L’innovation technologique questionne le monde horticole

Pépiniéristes, horticulteurs, maraîchers, ingénieurs agronomes, chefs d'établissements scolaires, chambres d'agriculture, fabricants de produits de biocontrôle, associations et syndicats de producteurs... tous étaient au rendez-vous pour participer à la journée « Horticultures de demain », organisée par le lycée Terre d'horizon en partenariat avec la station d'expérimentation horticole Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes (Ratho).
High-tech...
Au programme, conférences et ateliers ont permis de répondre aux interrogations des visiteurs, notamment sur le thème de la technologie. Ces dernières années, l'i-Tech est rentrée de plein fouet dans les fermes françaises, faisant dans certains cas évoluer radicalement les pratiques du métier. Entre 2009 et 2015, le secteur de l'horticulture ornementale et de la pépinière a vu se poursuivre la réduction du nombre d'entreprises (environ - 5% par an). Aujourd'hui, le chiffre d'affaires moyen par entreprise progresse de 5 % par an, tandis que les surfaces diminuent de 1,5 %. Pour faire face à cette conjoncture économique incertaine, certains horticulteurs ont donné une place de toute importance aux technologies dans leur activité. L'institut technique de l'horticulture, Astredhor, les accompagne dans cette démarche. Le projet de recherche Irradiance, lauréate de l'appel à projet CasDar recherche technologique, teste sur des rosiers la suppression des régulateurs de croissance, des substances chimiques utilisées pour contrôler la hauteur des plants, renforcer les tiges et garantir une meilleure résistance aux intempéries. « Les équipes de recherche travaillent avec des technologies LED de différentes longueurs d'onde en chambre de cultures contrôlées? Cela pour analyser les effets de la lumière sur la ramification et le développement architectural des cultures. L'objectif est d'obtenir des jeunes plantes ramifiées en un temps beaucoup plus court qu'avec les itinéraires techniques classiques.
Ce projet de trois ans et demi sera conduit sur six sites et décliné sur d'autres plantes horticoles avec l'appui d'une étude de faisabilité technico-économique », explique Allan Maignant, ingénieur de recherche à Astredhor. Un projet i-Tech qui s'intègre dans le programme de l'unité mixte technologique « Stratège » dédiée à la recherche de nouvelles stratégies techniques et marketing pour mieux répondre au marché horticole urbain.
L'utilisation de l'i-Tech demande souvent de générer de la lumière et d'avoir recours à l'électricité, se passant de l'énergie bénéfique et gratuite du soleil. C'est le cas de l'aquaponie et des fermes hydroponiques qui nécessitent, en plus, un haut niveau de technicité et de la main d'œuvre spécialisée. Certains se posent la question de la perte de biodiversité dans un milieu aseptisé, d'autres s'interrogent sur le goût des fruits et légumes cultivés hors-sol.
...Ou low-tech ?
C'est en partie pour répondre à ces questions mais aussi pour trouver des solutions à l'utilisation de produits phytosanitaires que des techniques low-tech trouvent leur place chez les professionnels horticoles. À commencer par la PBI, la production biologique intégrée.
La biotisation des substrats est un exemple parlant. « Lorsque l'on ajoute des micro-organismes sur la culture, ceux-ci vont agir en moyens de défense contre les agents pathogènes de la plante ou, au contraire, ils vont favoriser l'apparition de champignons bénéfiques à son développement », souligne l'ingénieur de recherche. Le principe « push-pull » appelé aussi répulsion-attraction est, lui, utilisé en cultures sous serre ou en pépinière extérieure dans une approche de lutte biologique testée par la station Astredhor Loire Bretagne. Il consiste à « chasser » les insectes ravageurs en les éloignant avec des plantes répulsives et à les « charmer » avec des plantes attrayantes en lisière de champs ou à l'extérieur de la serre. « On observe aussi le retour des couches chaudes dans les systèmes de production en milieu urbain. C'est une méthode simple, utilisée encore dans les années 1960, qui utilise l'énergie produite par la simple décomposition du fumier pour réchauffer le sol et accélérer la levée des semis ou permettre aux légumes nécessitant de la chaleur de mieux se développer. »
Les serres bioclimatiques, permettent aussi de maîtriser le climat intérieur d'une serre sans aucun chauffage extérieur. L'énergie solaire captée en journée grâce à l'installation de bidons ou de murs noirs, est restituée la nuit lorsque les températures descendent. En marge des low-tech, des méthodes prophylactiques permettent de lutter de manière préventive contre les maladies et les ravageurs. « C'est le cas des stimulateurs de défense naturelle qui viennent simuler une agression sur la plante. Celle-ci va se défendre en produisant un ensemble de molécules pour contrer l'agression », ajoute Allan Maignant. Si les low-tech attirent le monde horticole, elles le laissent aussi sceptique. Le low-tech n'est pas toujours synonyme de coûts réduits et d'énergie renouvelable. Il est parfois nécessaire d'avoir recours aux i-Tech pour les mettre en place. C'est le cas des outils d'aide à la décision (OAD) ou du « deep-learning » qui se sert de l'intelligence artificielle pour avoir une meilleure connaissance de la plante afin de réduire les intrants. Leur utilisation gourmande en énergie fossile permet ensuite de trouver des solutions utiles dans l'optimisation des pratiques, plus durables, moins onéreuses et plus résilientes.
Alison Pelotier
Société / Dans le cadre des travaux menés par l’unité mixte technologique « Stratège » (UMT), l’institut technique Astredhor s’intéresse aux comportements des consommateurs du marché horticole urbain.