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Oléiculture

L’olivier, cet optimisateur de pluie

L’olivier est connu pour sa résistance à la sécheresse. On peut donc légitimement se poser la question de l’intérêt d’irriguer un tel arbre. Et pourtant, cet arbre valorise très bien l’eau grâce à une faculté notable, celle d’adapter son métabolisme à la sécheresse. Peu mais bien positionnée, l’eau peut ainsi garantir une production, surtout en ces temps de changement climatique.
L’olivier, cet optimisateur de pluie

Comment l'olivier fait-il pour optimiser chaque goutte d'eau ? D'abord, il faut avoir conscience que sa feuille est un formidable outil de régulation du fait de sa forte capacité de plasmolyse et de sa capacité à réduire l'activité des stomates, voire à la stopper totalement en dessous d'un certain seuil (-7 MPa). Autre atout : son système racinaire, dispose d'une forte capacité à extraire l'eau du sol. Toutefois, singularité de l'arbre, ce système racinaire est peu profond : « On le trouve généralement sur les premiers centimètres du sol, avec une plus forte concentration entre 20 et 80 cm de profondeur et une quasi-disparition au-delà de 1,20 m », explique Sébastien Le Verge, technicien de l'Afidol*. Mieux, ce système racinaire est également traçant, ce qui lui confère une capacité d'exploration de surface importante (voir encadré). « Cette caractéristique a forcément un impact sur les systèmes d'irrigation qui sont à positionner en fonction de ces deux points : peu profond et traçant. »

Il faut huit à neuf semaines à un noyau pour se former après floraison. ©C.Zambujo
Ainsi, en cas de stress hydrique, l'olivier met en œuvre différents mécanismes lui permettant de résister à ce stress environnemental. Tout d'abord, il réduit ses échanges gazeux et sa photosynthèse au détriment de sa croissance végétale et de l'alimentation de l'olive. Conséquence : la mise à fruit est réduite et les calibres des olives sont plus faibles.
Autre particularité de l'olivier : au printemps (mars à mai), il fait à la fois croître ses rameaux et entame sa mise à fleur. « Les deux phénomènes sont un peu antagonistes », reconnaît le technicien de l'Afidol. À partir de mars donc, les besoins en eau de l'olivier sont évalués à 40-50 mm/mois. En juin et juillet, place à la nouaison, puis à la multiplication cellulaire (jusqu'à mi-juillet) et à la formation du noyau, généralement de la mi-juin à fin juillet. Entre-temps, de mi-juillet à mi-septembre, c'est au tour de la pulpe de grossir, la lipogénèse démarrant dès le début du mois d'août. « Rappelons que la fructification se fait sur les rameaux de l'année précédente », notait Sébastien Le Verge.

Stade critique : la formation des inflorescences

« Nos essais montrent que lorsque l'irrigation est positionnée dès la plantation, l'entrée en production se fait en moyenne cinq à six ans plus tôt qu'un verger en sec, généralement dès la 2e-3e feuille plutôt qu'à partir de la 5e-6e feuille. » Des essais ont montré qu'un stress hydrique durant la formation des inflorescences est pénalisant plus qu'un stress durant le repos hivernal ou pendant le grossissement des boutons floraux. « Dans le premier cas, on se retrouve avec 10 fleurs par inflorescence contre plus de 15 en moyenne dans la référence irriguée ou en cas de stress hivernal ou pendant le grossissement des boutons floraux, c'est-à-dire un mois environ avant la floraison. Cela montre bien que cette période de formation des inflorescences est plus sensible au stress hydrique. » Cette hiérarchie se poursuit dans le temps, puisqu'il y a deux fois moins de fleurs par nœud dans le cas du stress pendant la formation des inflorescences (5 fleurs/nœud au lieu de 12). « Il faut comprendre qu'en cas de stress à cette période, l'olivier met en marche des mécanismes pour ne pas faire d'olives qu'il ne pourra pas alimenter par la suite. En d'autres termes, il s'adapte très tôt. »
Pour comprendre comment cette régulation se met en place, il faut regarder du côté de la proportion de fleurs hermaphrodites : elle est en effet plus faible dans le cas du stress hydrique lors de la formation des inflorescences (autour de 60 %), contre plus de 80 % dans les autres cas. « Quand il manque d'eau, l'olivier fait plus de fleurs mâles que de fleurs femelles. Or, les fleurs mâles ne donneront jamais d'olives. Ainsi, le fait d'arroser pendant ce stade critique de la formation des inflorescences permettra de maintenir le potentiel de fructification », résumait Sébastien Le Verge.

