L'eau, « un enjeu majeur »

Qualifié de « parlement de l'eau », le comité de bassin Rhône Méditerranée est une assemblée de 165 membres nommés pour six ans, formée à 40 % d'élus des collectivités territoriales, à 40 % d'usagers de l'eau (agriculteurs, pêcheurs, industriels, associations de défense de l'environnement...) et à 20 % de représentants de l'Etat. Présidé par Martial Saddier, député de Haute-Savoie et conseiller régional, il débat des grands axes de la politique de gestion de la ressource en eau et de protection des milieux naturels et aquatiques. L'une de ses missions est d'élaborer le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), dont les dispositions sont mises en œuvre par l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (voir encadré). Le comité de bassin en suit l'exécution. Il donne aussi un avis sur les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), outil de planification institué par la loi sur l'eau de 1992. Les Sage sont les déclinaisons du Sdage à des échelles plus locales.
Une eau de meilleure qualité
Au sein du comité de bassin, cinq commissions géographiques permettent de débattre des orientations. Le 25 novembre à Alixan, les membres de la commission Isère-Drôme-Ardèche (élus locaux, usagers de l'eau, établissements publics territoriaux de bassin, chambres consulaires...) ont échangé sur les résultats des politiques de l'eau de ces dernières années. Ils ont aussi évoqué les défis majeurs à relever afin de nourrir la réflexion du prochain Sdage (2022-2027).
« La qualité des eaux du bassin Rhône Méditerranée s'est améliorée, et plus particulièrement en Rhône-Alpes », s'est réjouit Martial Saddier. Selon le bilan à mi-parcours de l'actuel Sdage (2016-2021), bilan réalisé par l'Agence de l'eau, 53 % des rivières et des lacs sont en bon état écologique. Pour les nappes souterraines, 81 % présentent un bon état chimique et n'affichent pas de déséquilibre quantitatif. La modernisation des stations d'épuration, des économies d'eau ou encore des travaux visant à redonner un fonctionnement naturel aux rivières expliquent ces bons résultats.
L'agriculture accompagnée
Des points noirs subsistent, en particulier les pollutions diffuses agricoles. Celles-ci restent généralisées dans le bassin, même si le niveau de contamination a été divisé par 2,5 entre 2008 et 2017. Cependant, les engagements individuels des agriculteurs vers une moindre utilisation des pesticides progressent nettement (+ 49 % entre 2012 et 2015), mais principalement sur les aires d'alimentation de captages d'eau potable (3 % de la surface agricole utile du bassin). En Rhône-Alpes, sur les 68 captages prioritaires, il reste 16 plans d'action à lancer : 6 en Drôme, 7 en Isère, 2 en Haute-Savoie et 1 dans l'Ain.
Avec son 11e programme (2019-2024), l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse mobilise 230 millions d'euros pour le monde agricole, dont 80 sur le volet de la réduction des intrants. Ainsi, au titre du plan Ecophyto 2, des aides viennent soutenir la conversion à l'agriculture biologique, l'acquisition de matériels alternatifs aux pesticides mais aussi de pulvérisateurs réduisant l'usage et la dérive des produits ou encore la création d'aires de lavage. Selon les territoires, leur taux varie de 50 à 70 %. Des soutiens sont également prévus pour accompagner l'expérimentation agricole en faveur de la qualité de l'eau ainsi que la mise aux normes des exploitations au titre de la directive nitrates.
Un partage concerté entre usagers
Avec deux années de forte sécheresse, « l'eau est redevenue un enjeu majeur », a dit Martial Saddier. Aussi, le Sdage recommande l'élaboration de plans de gestion de la ressource en eau (PGRE) afin de baisser la pression de prélèvement, tout en assurant un partage concerté entre usagers. Pour le monde agricole, l'annonce d'une diminution des prélèvements peut vite devenir un problème, surtout avec le réchauffement climatique. C'est la raison pour laquelle la profession agricole demande la création de retenues. Fin août, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, en a annoncé une soixantaine sur l'Hexagone d'ici 2022.
Martial Saddier a par ailleurs insisté sur la concertation locale, notamment au niveau des commissions locales de l'eau (CLE), chargée d'élaborer, de réviser et de suivre l'application des Sage. Par ailleurs, il a rappelé la portée juridique du Sdage vis-à-vis des documents d'urbanisme (Scot, PLU). « Le 11e programme de l'Agence de l'eau est axé sur la solidarité entre urbains et ruraux, a déclaré Célia de Lavergne, députée de la Drôme et membre du comité de bassin Rhône Méditerranée. Et des efforts sont particulièrement orientés vers les collectivités rurales. »
Christophe Ledoux
Scot : schéma de cohérence territoriale.
PLU : plan local d'urbanisme.
Economies d'eau /
L'agriculture, bonne élève
Depuis 2016, 109 millions de m³ d'eau ont été économisés dans le bassin Rhône-Méditerranée. L'agriculture est à l'origine des deux tiers de ces économies (réparation des fuites sur les canaux, passage de l'irrigation gravitaire à l'irrigation sous pression, principalement dans le sud du bassin en région Paca et en Occitanie). En Rhône-Alpes, 5 millions ont été économisés et 9 millions substitués.Pour l'eau potable, les actions contre les fuites des réseaux ont permis de contenir la hausse des prélèvements dans les nappes et rivières. Les volumes prélevés pour l'alimentation en eau potable sont en effet globalement stables sur la période 2012-2017 (- 1 %), alors que dans le même temps la population augmente (+ 3,5 % de 2012 à 2017).
Le Sage Bas-Dauphiné Plaine de Valence adopté
Fruit d'un travail mené ces six dernières années et suite à l'enquête publique réalisée de septembre à octobre, le Sage Bas Dauphiné Plaine de Valence (97 communes drômoises et 39 iséroises) a été adopté ce 3 décembre. Prochainement, un arrêté inter-préfectoral d'approbation du Sage marquera le lancement de la phase de mise en oeuvre.
En savoir plus /
Les agences de l'eau
Depuis 1964 et l'avènement de la gestion de l'eau par grand bassin, les agences de l'eau fonctionnent par programmes pluriannuels. Leurs ressources proviennent de redevances payées par chaque usager (particuliers, collectivités, agriculteurs, industriels et autres entreprises) en fonction de leur consommation d'eau et selon le principe « pollueur-payeur / préleveur-payeur ». Du fait d'une moindre pression fiscale imposée par le gouvernement, les budgets des 11e programmes (par rapport aux 10e) sont en baisse (- 13 % pour l'Agence RMC). L'argent collecté sert principalement à financer les actions de lutte contre les pollutions diffuses d'origine agricole et industrielle, la protection des captages d'eau potable, la restauration des rivières et zones humides, le stockage de l'eau, la solidarité dans les services d'eau et d'assainissement... Sur les 2,6 milliards d'euros du 11e programme de l'Agence de l'eau RMC, l'agriculture bénéficiera d'un retour à hauteur de 260 millions d'euros.C. L.