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Viticulture

L’inévitable évolution vers moins d’intrants

Produits CMR, perturbateurs endocriniens, liste de substitution, directive Efsa et les obligations nouvelles sur les EPI, ou à venir, sur les ZNT riverains, sont autant de nouveaux points sur lesquels les vignerons devront se mettre en conformité.
L’inévitable évolution vers moins d’intrants

A l'occasion de la 18e édition des rencontres rhodaniennes, un des trois ateliers de la conférence plénière était consacré à la réduction des intrants. Un sujet majeur pour les années à venir comme l'expliquait Philippe Pellaton, président du syndicat des vignerons des Côtes du Rhône, en accueillant les participants ; un sujet « qu'il est toujours possible de critiquer mais qui traduit une demande sociétale et un choix politique bien réels et sur lesquels on ne reviendra pas en arrière », notait Éric Chantelot, agronome et directeur de la station Rhône-Méditerranée de l'Institut français du vin (IFV) en ouvrant l'atelier.
Car la réduction des intrants relève d'une obligation pour la filière avec la mise en place des plans successifs Écophyto. « La question centrale est donc réduire les intrants, oui, mais jusqu'où ? », résumait le spécialiste de l'IFV. Car répondre à cette question implique de penser les notions de risque, de contrôle, de limite, d'équilibre économique... « Et surtout, elle sous-entend une autre interrogation : comment ? »
Pour tenter de répondre à ces questions, il est revenu sur trois cadres réglementaires qui ont récemment fait l'objet de modification : les CMR (cancérogène, mutagène, impact sur la reproduction) et les perturbateurs endocriniens ;
la liste de substitution (voir encadré ci-dessous) et la directive de l'Efsa de janvier 2016 « qui entraîne des évolutions dans l'homologation des produits et peut amener à des impasses ». Pour le directeur, il est important d'être « vigilant » sur ces questions sans toutefois trop anticiper la réglementation « pour se donner le temps de trouver de nouvelles solutions ».

CMR : l'enjeu de la liste 2

Concernant la réglementation sur les produits CMR, la directive 1 107/2009 a classé ces produits selon trois listes (voir tableau et graphique) : la liste 1A (critère d'exclusion), la liste 1B (critère d'exclusion mais avec possibilité de démontrer une « exposition négligeable ») et la liste 2, sans critère d'exclusion. « Il faut bien comprendre que les listes 1A et 1B vont disparaître d'ici deux ans ; la viticulture est concernée par deux molécules. Donc l'enjeu pour les mois à venir, c'est bien les produits présents dans la liste 2 où les effets sur l'homme sont très peu probables. Nous sommes ici face à un principe de précaution poussé à l'extrême par rapport aux informations scientifiques dont nous disposons », résumait le scientifique.

Éric Chantelot, de l’IFV : « Il est toujours possible de critiquer mais, concernant la demande sociétale et les choix politiques bien réels de réduire les intrants, on ne reviendra pas en arrière ».

Perturbateurs endocriniens : du nouveau à venir

Concernant les perturbateurs endocriniens, la réglementation est régie par deux textes :
- un texte européen définissant la notion de perturbateurs endocriniens qui a été finalisé à l'automne 2017 ;
- un texte national avec mise en ligne de la liste par le ministère de Transition écologique en juillet 2017 (cette liste est provisoire). « La définition, telle qu'arrêtée par l'Europe, a mis cinq ans à être exécutée. Elle a été validée à l'automne 2017 par le Parlement européen mais son cadre réel sera véritablement établi d'ici l'été prochain. En France, le ministre de la Transition écologique a édité une liste, provisoire, à l'été 2017. Cette liste préfigure la future réglementation qui arrivera en juin prochain. »

Deux nouveautés : les EPI et les ZNT

La directive Efsa, sortie en janvier 2016, a mis en avant deux nouveautés : le port d'EPI (équipement de protection individuelle) et la protection des riverains. Concernant les EPI, le guide fixe désormais des délais de réentrée dans les parcelles jusqu'à la vendange, « qui doit être faite avec des gants et des combinaisons », rappelait Éric Chantelot.
Sur la protection des riverains, un sujet monté en puissance ces derniers mois, il y aura certainement « des ZNT à venir et pas seulement pour les écoles ou les lieux sensibles : on parle de toutes les habitations et avec les extensions de lotissement, les enjeux sont réels », rappelait le directeur. « Pour l'instant, ce guide s'appuie sur la notion de "pire risque" et des travaux sont en cours pour affiner cette notion ».
Bref, le cumul de toutes ces réglementations en place ou à venir n'est pas sans conséquence : en l'espace de quelques années, on risque de passer de 164 produits de protection contre le mildiou, l'oïdium, la cicadelle... à 25. « On risque d'avoir moins de groupes chimiques différents et donc d'augmenter le risque de résistance », rappelait Éric Chantelot. « Et pour certains usages, il ne resterait plus que des produits de biocontrôle. Or, la filière biocontrôle a une innovation contrainte par un cadre réglementaire très strict qui est celui des AMM, autorisation de mise sur le marché, pas forcément adapté à ces produits vivants. Par ailleurs, la liste biocontrôle éditée par le ministère de l'Agriculture (la dernière date de mars 2018, ndlr) intervient dans un cadre franco-français non reconnu ailleurs. Sans compter que pour le ver de la grappe, la cicadelle verte, la flavescence dorée... on n'a pas encore trouvé de produits de biocontrôle. Quant à ceux déjà disponibles, ils ont une efficacité systématiquement inférieure à celle des anciennes solutions. Il sera donc impossible de remplacer poste pour poste et il faut envisager leur utilisation dans le cadre de nouvelles stratégies de lutte en cernant mieux les relations entre la nutrition et la protection, en intégrant des OAD », concluait l'agronome de l'IFV. 
Céline Zambujo

 

Le cuivre dans la liste de substitution

La liste de substitution fixée par le règlement européen 1107/2009 fixe une liste de molécules identifiées « dangereuses » qui, lors de la ré-homologation, devront être analysées de manière spécifiques. Lors du réexamen, les firmes devront prévoir d’évaluer les alternatives, l’Europe ayant prévenu qu’elle n’autoriserait pas les molécules si des alternatives existent.
« N’oublions pas que le cuivre fait partie de cette liste », rappelait Éric Chantelot, de l’IFV. « Il y a donc là un véritable enjeu et un travail de lobbying est fait pour insister notamment sur le caractère naturel de la substance. »