Accès au contenu
Point de vue

L'agriculture est-elle encore un secteur stratégique ?

En concluant la session d'automne de la chambre d'agriculture de la Drôme, le 25 novembre à Bourg-lès-Valence, sa présidente, Anne-Claire Vial, a tenu un discours offensif à l'adresse des politiques.
L'agriculture est-elle encore un secteur stratégique ?

A six mois des élections présidentielles, la présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme a donné un ton très politique à son intervention de fin de session. Devant les élus consulaires et les personnalités invitées, « l'agriculture est stratégique parce que l'alimentation est stratégique. Mais qui le pense vraiment en Drôme, en France, en Europe et dans le monde ? », a-t-elle questionné. Prenant l'exemple de la première puissance mondiale, les Etats-Unis, qui compte 78 % d'exploitations familiales, « les farmers américains ont les outils de protection les plus sophistiqués au monde, a fait remarquer Anne-Claire Vial. Ils bénéficient d'aides (contrats cycliques...) auxquels s'ajoutent des assurances climatiques et revenus qui peuvent s'empiler dans un système public-privé. 83 % des exploitations américaines sont ainsi couvertes par une assurance. Un chiffre à comparer avec les zéro à 25 % de couverture selon les filières en France. De plus, les agriculteurs n'ont pas à faire l'avance des aides car la partie subventionnable (60 %) est versée directement par l'État fédéral aux assureurs. » La présidente de la chambre d'agriculture a par ailleurs évoqué les « bons alimentaires » distribués à 15 % de la population américaine, « un soutien formidable à la consommation de produits agricoles américains, selon elle, et qui permettent aussi de gérer des stocks lorsqu'il y en a. » Et de conclure : « Oui, les Etats-Unis protègent leurs agriculteurs. »

Etats-Unis et Chine protègent leur agriculture

Poursuivant son propos, Anne-Claire Vial a ensuite choisi l'exemple de la Chine, pays le plus peuplé du monde et dont les orientations agricoles ont été abondamment étudiées à l'APCA*. Le président chinois, Xi Jinping, aurait déclaré ceci : « Le bol des Chinois doit être fermement tenu entre leurs mains et ce bol doit être rempli de grains chinois. » Pour Anne-Claire Vial, « il y a dans ce pays la volonté politique assumée de maintenir des niveaux de production interne élevés tout en acceptant au cas par cas un certain volume d'importation pour compléter l'offre locale. » En plus d'un système de subvention à l'hectare ainsi que d'aides à l'achat de semences, d'intrants et de matériels, a été mis en place en 2004 un soutien aux prix des grains. « En avril 2016, alors que la tonne de maïs cotait à Chicago 147 dollars, le gouvernement chinois achetait à ses agriculteurs le maïs 305 dollars !, a indiqué Anne-Claire Vial. Malgré son entrée à l'OMC en 2001, la Chine continue de faire ce qu'elle veut comme déconnecter ses prix intérieurs des cours mondiaux. »

Une Europe agricole soumise au marché

Pour la présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, la question se pose ainsi : « ce qui est possible aux Etats-Unis et en Chine, l'est-il en Europe ? » Sa réponse est « non ». En plus des multiples contraintes et strates administratives pesant sur les orientations agricoles européennes, « nous sommes la seule région du monde à penser que l'agriculture n'est pas de l'alimentaire et de l'économique mais seulement de l'environnemental, qu'elle peut être soumise à la loi du marché, a-t-elle fustigé. De plus, à chaque réforme, les aides sont détricotées. »
Pour conclure son intervention, Anne-Claire Vial est revenue en Drôme. Evoquant le partenariat historique entre le Département et la chambre d'agriculture sur l'expérimentation, la performance technico-économique, la mise en place de signes de qualité et l'agriculture biologique, elle a vivement regretté la décision du conseil départemental de baisser de 20 % la subvention accordée l'année prochaine. « C'est une grave erreur », a-t-elle estimé, espérant une évolution favorable lors d'une prochaine discussion.
Enfin, Anne-Claire Vial a annoncé l'ouverture de deux nouveaux chantiers. Le premier s'intitulera « Quelle Pac souhaitent les Drômois ? ». Le second consistera à analyser les évolutions agricoles des vingt prochaines années. L'enjeu foncier (lire page précédente) y aura toute sa place. Du grain à moudre en perspective.

C. Ledoux

* APCA : assemblée permanente des chambres d'agriculture.

 

Actualité /

Des préoccupations

Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme.Après un débat sur la préservation du foncier agricole, les élus de la chambre d'agriculture ont évoqué plusieurs sujets d'actualité en présence de diverses personnalités.
Evoquant quelques points d'actualité lors de la session de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, premier vice-président, a mis l'accent sur la récente signature d'un accord-cadre de gestion quantitative de l'eau (lire notre édition du 27 octobre). Concernante la directive nitrates et la révision des zones vulnérables, « nous devons arriver à un objectif acceptable », a-t-il déclaré alors que les négociations se poursuivent avec les services de l'État. Le préfet de la Drôme, Eric Spitz, a évoqué une « concertation très approfondie ».
La révision des zones défavorisées simples constitue une autre préoccupation. « Dans certains cas, avec des communes qui sortent du zonage et entrent en zone vulnérable, c'est la double peine », a-t-il dénoncé. Unanimement, les élus de la chambre d'agriculture ont décidé de poursuivre le travail pour avancer favorablement dans ce dossier lourd de conséquences.
Didier Beynet, président de la FDSEA, a, lui, fait part des nouvelles attaques de loups survenues dans la nuit du 24 au 25 novembre. Il a demandé d'autres tirs de prélèvement et dénoncé le non -règlement à ce jour des indemnisations. « L'État met tout en œuvre pour aider les éleveurs et préserver le pastoralisme, a déclaré le préfet. Trois loups ont été prélevés en Drôme et un autre a été retrouvé écrasé par un véhicule. Les tirs de défense ont été multipliés par cinq en un an et ceux de prélèvement demeureront tant que le quota de 36 loups ne sera pas atteint à l'échelle nationale. »
Par ailleurs, Eric Spitz s'est dit conscient des difficultés liées au retard de paiement des aides Pac. Il a fait part des nouvelles possibilités d'ATR (avances à demander avant le 15 décembre) et de la mobilisation de ses services pour aider les exploitations en difficulté.