L’enherbement des lavanderaies a plus d’un tour dans son sac

Les vignerons le savent, l'enherbement améliore la portance des sols, limite l'érosion et les adventices. Des producteurs de lavandes et lavandins s'y mettent également pour apporter de la matière organique à leurs sols et aider à maintenir la terre en place, lors de gros orages notamment. Depuis quelques années, producteurs et techniciens ont observé que l'enherbement jouait un autre rôle : celui de perturber les cicadelles porteuses du phytoplasme responsable du dépérissement. Enfin, enherber est aussi un moyen de garantir un confort hydrique et azoté aux lavandes. Or, sécheresse et dépérissement sont responsables du recul des cultures de lavandes, ces dernières années.
À cette liste de conséquences positives de l'enherbement, on peut ajouter qu'il relance la vie des sols, qui deviennent plus fertiles et abritent une plus grande faune. Que d'intérêts ! Reste toutefois à définir quel type d'enherbement est adapté à la situation pédoclimatique de l'exploitation, et à apprendre à le maîtriser. Car il est à gérer comme une culture secondaire, que l'on cherche à implanter et contenir. La contrainte est en effet de limiter son développement, de sorte qu'elle ne concurrence pas la lavande sur ses ressources, en eau et nutriments, donc ne fasse pas chuter son rendement.
Une réponse au changement climatique ?
Le 27 septembre à Monieux (84), la matinée technique à l'initiative de la chambre d'agriculture de Vaucluse (CA84), a permis de réunir les partenaires du projet Recital (Réponses aux évolutions climatiques par l'innovation et les techniques alternatives dans les lavanderaies), impliquant le Crieppam(1), et piloté par l'Iteipmai(2). Son objectif est d'évaluer les couverts végétaux en tant que réponse au changement climatique, en particulier par l'étude de la température et de l'humidité des sols et par la création de références techniques sur le stress hydrique des lavanderaies.
Ont été présentés à une vingtaine de professionnels et techniciens les premiers résultats d'essais en cours, notamment ceux de différents couverts (légumineuses, céréales et mélanges) en lavanderaies chez des producteurs du Vaucluse. « Sur l'ensemble des parcelles, l'enherbement a eu un effet favorable, dans un contexte de forte population de cicadelles », a précisé Pauline Garin (CA84). La coriandre semble avoir un effet attractif. « L'enherbement agirait peut-être par effet barrière physique, mais aussi par un apport de macrofaune en raison de l'humidité du sol... », a estimé Thomas Costes (Crieppam).
Attention au choix des espèces
Pierre Battail (CA 26) a suivi des essais durant quatre ans dans le sud de la Vallée du Rhône, sur des parcelles sableuses en lavande clonale C15/50 réputée sensible au dépérissement. L'enherbement testé était des graminées pérennes (60 % de fétuque rouge gazonnante et 40 % de ray-grass anglais). « Au début, le rendement de la récolte enherbée était moins bon que celui du témoin en sol nu. Il a fallu réduire la largeur d'enherbement à 60 cm au lieu d'un mètre pour inverser la tendance, a-t-il expliqué. Attention toutefois aux espèces choisies ! Il ne faut pas prendre de fétuque élevée mais bien gazonnante pour éviter la concurrence. Au final, il en ressort qu'un enherbement au tiers de la largeur de l'inter-rang est suffisant. »
Chez un lavandiculteur, Thomas Costes a présenté les résultats d'essais d'enherbement et résistance à la sécheresse. Globalement, les parcelles enherbées conservent une certaine humidité. La présence d'un couvert rasant permettrait une meilleure incorporation des pluies jusqu'au rang de la culture, par rapport à un sol nu. « Sur du long terme, on gagne à enherber, même si le rendement n'est pas très élevé, a-t-il indiqué. Car les mauvaises années, ça évite les trop faibles rendements. »
Risque d'embolie gazeuse
Concernant la résistance de la lavande à la sécheresse, Lia Lamacque, de l'Inra de Clermont-Ferrand, a travaillé sur des cartes de prédictions climatiques sur les quatre départements de la région. L'enherbement sera d'autant plus intéressant que les changements climatiques, très difficiles à prévoir étant donné leur variabilité géographique, induiront des événements exceptionnels plus fréquents, du type sécheresse et gros orages que nous avons connus cette année. Ce dont on est sûr en revanche, c'est que la température moyenne montera. Les plantes seront plus fréquemment soumises à des risques d'embolie gazeuse pouvant entraîner la mort. Or, certaines plantes peuvent emmagasiner de l'eau dans leur écorce et produire un bois plus résistant à la sécheresse. D'où l'idée de faire des diagnostics en plein champ, pour suivre l'état physiologique des plantes selon l'irrigation.
Pour conclure, Mathieu Marguerie (Agribio 04) a présenté des références sur les couverts végétaux en grandes cultures et Ppam, dans le cadre du GIEE " techniques sans labour". Une vingtaine de couverts différents a été semée. « L'aspect variétal joue beaucoup, donc les variétés sont à choisir selon vos objectifs de production », rappelait-il avant de laisser la parole à Stéphane Jézéquel, d'Arvalis. « Un couvert permanent, aujourd'hui on sait le faire en culture d'hiver mais pas d'été, a résumé le spécialiste des grandes cultures qui a suivi des essais Casdar sur semis directs, en conditions provençales. La luzerne est intéressante en sols secs calcaires. Mais l'important c'est que le couvert pousse, quitte à le fertiliser ou l'irriguer, pour qu'il apporte de la biomasse au sol. »
Cécile Poulain
(1) Crieppam : Centre régionalisé interprofessionnel d'expérimentations en plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
(2) Iteipmai : Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales et aromatiques.