L’allaitement artificiel pénalise la croissance

L'allaitement artificiel est couramment utilisé dans les troupeaux ovins allaitants pour sauver des agneaux surnuméraires et ce, tout particulièrement dans les races prolifiques comme la romane. Cette pratique peut entraîner des performances décevantes (retards de croissance) ; impacter la réponse immunitaire des agneaux ainsi que leur comportement et se caractérise par une mortalité souvent importante, pouvant atteindre 50 %, le plus souvent induite par l'inadaptation de certains agneaux au système d'allaitement ou par des pathologies souvent d'origine digestive. « Les études sur le sujet se limitent essentiellement à la période précédant le sevrage. Les conséquences à plus long terme restent méconnues. Aussi, l'objectif de ce travail est d'identifier l'impact de l'allaitement artificiel sur les performances, le comportement et la santé des agneaux jusqu'à 5 mois d'âge, par rapport à l'allaitement maternel. Deux types de lait en allaitement artificiel sont comparés : du lait reconstitué et du lait de brebis », indiquent les auteurs de l'étude.
Trois types d'allaitement testés
Trois groupes d'agneaux de race romane ont été constitués : l'un en allaitement maternel ; les deux autres en allaitement artificiel à partir de trois jours d'âge et nourris soit avec du lait commercial reconstitué soit avec du lait tiré quotidiennement de brebis de race lacaune. Au sevrage à 45 jours, les agneaux des différents groupes ont été séparés en deux lots de mâles et deux lots de femelles et alimentés avec du foin et un concentré d'engraissement jusqu'à l'âge de 150 jours. À la naissance, les lots d'agneaux étaient homogènes sur la vigueur et sur les taux d'IgG (immunoglobuline G). Deux agneaux sont morts d'entérotoxémie à 1 et 5 mois. Les analyses biochimiques ont montré que le lait commercial est plus riche en lactose que celui de brebis et moins riche en protéines. Le lait de brebis lacaune est beaucoup plus riche en matières grasses que les deux autres laits. « Les agneaux nourris avec le lait commercial ont un gain moyen quotidien (GMQ) de la naissance à 22 jours significativement plus faible que les agneaux maternés, celui nourri au lait de brebis lacaunes était intermédiaire. Avec un GMQ calculé sur la durée de l'essai équivalent entre traitements, les agneaux arrivent à un poids final qui ne diffère pas. »
Concernant le comportement, les agneaux nourris au lait de brebis lacaunes, passent significativement plus de temps dans la zone de l'homme en sa présence qu'en son absence, lors des tests à trois semaines. Pour les agneaux au lait maternel et ceux au lait commercial aucune différence n'est à noter. En revanche, les groupes ne se distinguent plus à 90 jours.
Une croissance pénalisée
Concernant la propreté des agneaux, les scientifiques ont observé que les agneaux au lait commercial avaient tendance à avoir l'arrière-train plus souillé par rapport aux deux autres lots. « La recherche de pathogènes dans les fèces a permis de déceler principalement des agneaux positifs à Clostridium perfringens. Aucune différence significative n'a été décelée entre les lots et le pourcentage de positivité diminue avec l'âge des jeunes. » Avant sevrage, les agneaux en allaitement artificiel présentent des niveaux de stress oxydant plus faibles que les agneaux maternés. L'analyse des taux d'anticorps de 2 à 5 semaines après la vaccination ne montre pas de différences entre les agneaux maternés et ceux nourris au lait commercial. Ceux au lait de brebis lacaunes ont, en revanche, un taux d'anticorps supérieur. Il est à noter également une différence significative liée au sexe en faveur des femelles. « Dans les conditions de cette étude, avec un faible taux de mortalité et un effectif limité, l'allaitement artificiel strict pénalise la croissance et le statut antioxydant et favorise la relation à l'homme uniquement pendant la période d'allaitement. Les différences s'estompent rapidement après le sevrage. Il est nécessaire de poursuivre ce type d'études sur une plus longue période pouvant aller jusqu'à l'âge adulte pour la femelle destinée à la mise à la reproduction en démarrant dès la période in utero pour comprendre les facteurs impliqués dans la construction de la robustesse d'un animal. »
Cyrielle Delisle
Source : Journées Rencontres Recherches Ruminants 2016.