L'embauche de saisonniers : ce que doit savoir un employeur

L'an dernier, Drôme, Ardèche et Loire réunies ont accueilli plus de 50 000 saisonniers agricoles. Selon les données de la Mutualité sociale agricole (MSA), la durée moyenne de leur(s) contrat(s) a été de 38 jours. Chaque année, cette population de travailleurs se renouvelle fortement (voir encadré). Pour les exploitants agricoles, le recours au contrat de travail à durée déterminée (CDD) dit « saisonnier » ou « occasionnel » est inhérent à l'activité de leur(s) production(s) rythmées par les saisons et le cycle des productions. Ces CDD ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, stipule le code du travail.
Des exonérations de charges
Des dispositions spécifiques régissent les contrats de saisonniers, comme la possibilité d'être conclus sans terme précis et de pouvoir se succéder sans respecter de délai de carence... Par ailleurs, pour faciliter l'embauche, tous les employeurs relevant de la MSA, sauf exceptions*, peuvent bénéficier d'exonérations patronales. Pour un salaire au Smic, les exonérations travailleurs occasionnels représentent 100 % des cotisations patronales maladie, vieillesse, allocations familiales et l'exonération de certaines cotisations conventionnelles ( ex : formation professionnelle et retraite complémentaire) . Elles sont octroyées en cas d'embauche de salariés considérés comme travailleurs occasionnels, c'est-à-dire pour une durée maximale de 119 jours consécutifs ou non par année civile, par salarié et par employeur. Ce dispositif s'applique aux contrats suivants : CDD à caractère saisonnier, CDD d'usage, contrat vendanges (l'exonération part ouvrière associée au contrat vendanges est supprimée depuis le 1er janvier 2015), CDD d'insertion (CDDI) conclu par une entreprise d'insertion ou par une association intermédiaire, CDD CIE (contrat initiative emploi conclu notamment dans le cadre du contrat unique d'insertion). La réduction de charges sociales est également possible lorsqu'un CDI est conclu entre un groupement d'employeurs (dont les activités sont éligibles) et un demandeur d'emploi inscrit à Pôle emploi depuis au moins quatre mois (ou un mois si cette inscription fait suite à un licenciement).
La MSA met l'accent sur les risques encourus par l'employeur en cas de non-déclaration des salariés ou de non-vérification de la régularité des situations. Le travail dissimulé est puni de sanctions pénales, civiles et administratives. « Il est donc indispensable de bien effectuer la déclaration d'embauche et de demander, à ce moment-là, le bénéfice du dispositif d'aides pour les travailleurs occasionnels », insiste la MSA Ardèche-Drôme-Loire.
L'emploi des jeunes et des étrangers
En cas d'emploi d'un salarié étranger, il convient de s'assurer de la régularité de sa situation au regard de la législation sur les titres de séjour et de travail des étrangers en France. Les titres de séjour doivent être délivrés par une Autorité française. L'employeur doit transmettre les justificatifs à la MSA, laquelle peut vérifier la régularité de séjour en accédant directement au fichier national des étrangers (FNE).
S'agissant des jeunes, la réglementation prévoit qu'aucun ne peut travailler avant d'être libéré de l'obligation scolaire, c'est-à-dire à 16 ans. Par exception, les adolescents de 14 et 15 ans peuvent être embauchés pendant les vacances scolaires, sous réserve de ne pas effectuer de travaux dangereux, insalubres ou au-dessus de leurs forces. Pour recourir à cette main-d'œuvre, il est nécessaire d'adresser à l'inspection du travail une déclaration indiquant le nombre de jeunes concernés et pour chacun d'eux, ses nom, prénom et âge. Mais aussi la nature des travaux confiés et les lieux précis où ils seront effectués. A noter, jusqu'à son dix-huitième anniversaire, le jeune salarié bénéficie de règles protectrices en matière de durée du travail et de sécurité, règles qui varient selon l'âge.
* Cuma ; coopératives de transformation, conditionnement et commercialisation ; entreprises paysagistes ; structures exerçant des activités de tourisme à la ferme ; organisations professionnelles agricoles (Crédit Agricole, Groupama, MSA, chambres d'agriculture...), artisans ruraux, entreprises de travail temporaire (ETT) et de travail temporaire d'insertion (ETTI), entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF).
Le recours à la prestation de services
En cas de recours à une société de prestation de services, « l’employeur est dispensé des démarches d’embauche mais jamais de ses responsabilités d’employeur, souligne la MSA Ardèche-Drôme-Loire. Avant de signer un contrat auprès d’un prestataire de services, il faut s’assurer de conclure un véritable contrat de sous-traitance en toute autonomie. Il faut également vérifier que l’entreprise prestataire de services est en règle au regard de diverses obligations d’existence et d’activité, sociales et fiscales. » Repères
Ce que représente l'emploi saisonnier en Ardèche Drôme Loire
- 51 000 saisonniers dont 35 000 en Drôme, 11 000 en Ardèche, 5 000 dans la Loire.
- 16 millions d’heures travaillées.
