" L'espèce à protéger, c'est l'éleveur ! "

«Plus de 50 % de nos brebis ont plus de 50 ans ». Avec cette formule un peu décalée, Patrick Soury, éleveur et président du dispositif Innovins, résume la problématique à laquelle est confrontée la filière ovine française. Pour garantir le volume de production, elle a besoin d'éleveurs. Alors pour susciter des vocations, Innovins a été lancé, il y a un an environ. Entre performance technique et attractivité du métier, le programme Innovins décline quatre axes dont un porte sur le travail, et un autre sur l'environnement. « Il s'agit de capitaliser sur le bien-fondé de notre production. Dire ce que l'on fait, valoriser l'existant, sans contraindre davantage les éleveurs dans leur pratique », résume Patrick Soury. Au-delà du renouvellement des générations, la Fédération nationale ovine (FNO) est particulièrement mobilisée sur le dossier de la prédation.
Zéro attaque
Les revendications syndicales sont très claires : « Pour atteindre zéro attaque, nous réclamons un renforcement des tirs de défense pour les éleveurs ou leurs ayants droit, et des équipements adéquates pour optimiser les prélèvements », résume Claude Font, éleveur et chargé du dossier prédation à la FNO. À l'échelle européenne, la profession attend des aménagements : le passage du classement du loup en espèce très protégée à espèce à protéger, « ce qui permettrait une meilleure régulation », selon le professionnel.
Rendez-vous avec le ministre de l'Écologie
Le nouveau plan loup, pourtant mis en place, il y a peu, a déjà atteint ses limites : « Nous devions atteindre
le seuil de 500 loups prélevés d'ici 2023, mais aujourd'hui ces 500 loups sont déjà présents sur le territoire national. En fin d'année, 12 000 brebis auront encore été prédatées », assure Michèle Boudoin, présidente de la FNO. La fédération a demandé un rendez-vous au nouveau ministre de l'Écologie, qui devrait intervenir très prochainement. François de Rugy a validé le lâcher de deux ours dans les Pyrénées. Un signal plutôt négatif pour les éleveurs.
Sophie Chatenet

Doit-on craindre ou s’inspirer du modèle néo-zélandais ?
La Nouvelle-Zélande est peuplée de 20 millions de brebis pour à peine 5 millions d’habitants. Un climat favorable à la pousse de l’herbe sur des sols volcaniques et une SAU composée à 75 % de prairies, voilà l’écrin idyllique permettant au pays d’être le troisième producteur mondial de viande ovine. Il est surtout le premier fournisseur de l’Union européenne. Cependant, le pays doit-il sa réussite ovine uniquement aux hasards du Big Bang ? C’est la question à laquelle les éleveurs français et l’Institut de l’élevage tentent de répondre. Brigitte Singla, secrétaire générale adjointe à la FNO, l’affirme : « Certes, nous ne pouvons pas importer les vertes prairies de Nouvelle-Zélande mais il y a sûrement des techniques dont nous pouvons nous inspirer ».Des prairies à perte de vueLa bonne fortune de l’élevage ovin néo-zélandais repose sur une parfaite maîtrise de la ressource en herbe. L’alimentation des troupeaux contient 100 % d’herbe, l’achat d’aliment est nul et la mécanisation réduite à son strict minimum. Les agnelages se réalisent en plein air. L’ensemble de ces facteurs permet ainsi aux éleveurs de compter 1 500 brebis en moyenne sur l’exploitation. Quant à la SAU de cette dernière, elle laisse rêveur, avec une surface moyenne de 1 000 ha. Le résultat est donc sans appel : « les coûts de production sont trois à quatre fois inférieurs aux coûts français », précise Marie Carlier, du service économie des filières de l’Institut de l’élevage.Du plomb dans l’aile ?Cependant, tout n’est pas « rose » au pays du mouton. Jusqu’en 1984, l’élevage ovin néo-zélandais bénéficiait de subventions plus que favorables. Depuis leur arrêt, la production bovine laitière, plus rentable, prend le dessus. En plus de 30 ans, le cheptel ovin a ainsi diminué de 65 %. Les éleveurs néo-zélandais sont parvenus à augmenter la productivité à la brebis et le poids carcasse des agneaux. « Ils ont renforcé leur technicité et surtout ils ont su coordonner l’ensemble des acteurs de la filière autour d’une stratégie commune. » Malgré tout, le nombre d’éleveurs ne cesse de diminuer et, comme en France, « le renouvellement générationnel est loin d’être enclenché ». De plus, la production semble « menacée face aux défis environnementaux et aux changements climatiques de demain », selon Marie Carlier.Retour d’expérienceTimoléon Vesnis était tondeur avant de devenir éleveur ovin dans le Var. Son premier métier l’a conduit à réaliser quatre séjours en Nouvelle-Zélande. De ses années d’expérience, il a ramené des méthodes de production très pointues. Depuis son installation, le jeune éleveur ovin français explique s’être converti : « la culture de l’herbe est quasi religieuse. » Pourtant, les conditions pédoclimatiques entre le Var et l’Océanie sont bien différentes. Il subdivise malgré tout ses prairies à « la façon néo-zélandaise » pour mieux concentrer la pâture. « Les animaux restent entre un et dix jours maximum sur la parcelle, le temps de dynamiser la pousse de l’herbe. Nous avons gagné jusqu’à un tiers d’herbe en plus. Les économies d’aliments réalisées nous ont permis d’acheter des clôtures supplémentaires pour subdiviser l’ensemble de notre parcellaire. Nous sommes passés d’un manque d’herbe quasi permanent à un superflu. » L’autre particularité de l’élevage néo-zélandais, selon Timoléon Vesnis, est le « turn-over » permanent des animaux où l’improductivité envoie directement à la case abattoir. « La reproduction se fait majoritairement par la monte naturelle. Un bélier doit être capable de saillir 100 brebis. S’il ne tient pas le rythme, il est rapidement éjecté. » Alors, la France doit-elle encore craindre la concurrence de la Nouvelle-Zélande ? Depuis plusieurs années, les exportations du pays semblent se tourner davantage vers la Chine, délaissant le marché européen. Mais pas suffisamment ; la filière ovine française s’inquiète toujours de l’influence de ces importations. « Que deviendront les contingents après le Brexit ? Personne n’en sait rien… », répond Brigitte Singla.Mélodie ComteL’association pour le Mondial de tonte de moutons a fait le buzz au Sommet. Mascotte à l’appui, une large communication a été faite sur l’organisation en 2019
du Championnat mondial de tonte, au Dorat, en Haute-Vienne, du 4 au 7 juillet.