L'enherbement, alternative au travail du sol ?

Lors de la journée sur les techniques alternatives et bio en arboriculture organisée par la Sefra (le 22 septembre à Etoile-sur-Rhône), Claude-Eric Parveaud, ingénieur en expérimentation au Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), est intervenu sur le sujet de l'enherbement du rang. C'est l'une des techniques alternatives au travail du sol en arboriculture sur lesquelles travaille le Grab. Les essais présentés ont été conduits en parcelles commerciales ou en stations expérimentales à Avignon et à Saint-Marcel-lès-Valence, en collaboration avec l'Inra de Gotheron.
Des effets sur la culture, le sol et l'environnement
« Les effets attendus de l'enherbement sont multiples, a confié l'intervenant. Il joue un rôle sur le contrôle des adventices, les propriétés du sol, sa structure, sa fertilité, la disponibilité en eau, l'état sanitaire du verger et la production. » L'apport azoté par les couverts légumineux est un argument majeur pour cette technique. Moins connu est son effet tampon sur la température et l'eau. Elle limite le ruissellement, améliore la capacité d'infiltration de l'eau dans le sol, la structure de celui-ci (grâce à l'activité des racines) et la diversité faunistique. Néanmoins, l'enherbement est contesté pour sa concurrence hydrique et azotée, le risque augmenté de gel au printemps1 ainsi que son attrait pour les campagnols, effets qui sont à l'heure actuelle mal maîtrisés.
Hiérarchiser les services attendus
Pour adapter l'enherbement aux services attendus, le choix des espèces à implanter est déterminant. Il dépend surtout du système de conduite, des conditions pédoclimatiques et des exigences en termes d'entretien. Claude-Eric Parveaud a évoqué des ressources existantes pour se renseigner : fiches techniques de stations d'expérimentation, base de données (projet Oscar2), outils d'évaluation du sol (projet Sol AB3), bandes fleuries (projet Muscari4) et, à venir, un nouveau projet sur les techniques d'implantation et d'entretien (Placohb5). Dans un premier temps, l'intervenant recommande de hiérarchiser les services attendus de l'enherbement du rang ou du mélange d'espèces à semer : fertilité chimique, structure du sol, effet décompactant, support pour la biodiversité fonctionnelle (hébergement de parasitoïdes), lutte contre les adventices, disponibilité en eau.
Approfondir les connaissances
Claude-Eric Parveaud a illustré l'impact de l'enherbement du rang sur différentes espèces fruitières avec plusieurs essais du Grab. « Des réponses très contrastées sont obtenues dans les expérimentations, a-t-il constaté. L'extrapolation des résultats est délicate du fait du nombre des choix possibles et des facteurs entrant en jeu : espèces, technique d'implantation, date, conditions pédoclimatiques, pression des adventices... L'effet de l'enherbement sur le rendement peut être négatif ou nul, selon le système étudié. Dans un verger expérimental de pêchers, nous avons démontré que le trèfle blanc permet de diminuer de moitié les apports d'azote organique, sans modifier rendement et calibre durant six ans. Ce résultats est très encourageant mais son extrapolation n'est pas évidente ! L'âge du verger, la date d'implantation de l'enherbement, la pression des adventices peuvent influer sur le résultat final. En verger de pommiers, l'attractivité de l'enherbement pour les campagnols est un risque très sérieux. »
Intérêt agronomique, économique et environnemental de l'enherbement doivent être appréhendés globalement avant une mise en place en verger commercial, selon l'intervenant. Concernant la faisabilité de la méthode, les références manquent encore pour aller vers une généralisation, notamment en termes de techniques d'implantation et d'entretien de l'enherbement. « On n'a peu de recul et d'expérience, a-t-il conclu. Cela fera l'objet d'un prochain projet, Placohb(5), dans lequel ces aspects-là seront creusés. » Et de signaler encore : « Des agriculteurs testent aussi l'enherbement. Les échanges de connaissances avec eux vont tout à fait dans le sens où nous souhaitons aller ».
Annie Laurie
(1) Le couvert végétal installé maintient un taux d'humidité plus important qu'un sol nu. Cela abaisse la température de l'air et augmente le risque de gel.
(2) Oscar : base de données pour identifier, entre autres, des cultures de couverture appropriées (http://web3.wzw.tum.de/oscar/toolbox/database/database.html).
(3) Sol AB : étude des effets de différents modes innovants de gestion du sol en agriculture biologique sur la fertilité et ses modes d'évaluation (http://www.itab.asso.fr/programmes/solab.php).
(4) Muscari : projet sur les mélanges botaniques utiles aux systèmes de culture et auxiliaires (http://itab-asso.net/muscari).
(5) Placohb (plantes couvre-sol comme contribution au contrôle des adventices et à la promotion de la biodiversité) : projet à venir visant à développer de nouvelles solutions alternatives complémentaires basées sur l'enherbement de certaines zones encore difficilement gérées.