- 10 % de l’ensemble des contrats saisonniers agricoles en France.
- 67 % des contrats concernent le secteur des cultures spécialisées, 24 % la viticulture et 6 % l’élevage.
- Une population à 28 % d’origine étrangère.
- 10 % ont plus de 55 ans.
- 61 % sont des hommes.
- Age moyen des saisonniers : 32 ans (contre 34 ans pour l'ensemble des salariés).
- Durée moyenne d’un contrat : 38 jours (17 % travaillent moins de 10 jours).
Drôme
Jusqu'à cinquante saisonniers à l'EARL de Marty
A l'EARL de Marty, à La Roche-de-Glun, Philippe et Claudine Chirouze embauchent habituellement une cinquantaine de saisonniers. Cette année, avec des récoltes de fruits annoncées en forte chute du fait d'aléas climatiques, ils ne seront qu'une quinzaine. Traditionnellement, les premiers saisonniers arrivent en hiver pour effectuer la taille. Suivent les travaux d'éclaircissage et la taille en vert au printemps. Au même moment, débutent différentes tâches sur la vigne. Le plus gros de l'effectif arrive en début d'été pour la cueillette et le conditionnement des fruits. « Nos saisonniers sont originaires de toutes les régions françaises, explique Claudine Chirouze. Certains sont étrangers, principalement polonais. » L'exploitante souligne la difficulté à recruter localement. « A une époque, nous avions beaucoup d'étudiants, ajoute-t-elle. Mais avec le décalage des examens, ils finissent trop tard pour nous. »
L'exploitation, qui compte 38 hectares (dont 25 d'arboriculture), distribue à chaque salarié le livret d'accueil de la MSA. « C'est un document très complet, un excellent support pour les saisonniers », estime Claudine Chirouze. Pour les déclarations sociales, si besoin elle se fait accompagner par la MSA. « L'accès téléphonique est souvent encombré mais en s'en donnant la peine, on obtient des réponses », fait-elle remarquer. Avec la dématérialisation, la MSA effectue régulièrement des campagnes d’information de ses services en ligne mais elle suggère d’approfondir l’accompagnement pour permettre aux exploitants de mieux s'approprier l'« espace privé » mis à leur disposition sur le site internet de la caisse pluridépartementale. Elle ajoute que, lorsque les saisonniers sont embauchés plus de quarante-cinq jours, des visites médicales sont possibles (contacter le service santé sécurité au travail).
Chaque printemps, l'EARL participe à l'une des journées d'information des employeurs de main-d'œuvre organisée par la MSA. De plus, cette année à Tain-l'Hermitage, un forum a permis aux participants d'échanger avec des conseillers des services santé sécurité au travail et prévention des risques, ainsi qu'avec la médecine du travail.
Ardèche
Porter le point de vue des employeurs
Dominique Courbis a une double casquette : celle d'employeur mais aussi celle d'administrateur au sein de la MSA.Avec son frère Laurent, il est à la tête du Domaine Courbis, situé à Chateaubourg (07). Ils y exploitent environ 35 hectares de Saint Joseph, Cornas, Saint-Péray, Crozes Hermitage et Vins de pays de l'Ardèche. Au niveau du personnel, ils y emploient 7 permanents plus environ 20 à 25 saisonniers. Lors des vendanges, ce chiffre peut monter à plus d'une quarantaine. Comme la plupart des viticulteurs, Dominique Courbis souligne qu'environ la moitié de ses saisonniers reviennent chaque année tandis que la seconde moitié se présente spontanément à l'exploitation.
Son rôle d'employeur, il le voit un peu comme celui d'un formateur. Même si le travail n'est pas très élaboré, il faut former le nouvel arrivant et faire preuve de patience. On est aussi là pour manager, obtenir un travail bien fait .

Depuis un an, Dominique Courbis est donc administrateur à la MSA, plus particulièrement comme représentant des employeurs au conseil d'administration et, à ce titre, à la commission des rentes (accidents du travail salariés et non salariés). Concrètement, cette commission examine les dossiers présentés par le médecin, qui va donc proposer des taux de remboursement en fonction d'un barème. Cette commission est, entre autres, composée de deux représentants des employeurs et de deux représentants des salariés, mais aussi de représentants de la MSA et de la médecine du travail. Le médecin y évoque chaque cas et restitue l'état du patient, les séquelles liées à la maladie du travail ou à l'accident. Elle s'appuie sur une grille d'évaluation et propose un pourcentage de rente. Sur le fond, cette commission permet à la MSA de faire preuve de clarté et de motiver ses choix. Parfois, un débat peut s'instaurer sur certains dossiers au sein du conseil d'administration et le rôle de Dominique Courbis est aussi de porter le point de vue des employeurs. Chaque discussion est le plus souvent constructive souligne t-il.
Je trouve mon intérêt au sein de la MSA, dit-il encore, de par la qualité des échanges tandis que cette dernière, qui fait preuve d'écoute, y trouve des employeurs directement concernés au sein de leur entreprise par les problématiques de l'emploi.