L’eau d’abreuvement, un vecteur intéressant pour le traitement des animaux

«La qualité sanitaire de l'eau de boisson est primordiale pour garder des animaux en bonne santé », a souligné Anne-Christine Dufay-Lefort, vétérinaire chargée de mission à l'Itavi, lors de la journée technique volailles de chair de l'institut, qui s'est déroulée dernièrement à Valence. Son intervention, basée sur le thème de « l'impact des traitements des eaux d'abreuvement des porcs, des volailles et des lapins par les biocides sur la stabilité des antibiotiques », a été écoutée par près de quatre-vingts personnes.
« Pour traiter l'eau de boisson et améliorer la qualité bactériologique, il est très courant de recourir à des biocides désinfectants. Ces dernières années, nous avons noté une augmentation de l'utilisation de l'eau de boisson comme vecteur pour les traitements antibiotiques des animaux », a-t-elle poursuivi. En effet, les traitements via l'alimentation sont en diminution depuis plusieurs années, puisqu'ils sont généralement liés à une période d'utilisation plus longue que la période de traitement requise. La voie d'administration est donc en cohérence avec les intérêts exprimés par le plan « Eco Antibio 1 » (2012-2017) : les temps de traitements sont réduits et l'administration est rapide, l'utilisation en eau de boisson est majoritaire et l'utilisation de la pompe doseuse de plus en plus répandue.
Prendre en compte la diversité des eaux
Pour autant, les fabricants de médicaments vétérinaires, titulaires de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), sont soumis à des règlementations, à savoir suivre les lignes directrices européennes mais aussi faire des essais en eau douce et en eau dure. « Cependant, ces deux types d'eau ne représentent pas la diversité des eaux que l'on peut trouver en élevage, qui se modulent en fonction du pH, de la dureté, du fer, du manganèse, des matières organiques, etc. », explique Anne-Christine Dufay-Lefort.
Quel est donc l'impact des biocides sur la stabilité des antibiotiques administrés dans l'eau de boisson pour les filières porcines, avicoles et cunicoles ? Telle était la question abordée dans le projet Cabale, financé par le plan « Eco Antibio 2017 ». Ce projet, piloté par l'Anses*, a étudié la stabilité de plusieurs substances actives antibiotiques (doxycycline, amoxicilline, sulfamides associés au triméthoprime, tiamuline et colistine).
L'étude de stabilité des antibiotiques s'est faite dans des eaux standardisées selon les lignes directrices européennes, à savoir l'eau douce (60 mg/l de CaCO3, pH = 6) et l'eau dure (350 mg/l de CaCO3, pH = 8) avec deux des biocides les plus utilisés en élevage, tels que le peroxyde d'hydrogène (50 ppm) et le chlore actif (0.5 ppm).
Le chlore actif a un impact fort en eau dure
L'expérimentation a permis de démontrer un effet statistiquement significatif du chlore sur toutes les substances actives (sauf les sulfamides) en eau dure. En effet, en présence de chlore dans la solution diluée, une perte de 14 à 70 % de la concentration est relevée, en fonction des antibiotiques. Le chiffre le plus impactant concerne la solution chlore/colistine avec une perte pouvant aller jusqu'à 70 % de la concentration. « Il est donc essentiel de connaître et de maîtriser la qualité de l'eau de boisson avant toute introduction de traitement », souligne l'intervenante, qui appelle à la vigilance.
De son côté, le peroxyde d'hydrogène a impacté la stabilité d'une seule substance active, l'amoxicilline. En revanche, aucun effet significatif du fer et du manganèse n'a été relevé au cours de l'étude. L'impact des biocides sur les médicaments vétérinaires a donc été confirmé et quantifié, même si la stabilité des médicaments reste complexe et multifactorielle.
En revanche, avant de se lancer dans ce processus, des recommandations sont à prendre en compte : il faut tout d'abord vérifier les qualités bactériologiques et physico-chimiques de l'eau et la teneur en chlore actif. Celui-ci ne doit pas dépasser le seuil de 0,5 ppm au pH considéré. Lors de l'administration de médicaments, il est également recommandé de vérifier l'impact potentiel du chlore (sur le colistine) et du peroxyde d'hydrogène (sur l'amoxicilline). Enfin, la solution mère médicamenteuse doit être entièrement bue sur 12 ou 24 heures au maximum afin d'éviter une stagnation trop longue des substances actives dans les canalisations et maintenir une efficacité optimale. « Avant tout traitement antibiotique, il est nécessaire de rincer l'intégralité du circuit d'eau traitée avec de l'eau claire afin d'éliminer tous les résidus », a conclu Anne-Christine Dufay-Lefort.
Amandine Priolet
* Anses : agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.