L’ICHN : un dispositif en évolution

Lors de la négociation de la Pac 2015-2020, l'ICHN a fait l'objet de nombreuses remises en cause de la part de la Commission européenne. Malgré les nombreuses actions de lobbying entreprises pour défendre les fondamentaux de ce dispositif (Massifs, FNSEA, APCA, Euromontana, députés européens), la négociation a abouti à un dévoiement de certains principes de l'ICHN, à la dilution de l'enveloppe disponible et à la complexification de l'aide.
L'ICHN est en effet une mesure essentielle de soutien à l'agriculture dans les zones défavorisées. Celle-ci implique des conditions d'exploitation difficiles, générant des surcoûts importants. Dans ce contexte, l'ICHN vise à maintenir une activité économique dynamique et durable dans les territoires difficiles. Jusqu'en 2014, l'ICHN traduisait bien cet objectif, permettant la compensation des surcoûts liés au handicap naturel, le maintien d'une population active, le renouvellement des générations, le maintien de l'occupation de l'espace dans les zones difficiles ainsi que de pratiques favorables à l'environnement à travers l'encadrement des chargements animaux.
Des critères maintenus
La négociation achevée en 2015 a abouti au maintien des critères suivants :
- un niveau d'ICHN lié au chargement : maintien des plages de chargement 2014 en piémont et en zone défavorisée simple, élargissement et uniformisation régionale des plages de chargement payées à 100 % en montagne et haute montagne (voir tableau 1).
- Un montant majoré de 50 % sur les 25 premiers hectares et une majoration spécifique pour les exploitations spécialisées en ovins-caprins (+ 10 % en montagne et haute montagne, + 30 % en piémont et zone défavorisée simple).
- Un retour de surfaces collectives aux adhérents de groupements pastoraux, au prorata des UGB mis en groupement.
Le cas des doubles actifs
Pour les doubles actifs ayant un revenu non agricole majoritaire, l'ICHN sera payée en fonction du niveau des revenus non agricoles (voir tableau 2).
Jusqu'ici le niveau du Smic pris en compte est basé sur une activité hebdomadaire de 39 heures (soit 1 Smic = 19 326 euros pour l'ICHN 2016). Le ministère de l'Agriculture envisageait de passer ce volume horaire à 35 heures dès 2016 mais, suite à la demande de la profession, ce changement a été reporté à 2017. Les revenus non agricoles pris en compte étant ceux de l'année N-2, la mise en conformité du niveau de revenus est à réaliser dès 2015. Le Suaci Montagn'Alpes a sollicité le ministère de l'Agriculture pour un report à 2018 de cette évolution, afin de permettre aux exploitants concernés d'adapter leur activité non agricole en 2016, sollicitation encore sans réponse à ce jour.
Des critères modifiés
D'autres critères ont été ajoutés ou modifiés en 2015 :
- pour les surfaces de montagne et de haute montagne, un niveau d'ICHN selon le pourcentage de surfaces en zones défavorisées : ICHN versée à 100 % à partir de 80 % de la SAU en zone défavorisée, puis à 15 % entre 50 et 80 % de la SAU concernée et enfin à 9 % avec moins de 50 % de SAU concernée ;
- passage à 75 ha de surfaces fourragères du plafond de surfaces payées à l'ICHN, avec revalorisation de 70 euros/ha sur 75 ha, quelle que soit la zone défavorisée ;
- transparence Gaec basée sur la répartition des parts sociales ;
- dans le cadre de la négociation régionale, fusion des 21 sous-zones montagne en une seule zone montagne, avec un montant unique pour l'ensemble de la zone ;
- pour l'ICHN végétale, élargissement de la liste des cultures éligibles (toutes les surfaces cultivées en montagne et haute montagne destinées à la commercialisation, sauf vente d'herbe sur pied) et élargissement du périmètre de l'aide, avec l'ouverture à l'ensemble de la zone montagne et haute montagne, à raison de 35 euros/ha sur les 25 premiers hectares, pour les surfaces situées en montagne non sèche.
Des critères supprimés
Malgré les arguments avancés par la France, les critères suivants ont été supprimés :
- la limite d'âge à 65 ans, critère qui n'était appliqué que par la France et jugé discriminatoire par la Commission européenne ;
- la localisation du siège d'exploitation en zone défavorisée, pour bénéficier de l'ICHN sur les surfaces de montagne et haute montagne.
