L'agriculture régionale à la loupe

L'agriculture en Auvergne-Rhône-Alpes présente deux caractéristiques qui peuvent paraître contradictoires. Elle possède à la fois une identité forte : la montagne et l'élevage bovin principalement ; mais aussi une très grande diversité - et complémentarité - d'un département à l'autre.
A l'occasion de la session de la chambre régionale d'agriculture de mai dernier, Sean Healy, chef du service « Information statistique, économique et territoriale » à la Draaf, a posé un regard croisé sur tous ces territoires à travers vingt indicateurs en huit thématiques. Le premier graphique confirme une évidence, mais montre à quel point elle est décisive dans l'identité régionale : les altitudes moyennes des sièges d'exploitation sont très élevées (graphique 1). « Plus à l'Ouest (Haute-Loire et Cantal) qu'à l'Est car l'agriculture du Massif central se trouve sur des plateaux élevés alors que dans les Alpes, elle se concentre plutôt dans les vallées », précise Sean Healy. Tous les départements de la région, même les « derniers » de ce classement (Allier et Ain), ont un siège d'exploitation situé à une altitude supérieure à la moyenne française (inférieure aux 150 mètres). Les deux-tiers de l'espace sont classés en zone de montagne. Autre confirmation, la part des surfaces herbagères est corrélée à l'altitude. En montagne, 55 % de la SAU régionale est constituée de prairies permanentes.
Foncier agricole : la lutte continue
Concernant l'évolution de la SAU et du nombre d'exploitations, là encore pas de surprise, dans les deux cas ils sont en recul mais la déprise est plus ou moins forte selon les départements (graphique 2). Les baisses de la SAU et du nombre d'exploitations sont beaucoup moins marquées dans l'Ouest de la région. Elle est par exemple moitié moindre dans le Cantal que dans la moyenne régionale. Chiffre inquiétant, cette dernière est plus élevée que la moyenne nationale. Ce constat a été l'occasion pour Jérôme Crozat, élu en Isère, de dénoncer l'aberration des compensations écologiques en zones humides (principe du un pour deux),
« un véritable gaspillage de foncier agricole ». D'autres responsables évoquaient les difficultés pour maintenir l'agriculture en zone périurbaine. Malgré la mise en place des Scot (schémas de cohérence territoriale) et des PLU (plans locaux d'urbanisme), la lutte pour la préservation du foncier continue. Concernant la taille des exploitations, la ferme Auvergne-Rhône-Alpes (47 ha) est plus petite que la ferme France moyenne (56 hectares) mais les disparités sont très fortes d'un département à l'autre (graphique 3). L'Allier, avec ses 88 ha, est loin devant et le trio Drôme, Ardèche et surtout Rhône (seulement 23 ha pour ce dernier). Autre constat, unanime cette fois, cette surface moyenne s'est agrandie dans tous les départements entre 2000 et 2010. Et le recensement de 2020 confirmera vraisemblablement cette évolution. En matière économique, la production brute standard (PBS) par exploitation est bien inférieure à la moyenne nationale, qu'aucun département n'atteint (graphique 4). La PBS régionale moyenne est 42 % inférieur à la PBS nationale. Au sein de la région, elle est nettement plus élevée dans les vastes exploitations de l'Ain et de l'Allier mais aussi dans les plus petites comme dans la Drôme. Relevons que cette PBS a progressé significativement entre 2000 et 2010
(+ 25 %). Si l'on se fie au PBS /hectare, il est largement plus élevé dans le Rhône et en Drôme-Ardèche (vignes, fruits...) que dans les zones d'élevage.
Sur le chemin de la valorisation
Leader pour les signes officiels de qualité (77 AOP et 59 IGP), la région est aussi souvent citée en référence en agriculture biologique (2e région en France, 13 % des surfaces bio nationales), notamment avec ces deux départements « vedettes » en la matière : la Drôme et l'Ardèche qui dominent largement le classement de la part des producteurs bio (graphique 5). En revanche, si l'on s'en tient aux moyennes, celle de la région est tout juste supérieure à la moyenne nationale. En matière d'évolution du nombre de producteurs bio depuis 2010, on constate logiquement un phénomène de rattrapage dans les départements qui jusqu'ici étaient plus en retrait. Le Cantal mais aussi la Savoie, le Rhône, la Loire, et l'Ain ont connu des progressions notables. Pour la commercialisation en circuits courts, sans surprise, la région est bien classée (deuxième au rang national) et la moyenne régionale est sensiblement supérieure à la nationale (graphique 6). Le Rhône est le meilleur élève, présence de l'agglomération lyonnaise oblige, mais les départements fortement touristiques (la vallée du Rhône, les Alpes) sont également performants sur ce mode de commercialisation. Les quatre départements de l'ancienne Auvergne sont largement en retrait, en dessous même de la moyenne nationale, ce qui s'explique facilement par l'absence de grands centres urbains sur le territoire. A noter que toutes les productions sont concernées par les circuits courts, la viande en tête. Au final on constate que les départements qui présentent le profil le plus similaire à la moyenne régionale sont le Puy-de Dôme devant la Loire. A l'inverse, la Drôme est de loin le département qui présente le plus de caractères singuliers par rapport à ses départements voisins. Si ce jeu des comparaisons est très instructif, le président Gilbert Guignand rappelait avec sagesse que le but de l'exercice n'était pas de se comparer les uns aux autres.
Raymond Vial, président de la chambre d'agriculture de la Loire, invitait pour sa part la Draaf à inclure à l'avenir dans ces analyses statistiques les chiffres de l'eau et de l'irrigation qui seront un marqueur essentiel pour l'agriculture de demain.
David Bessenay
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