L'emblématique ferme des 1 000 vaches

L'exploitation laitière la plus exposée médiatiquement ces dernières années est, à n'en pas douter, la ferme des mille vaches. Cette exploitation laitière de très grande taille a démarré ses activités en septembre 2014 près d'Abbeville à dix kilomètres de la mer et de la baie de Somme. Elle comprend un bâtiment de 230 mètres de long, dimensionné pour accueillir jusqu'à 1 160 vaches en production, d'où son surnom.
Une « coopérative de production laitière »
À la production de lait s'ajoute une unité de méthanisation de 1,3 mégawatts alimentée par les fumiers et des résidus de cultures. Qualifiée de ferme usine, de méga ferme ou de ferme géante, le projet a été rendu possible par une figure de proue, Michel Ramery, 66 ans, à la tête du groupe de BTP Ramery et 361e plus grande fortune de France, avec un patrimoine d'environ 150 M€, selon Challenges. Il s'est associé à trois producteurs laitiers des environs pour lancer le projet. Les premières demandes administratives liées au projet ont été déposées en février 2011. Les services administratifs n'ont autorisé alors qu'une capacité maximale de 500 vaches à cause de la limitation de la surface d'épandage associé. Il y a un peu plus d'un an, en septembre 2014, les 150 premières vaches laitières sont arrivées dans les bâtiments. Puis le troupeau a été complété progressivement par l'arrivée des animaux des nouveaux associés. Ces vaches laitières sont en stabulation sans parcours extérieur, nourries intégralement à l'auge. La salle de traite rotative comprend 50 places et doit permettre d'accueillir toutes les vaches pour trois traites quotidiennes.
Au total, l'exploitation a nécessité un investissement de 7 millions d'euros avec un retour sur investissement prévu de 15 ans pour les bâtiments et 10 ans pour les équipements. « Ce n'est ni plus ni moins qu'une coopérative de production laitière avec de multiples associés puisque notre croissance se fait par adhésion d'agriculteurs au projet qui rentrent dans la société laitière. Nous avons démarré à trois, nous sommes six associés aujourd'hui », indiquait Michel Welter, ingénieur agronome et coordinateur de la ferme des 1 000 vaches en juillet 2014. Ce projet permet de faire des économies d'échelle sur les coûts de construction et d'équipement et donc d'avoir un prix de revient du lait plus faible que dans une exploitation de 50 vaches. »
Des oppositions multiformes
Après un démarrage très suivi par les médias, l'exploitation laitière a été de nouveau sous le feu des projecteurs dernièrement. En effet, en juin 2015, un ex-employé de la ferme révèle que l'exploitation compte près de 800 vaches laitières en production soit 300 de plus que le nombre autorisé. Il affirme également que les conditions d'élevage et de suivi du troupeau ne sont pas correctes. « Il y a au moins 300 vaches qui boitent, elles sont fatiguées, maigres. Les vaches sont sales, on nettoie seulement tous les quinze jours la stabulation », indique-t-il dans la presse. Suite à ces révélations, les services de l'État effectuent un contrôle. Fin août 2015, le préfet de la Somme applique des sanctions : 7 800 euros d'amende et 780 € d'astreinte quotidienne jusqu'au retour à 500 animaux. Cette nouvelle affaire a ravivé les oppositions à ce modèle d'agriculture.
Si cette exploitation est autant critiquée, c'est qu'elle cumule plusieurs aspects. D'abord, les riverains, organisés en association, craignent les nuisances liées au transport généré par l'exploitation et aux rejets de nitrates en abondance liés à l'épandage du digestat à quelques kilomètres de la mer. Ensuite, la présence d'un financier parmi les soutiens au projet laisse craindre le début d'une agriculture de firme qui s'oppose au modèle français basé sur l'agriculture familiale. Les économies d'échelle générées par ce modèle de méga ferme menaceraient directement les exploitations françaises plus traditionnelles. Enfin, l'enfermement des vaches toute l'année et l'absence de pâturage heurtent une partie des consommateurs. Devant les courriers et manifestations d'un certain nombre d'entre eux, certaines enseignes de la grande distribution ont même fait pression sur la coopérative Agrial, qui collecte le lait de la ferme des 1000 vaches, pour qu'il ne soit pas inclus dans les produits laitiers sous marque distributeur. Le lait des 1 000 vaches a donc des difficultés à trouver preneur en France et part pour l'instant en Belgique.
C. P.