Pour pallier à la suppression de ces critères, la profession agricole a demandé la mise en place d'un critère lié à la présence des animaux l'hiver. Les massifs et les organisations professionnelles agricoles nationales ont proposé un critère d'hivernage combinant la présence des bâtiments d'élevage en zone défavorisée avec un pourcentage d'animaux détenus pendant l'hiver par rapport à l'effectif moyen annuel de l'exploitation. Cette proposition est à l'étude par le ministère pour une mise en œuvre en 2017. Dans l'attente, le ministère de l'Agriculture a retenu dès la campagne 2015 puis reconduit pour 2016 le critère d'hivernage suivant : pour l'ICHN de l'année N, détenir au minimum 3 UGB entre le 1er décembre de l'année N-1 et le 1er avril de l'année N.
Parallèlement, le ministère a commandé auprès d'Acteon, bureau d'étude grenoblois, une évaluation de l'ICHN avec un double objectif :
- évaluer l'ICHN 2007-2013, exercice obligatoire pour les pays membres de l'UE ;
- apporter une vision prospective des impacts de la suppression des critères d'âge et de siège, pour tenter de les renégocier auprès de la Commission européenne.
Les évolutions à venir
En 2016, la principale évolution significative de l'ICHN est la suppression des conditions spécifiques d'accès pour les éleveurs de piémont non laitier et de zone défavorisée simple ayant une référence laitière. Ceux-ci deviennent désormais éligibles à l'ICHN dans les mêmes conditions que les autres éleveurs de zone défavorisée.
Dans les années à venir, outre le critère d'hivernage, deux aspects de l'ICHN pourraient évoluer :
- les niveaux de handicaps étant très différents selon les zones de montagne, une ou deux sous-zones de montagne pourraient être mises en place à l'échelon rhônalpin, à l'instar de ce qui s'est fait dès 2015 en Auvergne ;
- dans le cadre d'une procédure nationale en cours, les critères de classement en piémont et zone défavorisée simple seront modifiés, et les zones concernées revues en conséquence.
Le Suaci Montagn'Alpes s'attachera à évaluer les impacts de ces évolutions sur les exploitations de montagne, dans le but de proposer les ajustements adéquats.
A télécharger les tableaux 1 et 2
Anne Castex, Suaci Montagn'Alpes
Point de vue de Christophe Léger, président du Suaci Montagn’Alpes, sur les nouvelles règles de l’indemnité compensatoire de handicap naturel.
« La reconnaissance des systèmes agricoles de montagne »
Christophe Léger : « Il faut désormais garder 3 UGB l’hiver. A défaut, l’exploitation n’est plus éligible à l’ICHN. Ce critère sera appelé à évoluer mais, pour cette année, il faut l’intégrer. Pour les pluriactifs, le seuil horaire de 35 h est à prendre en compte dès la déclaration de revenus 2015. Au-delà de 17 300 euros environ de revenu extérieur, l’ICHN est divisée par deux en zone de montagne et haute montagne. Les éleveurs laitiers de zone défavorisée simple deviennent éligibles à l’ICHN. »
Quelles sont les principales difficultés soulevées par cette nouvelle ICHN ?
C. L. : « La suppression des critères d’âge et de localisation du siège d’exploitation en zone défavorisée induit des effets pervers dans cette aide : un exploitant de plus de 65 ans, qui détient trois ânes en hiver sur 50 ha, fait désormais le plein d’ICHN et consomme une partie de l’enveloppe destinée auparavant à l’agriculture professionnelle. Les nouvelles plages de chargement ne sont plus liées à un optimum production/environnement, mais dégressives, ce qui favorise les systèmes les plus extensifs. Le seuil d’entrée permet de réserver l’ICHN aux professionnels mais ce seuil est sensible car il exclut directement les exploitations en limite. Les sous-zones « montagne » ont été drastiquement homogénéisées à l’échelle régionale alors que le handicap n’est pas le même selon l’altitude et la pente. L’Auvergne a distingué une zone montagne difficile à plus de 1 000 mètres d’altitude. Nos programmes de développement rural, dont l’ICHN est partie intégrante, pourraient utilement converger dans ce sens. »
Quelles évolutions faudra-t-il anticiper à moyen terme ?
C. L. : « Un critère d’hivernage sera, nous l’espérons, précisé afin de recentrer l’ICHN sur les professionnels. Il faut prévoir à l’avenir de conserver de l’ordre de 60 % des UGB l’hiver, avec une dérogation probable de l’ordre de 40 % en zone de haute montagne. Cette aide du second pilier a été revalorisée de 15 %, elle reste sans doute plus pérenne que les droits à paiement de base et elle permet une reconnaissance des systèmes agricoles de montagne et de la plus-value pour ces territoires, ce qu’il faut continuer à défendre pour la prochaine programmation Pac. »