de l'atmosphère sont issus de différentes activités humaines, avec en premier lieu le transport routier. Ces épisodes varient aussi en fonction des saisons. Les spécialistes d'Air Rhône-Alpes, l'observatoire de la qualité de l'air, les distinguent en épisodes hivernaux, d'intersaison et d'été. Et les polluants ne sont pas les mêmes.
Quel est le rôle de l'agriculture ?
Pour les épisodes de printemps, il faut la combinaison de plusieurs facteurs pour générer des hausses des concentrations de particules fines. D'abord, il faut une météo dominée par un anticyclone, c'est-à-dire sans vent, ni précipitation et un soleil radieux. Ensuite, les émissions de PM 10 et PM 2,5 sont principalement dues aux vieux dispositifs de chauffage au bois (cheminées ouvertes ou poêle d'avant 2000) et aux émissions automobiles qui produisent également des oxydes d'azote (NOx). Enfin, et c'est là que l'agriculture entre en jeu, les épandages de matières azotées, engrais minéraux ou organiques, entraînent l'émanation d'ammoniac (NH3) dans l'atmosphère. Sous l'effet du soleil, l'ammoniac et les NOx se combinent et forment des particules fines dangereuses pour la santé : le nitrate d'ammonium. La même chose se produit avec le dioxyde de soufre issu de la combustion de fioul lourd ou de charbon qui forme alors du sulfate d'ammonium. C'est donc la combinaison d'émissions du trafic routier et des épandages agricoles qui va être amplifiée par les conditions météorologiques. On parle alors de polluants secondaires, issus d'une réaction entre différents polluants atmosphériques. Entre le 18 et le 19 mars dernier, les concentrations de nitrates d'ammonium avaient été multipliées par dix en 24 heures. Ces épisodes de pollution touchent généralement de larges parties du territoire et très souvent au-delà de nos frontières sur les régions voisines comme l'Italie du Nord très urbanisée.
Concernant les particules (PM 10 et PM 2,5), des efforts restent à faire pour réduire encore les émissions. La France est d'ailleurs visée par un contentieux européen sur cette question comme 17 autres États de l'UE. L'enjeu financier pour la France est supérieur à 100 millions d'euros la première année et 85 M d'euros les années suivantes. Les deux secteurs d'activité principaux sur lesquels des actions peuvent être menées sont le résidentiel (en particulier les émissions dues au chauffage au bois non performant) et le transport routier (en particulier les émissions dues aux motorisations diesel). Pour les PM 2,5, les parts du chauffage au bois et du diesel sont respectivement de 56 et de 16 %. Pour les PM 10, ces activités représentent respectivement 47 et 16 % des émissions.
Des plans de lutte contre la pollution de l'air
Parallèlement, si les alertes à la pollution se multiplient, c'est que la réglementation se durcit avec des seuils de concentration de particules fines abaissés. En 2011, le seuil d'alerte est passé de 120 mg/m3 à 80 mg/m3 et le seuil d'information est passé de 80 à 50 mg/m3. À l'échelle de la région Rhône-Alpes par exemple, en 2013, une journée sur quatre voyait le seuil d'information dépassé. Devant ce phénomène qui touche aussi des zones rurales ou moins urbanisées comme le Jura, qui a également connu un dépassement des seuils d'alerte au mois de mars, les pouvoirs publics mettent en place des plans de protection de l'atmosphère (PPA) destinés à lutter contre la pollution atmosphérique. Trois grandes agglomérations de la région s'en sont dotées : Lyon, Grenoble et Saint-Étienne. Par ailleurs, un dispositif interpréfectoral de lutte contre la pollution à l'échelle de toute la région Rhône-Alpes a vu le jour à la fin 2014.
L'épandage agricole pourrait être limité
L'une des nouveautés majeures de l'arrêté de 2014 est le renforcement des actions de réduction des émissions lors des dépassements d'un seuil d'alerte. En fonction d'échelon, les principales sources de pollution atmosphérique sont visées par des interdictions. Des secteurs d'activité qui n'étaient pas concernés auparavant le sont maintenant comme le logement résidentiel (chauffage au fioul et chauffage au bois) et l'agriculture (épandages d'engrais). Par exemple, lors d'un seuil d'alerte de niveau 1, les écobuages et les brûlages de sous-produits agricoles sont interdits, tout comme les opérations de nettoyage de silos qui provoquent l'émission de particules fines en quantité. À l'échelon supérieur, les épandages agricoles pourraient même être interdits sur décision préfectorale.
Camille Peyrache
Plafonds d’émissions de polluants : on en parle en Europe
La révision des plafonds d’émissions de polluants atmosphériques proposée par Bruxelles risque d’affecter fortement le secteur agricole. Le projet de rapport de la commission de l’environnement du Parlement européen admet que la réduction des émissions d’ammoniac sera difficile à atteindre mais estime que les fonds de la Pac doivent permettre d’y arriver.Si elle reconnaît que les nouveaux objectifs proposés par la Commission européenne sur la qualité de l’air sont ambitieux, le rapporteur du Parlement européen pour la commission de l’environnement, Julie Girling (Royaume-Uni, Conservateurs et Réformistes), estime qu’ils sont nécessaires. La révision de la législation sur la qualité de l’air prévoit notamment une réduction de 30 % des émissions d’ammoniac dans l’UE d’ici 2025 par rapport au niveau de 2005 ainsi que des obligations supplémentaires de réduction des émissions nationales de méthane.
Dans son projet de rapport, elle admet que l'objectif pour l'ammoniac à l’horizon 2030 (- 38 %) sera difficile à atteindre dans certains États membres, en particulier ceux avec des secteurs agricoles importants et qu’il sera donc nécessaire de leur accorder un degré de flexibilité car les niveaux d’émissions d'ammoniac sont difficiles à atténuer rapidement et efficacement. Elle propose donc de supprimer l’objectif fixé pour 2025.