Les mois de mars et d’avril sont déterminants pour l’olivier qui doit à ce moment précis être dans un confort hydrique pour former les fleurs femelles à même d’être pollinisées. Mais juin et juillet également pour garder une bonne charge en olives.  ©C.Zambujo

Vigilance en juin et juillet

Autre information fournie par ces essais : si l'olivier est touché par la sécheresse durant le dernier mois de formation des fleurs, l'incidence sera donc faible. « En clair, les mois de mars et d'avril sont déterminants pour l'olivier qui doit à ce moment précis être dans un confort hydrique pour former les fleurs femelles à même d'être pollinisées. Cela veut dire que, si à ce moment de l'année les réserves en eau du sol n'ont pas été reconstituées, il faut impérativement apporter à l'olivier de l'eau pour préserver son potentiel de production. » Ce n'est donc pas forcément l'été qui est sensible mais bien le printemps, à l'image de 2017. Malgré la sécheresse estivale qui a perduré à l'automne, les volumes d'olives ont été corrects, « avec des bons taux d'huile car une grande partie de la récolte s'est en réalité jouée au printemps ».
Mais une autre période reste néanmoins sensible pour l'olivier : les mois de juin et juillet sont ceux où se déroule la multiplication cellulaire. « La première fonction de l'olivier est d'assurer sa descendance et de pérenniser l'espèce », rappelait Sébastien Le Verge. Ainsi, pour l'olivier, la priorité est donc la formation du noyau, la chair (pulpe) n'étant que secondaire. Dans ces conditions, en cas de stress hydrique au moment de la constitution du noyau, l'olivier ajustera sa charge en fonction des disponibilités en eau. « Un déficit hydrique au moment de la multiplication cellulaire aura pour effet de voir les oliviers "abandonner" leurs olives ayant un nombre moins important de cellules pour préserver les noyaux des autres. »

Un arbre résilient

Mais ce n'est pas tout : « Nous avons aussi mis en évidence qu'un retour dans de bonnes conditions hydriques relance la croissance du noyau ». L'olivier a donc une résilience qui lui permet d'inverser la tendance et de reprendre sa croissance en cas de retour de pluies ou d'arrosage au moment de la multiplication cellulaire. « Un stress hydrique n'a donc pas directement d'impact sur la grosseur du noyau qui atteint de toute façon sa taille avec ou sans irrigation. Mais il aura une incidence forte sur la durée de formation de ce dernier : en cas de stress, l'olivier mettra plus de temps à former son noyau et donc moins à former de la pulpe. »
Or, il faut huit à neuf semaines à un noyau pour se former après floraison. « Pour éviter une chute physiologique des oliviers en cas de stress hydrique en juin ou juillet, il est donc important d'arroser pour ne pas prendre de retard dans la formation du noyau et l'aider à aller plus vite à engager la croissance de la pulpe. » En effet,des essais ont montré qu'un déficit de 30 % par rapport à une modalité irriguée réduisait de 18 % le grossissement de la pulpe. « Un stress hydrique à ce moment de développement réduit la capacité de l'olivier à produire de l'huile. Ainsi, continuer à arroser durant l'été permet d'augmenter le taux en matière sèche de la pulpe, ce qui est particulièrement intéressant pour les récoltes tardives. » Ainsi, pour les récoltes précoces (avant le 15 novembre), les meilleurs rendements ressortent pour les modalités en sec. Mais pour les récoltes plus tardives, l'irrigation est recommandée. « Tant que l'olive est verte, elle continue à fabriquer de l'huile. Par contre, si l'intérieur de l'olive commence à noircir, il n'est plus nécessaire d'attendre la récolte, l'olive ne fabriquera pas plus d'huile. » 

Céline Zambujo
* Afidol : association française interprofessionnelle de l'olive.

