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Traité transatlantique : filière bovine

L'élevage français en péril...

La rencontre des élus avec les professionnels de la filière « viande bovine française » au Sénat le mardi 16 février a débouché sur un constat sans équivoque : la ferme France est en danger. A la crise agricole actuelle s'ajoute l'ouverture programmée d'un marché transatlantique (TTIP) amenant avec elle les risques d'une déferlante d'importations de produits « made in USA ». Quelle place restera-t-il à l'élevage français ?
L'élevage français en péril...

Quel avenir pourrait-on dessiner à la filière « viande bovine française » dans ce contexte global des plus hostiles ? La question mérite d'être posée tant les facteurs exogènes indésirables s'accumulent irrémédiablement sur cette filière. La crise agricole profonde actuelle pourrait n'être que les prémices d'une nouvelle ère. A en croire les élus et les représentants de la filière élevage réunis le mardi 16 février au Sénat, l'accord transatlantique en cours de négociation entre les Etats-Unis et l'Europe pourrait s'avérer bien plus dévastateur pour l'élevage et l'agriculture française dans son ensemble. Près de 300 000 à 600 000 tonnes de viandes en provenance du marché américain (USA, Canada et pays du Mercosur inclus) pourraient ainsi pénétrer le marché de l'Union européenne (UE) sans droits de douane, explique Guy Hermouet, président d'Interbev Bovins, qui développe « le prix US deviendrait le prix de référence mondial et serait de 5 € moins cher que le prix européen pour un kilo d'aloyau ». Cette situation engendrerait une baisse de revenu de l'ordre de 40 à 50% chez les éleveurs et mettrait en péril près de 50 000 emplois directs et indirects en France sur les 260 000 que compte la filière bovine en 2015.

Un combat inégal

 

Mais au-delà des questions tarifaires au menu des négociations, c'est bien la question des normes qui pose problème. Tout semble opposer les deux continents. Aux Etats-Unis, la traçabilité n'est pas obligatoire, les démarches sont axées sur le curatif lorsqu'en Europe elles s'orientent sur le préventif, les hormones et antibiotiques pour engraisser les animaux sont autorisés outre-Atlantique ainsi que le recours aux farines animales. Les modes de production américains à l'image des « FEEDLOTS » ou parc industriel d'engraissement de bovins, contenant en moyenne 30 000 têtes de bétail nourris à 90 % OGM, feraient face aux exploitations familiales françaises. « Le combat de la compétitivité est perdu d'avance pour la France », reconnait aisément Guy Hermouet. Mais la joute de pouvoir entre les deux blocs, qui s'annonce de longue haleine, ne fait que débuter. Jean-Paul Denanot, député européen Auvergne-Centre-Limousin tente de rassurer et évoque un processus long, « un certain nombre de garde-fous sont posés comme par exemple le caractère sensible de certaines productions », s'en suivra un droit de véto du parlement européen et enfin l'accord des parlements nationaux. « La ferme France brûle et plus particulièrement pour l'élevage », déclare de son côté Gérard Bailly, sénateur du Jura et président du groupe d'étude Elevage au Sénat, regrettant la baisse continuelle des prix d'un côté et l'augmentation des normes de l'autre. Le sénateur y a exprimé sa « déception » vis-à-vis des GMS qui continuent de jouer leurs jeux de « gagne-petit » lorsque d'autres jouent leur survie, vis-à-vis des « mesurettes » proposées par les pouvoirs publics et vis-à-vis de l'Europe et de sa léthargie. L'enjeu concerne tout bonnement la sécurité alimentaire du « pays France » où l'exigence de qualité est reconnue mondialement. La 12ème table ronde de négociations à Bruxelles se tiendra du 22 au 26 février prochain. Notons également que le projet de proposition de loi (PPL), voté à l'unanimité, sur la compétitivité de l'agriculture émis par le Sénat et rejeté lors de son passage à l'Assemblée nationale repassera en lecture au mois de mars.

Contributions environnementales et marché de l'aloyau

photo copyright journal L'Agriculture Drômoise

« La viande ne pollue pas et contribue assez largement aux équilibres des effets de sphère » souligne Jean-Paul Denanot. L'élevage et l'agriculture façonnent les territoires ruraux en structurant les paysages. A ce titre, l'élevage bovin français entretient près de 13 millions d'hectares de prairies et 700 000 kilomètres de haies. « Sans élevage, les sols se convertiraient en friches », remarque Guy Hermouet. Dans l'Hexagone, le bétail est nourri à 80 % d'herbe et près de 90 % des aliments du troupeau sont produits sur l'exploitation même. Par ailleurs, la consommation de viande est radicalement opposée entre l'Europe et les Etats-Unis. Les pièces nobles telles que l'aloyau ne sont pas bien valorisées outre-Atlantique. Le marché de l'aloyau est cependant restreint et estimé à 400 000 tonnes en Europe selon l'Institut de l'élevage. Une tendance lourde inciterait donc des exports d'aloyau en provenance des USA vers l'Europe avec des conséquences néfastes sur le prix de revient.