« L'avenir de notre filière bois passe par les circuits courts »

Pour ces 4e Assises de la filière forêt-bois Drôme-Ardèche, vous avez choisi le thème des circuits courts. En quoi est-ce un enjeu pour ce secteur d'activité ?
Bernadette Roche : « La problématique des circuits courts remet au cœur de la discussion la capacité de nos deux départements à alimenter une filière économique locale grâce à la ressource dont nous disposons, à valoriser les peuplements, à créer de nouveaux produits correspondants, à mettre en lien et en adéquation les métiers de l'amont et ceux de l'aval. Il est important de se poser ces questions car, lorsque l'on rencontre des menuisiers, ils nous disent utiliser des bois achetés à l'étranger. Or, notre tissu est précaire : nos scieries sont de petites entités à caractère familial et artisanal. Avec en moyenne 2 400 m3 sciés par an, elles ne seront jamais compétitives avec les grandes entreprises allemandes. Leur avenir passe par les circuits courts, des produits adaptés aux marchés locaux, pour les particuliers et acteurs publics. »
Quels sont les freins à l'émergence de ces débouchés locaux ?
B. R. : « Il y en a plusieurs. D'abord, les entreprises de la seconde transformation* ne travaillent pas assez avec ceux de la première, nous l'avons dit. Il est donc nécessaire de créer du lien entre ces deux maillons de la filière. Dans nos deux départements, le transport du bois, l'accès aux parcelles forestières sont aussi une problématique centrale. Nous devons également communiquer davantage sur notre potentiel, actuellement sous-valorisé [en Drôme-Ardèche, le taux de récolte est estimé à seulement 24 % contre 47 % au niveau national, NDLR], auprès de différents publics : les éventuels consommateurs, les élus mais aussi les professionnels comme les jeunes entrepreneurs forestiers... Historiquement, nos deux départements ne possèdent pas de culture forestière. »
Quels seront les temps forts de ces assises organisées à Saint-Péray ?
B. R. : « La journée est composée de deux temps distincts. Le matin, les invités (propriétaires forestiers, professionnels de la filières et élus locaux principalement) participeront aux assemblées plénières, la première dédiée aux essences de feuillus, la seconde aux gros bois et au sapin. Pour les feuillus, nous nous appuierons sur les exemples de valorisation du châtaignier mais aussi du hêtre avec un intervenant des Vosges ; sur les gros bois et sapins, nous bénéficierons de l'expérience de la région Occitanie.
L'après-midi, nous réfléchirons en petits groupes à trois thématiques : l'adaptation et l'anticipation des débouchés en circuits courts, les actions à mener pour vendre plus de bois local à des acteurs eux aussi locaux et le rôle des acteurs publics locaux dans la dynamique de cette filière locale.
Ces assises ne sont pas juste un temps de rencontre mais bel et bien d'engagement de la filière et de nos deux départements. »
Justement, quel est le bilan de la précédente édition, en 2013 à Eurre dans la Drôme ?
B. R. : « Les assises 2013 étaient consacrées au changement climatique et à la façon d'y répondre demain. Pour l'amont, elles ont débouché sur la co-construction d'un programme d'action de trois ans, pluripartenarial, dont un volet d'expérimentation.
De son côté, l'aval avait travaillé notamment sur la réhabilitation et la construction-bois. A l'issue des assises, l'interprofession Fibois a été sollicitée afin d'élaborer une organisation nouvelle pour répondre à cet enjeu. Une quinzaine d'entreprises se sont ainsi engagées pour promouvoir les réhabilitations en bois, sous la forme du label « Rénov'bois ». Il faut poursuivre en ce sens, s'ouvrir à d'autres entreprises et développer une gamme spécifique. »
Pourquoi cette approche bi-départementale de la filière ?
B. R. : « La Drôme et l'Ardèche n'ont certes pas les mêmes massifs ni tout à fait les mêmes peuplements mais, historiquement, nous possédons un marché commun en Vallée du Rhône. C'est la problématique "entreprises" qui a impulsé, depuis longtemps, ce travail partagé. L'interprofession est d'ailleurs, elle aussi, bi-départementale. Sur l'amont, nos deux départements sont confrontés à l'influence méditerranéenne et donc à la problématique de la défense-incendie. Egalement à des territoires très boisés, mais jeunes, à dominante de forêt privée et morcelée. Pourtant, à condition d'une gestion durable et équilibrée, nous représentons une ressource forestière d'avenir pour la région. »
* Les industries de la seconde transformation concernent le papier, les emballages, l'ameublement, la menuiserie, la charpente et construction, les parquets et lambris et interviennent en aval de la première transformation, c'est-à-dire les opérations de broyage, trituration, tranchage, déroulage et sciage.
Repères /
La filière bois et forêt Drôme-Ardèche
Surface totale boisée : 672 000 ha.
Taux de boisement : 54,5 % (29 % en France).
Taux de récolte : 25 % (47 % en France).
Effectif de l'exploitation forestière : 300 personnes.
Chiffre d'affaires : 7,5 millions d'euros.
Nombre de scieries : 46 (pour 257 emplois).
Nombre d'entreprises de la seconde transformation : 1 346 (2 548 emplois).
Chiffre d'affaires total de la filière : 362 millions d'euros.
Source : Fibois
Pratique
Les quatrièmes Assises de la filière forêt-bois Drôme-Ardèche sont accessibles uniquement sur inscription, à faire avant le 24 novembre comme suit :
- en ligne (à privilégier) : www.ardeche.fr/assissesforetbois0726 ;
- par mail : [email protected] ;
- par téléphone : 04 75 66 77 92.