Tant que l’olive est verte, elle continue à fabriquer de l’huile. ©C.Zambujo

 

Les objectifs de l’irrigation en oléiculture 
- Accentuer la croissance des rameaux.
- Soutenir la mise à fleurs et la mise à fruits.
- Accroître le calibre des olives.
- Améliorer la lipogenèse.

Conseils d’irrigation en cas d’apport goutte-à-goutte 
 Si apports massifs espacés de plusieurs jours
- sols argileux : pas plus de 60 l/goutteur ;
- sols sableux : pas plus de 30 l/goutteur ;
- irriguer en deux temps.
Si apports quotidiens (faible nombre de goutteurs)
- se reporter au bulletin Infolive ;
- s’équiper de sondes tensiométriques.
La conduite de l’irrigation en été
Micro-jet (portée d’au moins 1,5 m)
- un apport tous les 10-15 jours ;
- dose : prévoir l’équivalent de 50 l/j.
Nombre important de goutteurs
- 1 apport tous les 10 jours, voire moins ;
- dose équivalente à 40-50 l/j ;
2 à 4 goutteurs par arbre
- 1 apport par jour de préférence ;
- dose : 30-35 l/j,
- penser à la ferti-irrigation en même temps plutôt qu’une irrigation seule. « Vu le nombre de goutteur, les prospections se font moins bien. Il est donc intéressant de coupler avec une fertilisation. »
Dans tous les cas, il est n’est pas conseillé d’apporter en sol sableux plus de 30 l/h à chaque apport pour chaque goutteur
(60 l/h en sol argileux). « Au-delà, c’est du gaspillage », conclut Sébastien Le Verge.
En absence d’irrigation
- Éliminer l’herbe dès la sortie d’hiver pour préserver les réserves en eau lors de la phase de formation des inflorescences et après floraison pour optimiser la durée de formation du noyau.
- Améliorer les teneurs en matière organique du sol.
- Recentrer la frondaison pour limiter l’évapotranspiration. 

« Nos essais montrent que lorsque l’irrigation est positionnée dès la plantation, l’entrée en production se fait en moyenne cinq à six ans plus tôt qu’un verger en sec, généralement dès la 2e-3e feuille plutôt qu’à partir de la 5e-6e feuille », explique Sébastien Le Verge, de l’Afidol. ©C.Zambujo

 

L’olivier, cet explorateur de sol

L’olivier dispose d’un système racinaire peu profond et traçant. Il faut donc tout faire pour lui faciliter l’exploration du sol. « Attention donc à ne pas le “biberonner” au moment de l’irrigation. Il est important de viser une surface arrosée correspondant à 20-25 % de la surface plantée », expliquait dernièrement, Sébastien Le Verge (Afidol).Autre conseil : il est important d’éloigner la zone arrosée du tronc pour étendre le système racinaire et la surface humide afin de permettre aux racines de coloniser un volume de sol plus important. « Cela permettra, en cas de stress hydrique, de le rendre moins dépendant à l’irrigation et facilitera la mise en place d’un système racinaire qui optimisera la moindre pluie. »Pour le conseiller de l’Afidol, il est recommandé d’installer deux rampes de goutteurs par rangée et un goutteur tous les mètres pour satisfaire les besoins en eau de l’olivier, établis à 40-50 mm/mois à partir de mars. « Nous conseillons au moins huit goutteurs par arbre, un goutteur arrosant environ un mètre carré, car cela donnera à l’olivier une meilleure capacité d’assimilation des pluies tout en permettant au système racinaire de se développer. » Dans ce cas, attention donc à l’enherbement, qui consomme 30 à 40 % de l’eau tombée au sol. « On dit souvent qu’un arrosage équivaut à un travail du sol. