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L'amour est dans le pré

L’amour est dans le pré : une image de l’agriculture fidèle à la réalité ?

L’Amour est dans le pré a dix ans d'existence. Une longévité presque surprenante pour un programme télévisé qui s’expliquerait par un savant mariage de valeurs qui touchent les téléspectateurs : amour, tradition et décors pittoresques. Même les agriculteurs semblent avoir adopté le programme.
L’amour est dans le pré : une image de l’agriculture fidèle à la réalité ?

« Nous présentons une vision magnifiée de l'agriculture », reconnaît Marie Genest, directrice du divertissement et des magazines chez FremantleMedia, la société qui produit L'Amour est dans le pré. « Nous sommes les seuls à parler d'agriculture de façon très positive, mais cela ne veut pas dire que nous ne connaissons pas les difficultés économiques et le problème du suicide chez les agriculteurs », poursuit-elle. Les propos de Marie Genest sont clairs et, au-delà de son expertise en télévision, elle admet avoir beaucoup appris en 10 ans sur le milieu agricole. « Je peux vous parler de la fin des quotas laitiers si vous voulez ! », plaisante-t-elle. Et l'émission semble être à son image. « Si quelques candidats des premières saisons semblaient parfois caricaturaux, depuis quelques années, les différents profils des agriculteurs de l'émission reflètent bien la grande diversité du milieu agricole », analyse Christophe Giraud, sociologue à l'INED (institut national d'études démographiques) spécialisé dans les relations familiales et le milieu rural notamment.

L'amour est dans le pré, témoin de l'évolution de l'agriculture

« Lorsque nous faisons les castings, nous nous basons sur plusieurs critères : nous cherchons à couvrir toutes les régions, présenter des activités agricoles diverses et avoir un panel d'âges large », explique Marie Genest. Si ces critères existent depuis les premières saisons, l'expérience acquise par les équipes de production de FremantleMedia et l'évolution des techniques agricoles ont modifié sensiblement le casting. « Nous ne rencontrons plus les mêmes agriculteurs, témoigne Marie Genest. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'agriculteurs très diplômés, modernes de par leurs outils de travail mais aussi leur façon de vivre. Il est essentiel que nous reflétions cette réalité ! »

« L'équilibre du casting est intéressant, observe Christophe Giraud, entre agriculture traditionnelle et systèmes de production modernes, avec des types de productions très variés ».

Les agriculteurs conquis

« Pour la première saison, on craignait d'avoir du mal à trouver des candidats », témoigne Marie Genest. Finalement, de nombreux agriculteurs ont souhaité participer à l'émission. « Bien sûr, il y a eu de la méfiance au départ. Les agriculteurs – surtout les agricultrices ! – étaient réticents ». Le sociologue Christophe Giraud explique les craintes des débuts par le fait que « le célibat était un peu un sujet tabou dans la profession agricole ». En mettant cette problématique en lumière, les organisations d'agriculteurs craignaient que les jeunes s'éloignent de cette profession déjà vieillissante, selon le sociologue.

« Finalement, les agriculteurs ont très vite été rassurés lorsqu'ils ont vu l'image positive de l'agriculture que l'on projetait », se félicite Marie Genest. « Aujourd'hui, vous n'imaginez pas les quantités de lettres de candidatures d'agricultrices et d'agriculteurs que nous recevons chaque jour ! » La plupart des anciens candidats sont d'ailleurs satisfaits et constituent les meilleures cautions de l'émission. Selon la production, sur plus de 100 candidats passés par l'émission en 10 ans, près de 70 sont aujourd'hui en couple (grâce à l'émission directement ou à ses répercussions), 17 mariages ont été célébrés et 39 enfants sont nés.

Du rêve pour les téléspectateurs

Niveau audience, L'amour est dans le pré reste le programme phare de M6. Pourquoi un tel succès ? Pour Christophe Giraud, les téléspectateurs ont un regard nostalgique sur l'agriculture, ils sont attachés à ce milieu traditionnel. Selon Marie Genest, une émission de « dating » sur une autre profession n'aurait pas un tel succès. « Lorsqu'on leur montre la campagne, les téléspectateurs voient le bon vivre, la qualité de la vie, la bonne nourriture ». Par ailleurs, « l'émission a un côté magique car elle met en présence des gens qui ont peu de chances de se rencontrer », explique Christophe Giraud. Ils ne sont ni de la même région, ni du même milieu, et pourtant « l'amour naît de ces rencontres improbables ». L'émission donne également à voir des valeurs chères aux Français, notamment les liens de la terre. Marie Genest a été marquée par un candidat de la saison 2015, un jeune producteur de porcs élevé par une famille adoptive. « Pour lui, reprendre l'exploitation de ses parents adoptifs se présentait comme une évidence », explique-t-elle.

Marie Genest, qui confie « adorer ce programme » entend bien repartir de plus belle pour « 10 saisons de plus ! ».

B.B.

 

Les agriculteurs inégaux face au célibat

« Si l’on s’intéresse à la population masculine, dans l’ensemble, les agriculteurs ne sont pas beaucoup plus touchés par le célibat que les autres catégories professionnelles », selon Christophe Giraud, sociologue à l’Institut national d’études démographiques. Pour mieux comprendre le phénomène, il faut faire la distinction en fonction de la taille des exploitations, observe-t-il. Il apparaît alors que, chez les plus de 40 ans, les agriculteurs des petites et moyennes exploitations constituent l’une des catégories professionnelles les plus touchées par le célibat, indique le sociologue. Les chefs de grandes exploitations seraient quant à eux l’une des catégories professionnelles les moins touchées par le célibat en France. De même, le type de production est également un facteur déterminant. Chez les éleveurs, qui effectuent un travail « d’astreinte », le célibat est plus courant. « Dans ces exploitations, la famille reste très présente, notamment les ascendants », explique Christophe Giraud. La pression familiale peut être forte pour la nouvelle compagne de l’agriculteur, qui sera peut-être attendue comme partie prenante à l’exploitation. D’ailleurs, « les agriculteurs n’ont pas forcément plus de difficultés à rencontrer une compagne que les autres professions ». Le problème vient plutôt du caractère éphémère des relations. « Lorsqu’une relation devient sérieuse, chez les agriculteurs, il n’y a pas le choix pour le couple : il faut s’installer chez l’agriculteur. Cela peut être un frein pour le couple » selon le sociologue. Les agricultrices sont moins touchées par le célibat. Une observation que Christophe Giraud explique simplement : « Les femmes deviennent encore souvent agricultrices par une rencontre amoureuse avec un agriculteur ».