L’AOP picodon veut rallier de nouveaux éleveurs

A la fin mars 2016, le syndicat comptait 176 adhérents(1) sur son aire géographique de l'AOP picodon, les départements de Drôme et Ardèche, ainsi que le canton de Barjac dans le Gard et l'enclave de Valréas dans le Vaucluse. Parmi les adhérents, les fermiers qui produisent leurs fromages AOP ne représentent que 30 % des éleveurs de la zone concernée. « Le métier se rationalise et les ateliers comptent en moyenne 70 à 80 chèvres pour la transformation fromagère, souligne Philippe Benezech, président du syndicat. Ceux qui choisissent l'AOP sont conscients, qu'en dehors de la région, on ne peut valoriser nos picodons sans signe de qualité. Il nous apporte un certain confort et une stabilité. Pour les laitiers, la prime AOP n'est pas importante mais régulière. En revanche, pour la vente directe et locale, le picodon ne permet pas d'afficher un prix supérieur. »
Pour utiliser l'appellation d'origine protégée, il s'agit de respecter un cahier des charges et de satisfaire à un plan de contrôle depuis 2009. Pour tous, le critère numéro un pour rejoindre l'appellation est d'être situé dans l'aire géographique définie par décret. La demande d'habilitation des éleveurs, examinée par le syndicat se solde tout d'abord par une journée de visite pour vérifier si tous les points du cahier des charges sont conformes. Ce bilan est ensuite adressé à l'organisme de contrôle Qualisud, qui valide ou non la demande. Une fois le fermier dépositaire de l'AOP, il doit se prêter tous les ans à un contrôle complet réalisé par le syndicat et ses fromages sont analysés par une commission organoleptique. Lorsque la note obtenue est insuffisante, l'éleveur peut être déclassé (note inférieure à 8) ou il reçoit un avertissement et la visite du technicien fromager avant de revenir devant la commission pour témoigner de l'amélioration de ses produits.
Convaincre et lutter contre la fraude
L'adhésion au syndicat implique pour les fermiers le versement d'une « cotisation » annuelle : un forfait de 135 €, une cotisation de 61 € à la tonne de picodons vendus l'année précédente et de 1,90 € par chèvre présente au 1er janvier de l'année en cours, et enfin 8 € pour l'accès au technicien fromager. Le cahier des charges rassemble divers impératifs comme ne pas dépasser un chargement de dix chèvres alpines, saannen ou de races locales par hectare réellement utilisé en pâturage, en production de fourrage ou de céréales pour l'alimentation des chèvres ou encore l'interdiction de l'ensilage...
Ce cahier des charges pour l'AOP a été remis sur le chantier depuis plusieurs années ; la nouvelle mouture devrait entrer en vigueur à la fin de cette année. Les changements notables porteront sur l'alimentation des chèvres, dont par exemple 100 % et non plus 80 % des fourrages et céréales devront provenir de l'aire de l'appellation ; ou bien tous les adhérents, dont les fromageries, devront utiliser du lait cru et non thermisé.
« Nous devons lever les peurs des éleveurs vis-à-vis des contraintes, pour les convaincre de l'importance de préserver l'originalité du picodon liée à notre terroir. Je prévois des réunions de secteur en soirée pour montrer à tous que les exploitations sous signe de qualité vont bien », explique Philippe Benezech. Le syndicat envisage également de faire appel à un huissier pour délivrer des avertissements significatifs à certains éleveurs « qui abusent ou sont indélicats avec le picodon, puisque les services des fraudes ne nous apportent pas de réponse quant à l'usurpation du nom ». Des préoccupations qui rejoignent celles d'autres appellations laitières(2).
Louisette Gouverne
Syndicat du Picodon AOP
Tél. 04 75 56 26 06 / www.picodon-aop.fr
(1) Le syndicat rassemble quatre collèges : les fermiers, les laitiers livrant leur lait à une société fabricant du picodon, les affineurs et les coopératives et industriels privés.
(2) L'assemblée générale du Conseil national des appellations d'origine laitières (Cnaol) se tiendra à Vogüe en Ardèche les 29 et 30 septembre 2016.