L’horticulture est frappée de plein fouet par la crise sanitaire

C'est l'un de secteurs les plus touchés par les mesures de confinement. Les 2 500 entreprises horticoles françaises redoutent de disparaître en l'absence d'aides proportionnelles aux pertes subies. Les marchés et les jardineries ont immédiatement été fermés pour éviter toute tentation de flânerie. « Dès l'annonce du confinement, nous espérions que les produits horticoles puissent continuer à être commercialisés. Cela n'a pas été le cas, le gouvernement a décidé qu'ils n'étaient pas prioritaires. La production et l'entretien des végétaux a néanmoins continué en présence d'une main-d'œuvre réduite due aux besoins de garde d'enfants et aux arrêts maladie », indique Véronique Brun, chargée de missions à la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières (FNPHP).
Le coup de grâce
Le secteur a déjà été en partie mis à mal en 2019 par un printemps très maussade suivi d'un été caniculaire. Beaucoup comptaient sur 2020 pour reconstituer leur trésorerie. Le Covid-19 leur a donné le coup de grâce. « Ça ne pouvait pas plus mal tomber. Tous nos marchés se sont arrêtés du jour au lendemain au moment où la saison venait tout juste de commencer. Nos entreprises du paysage qui travaillaient sur des commandes en cours de préparation se sont retrouvées avec des végétaux à quai prêts à être expédiés. Les chantiers ont été fermés, les commandes annulées », précise-t-elle. Ces végétaux arrachés ont dû être remis en culture. Les entreprises ont dû continuer à les entretenir, ce qui a engendré des coûts supplémentaires. Sans oublier qu'elles devront rapidement mettre en place les végétaux d'automne et auront besoin de place pour les installer dans leurs structures. « Il y a des collectivités locales qui ont joué le jeu et ont honoré leurs commandes mais la plupart ont préféré les reporter », précise-t-elle. Pour les plantes à massif, les jardins et les potagers, la période cruciale de vente va du 15 mars au 15 mai. « Une grande partie réalise son chiffre d'affaires à ce moment-là de l'année. Près de 4 M€ de produits ont été jetés sur la région Aura. Les plantes bisannuelles de début de printemps, comme les primevères, violettes, pensées, pâquerettes, ont des cycles courts et, en l'absence de clientèle, ont été détruites. Les plants de légumes, produits non prioritaires en début de confinement, n'ont pu être vendus qu'à partir d'avril et les premières séries ont dû être jetées », regrette Véronique Brun.
La première projection sur la région Aura montre une perte de chiffre d'affaires de 22,2 M€ en mars et avril, soit 12,4 % du CA réalisé par la filière horticole. Les commandes bloquées, pour lesquelles aucune décision n'a encore été prise, pourront attendre jusqu'au 15 juin. Une fois passée cette date, les entreprises décideront de leur sort.
Des dérogations inégales
Après plusieurs semaines de lobbying, la profession horticole a tout de même obtenu des dérogations pour commercialiser ses plants potagers en vente directe, essentiellement via des drives et des points de vente organisés. « Jusqu'alors, seuls les magasins d'alimentation humaine et animale étaient autorisés à les vendre. Cela a été un gros choc pour nos entreprises locales qui voyaient des plants fleuris en grandes surfaces mais qui ne pouvaient pas poursuivre leurs ventes en magasin. » Incompréhension de plus pour les professionnels : des dérogations très différentes prises par les préfets de département sont venues creuser des inégalités entre les territoires. « Certains ont pu obtenir des autorisations relativement larges, d'autres très réduites », ajoute Véronique Brun.
Avec le déconfinement, « les activités reprendront normalement mais on ne sauvera pas la saison. L'horticulture française est soumise à un marché international sans aucune régulation. Elle ne bénéficie d'aucune aide directe de l'État ou de l'Europe. Elle ne pourra se relever seule d'une crise qui, selon nos estimations, lui coûtera plus de 400 millions d'euros sur l'année 2020. S'il n'y a pas un plan de soutien direct aux entreprises, beaucoup ne survivront pas. » En attendant, la FNPHP communique sur la plantation hors saison indiquant qu'arbres et arbustes en mottes peuvent être plantés jusqu'au 15 juillet, à condition d'être correctement conservés en jauge. Une adaptation qui laissera un peu plus de souplesse aux entreprises qui devront, quoi qu'il arrive, sans doute revoir « leur stratégie de mode de production, de choix variétaux et de commercialisation ».
Alison Pelotier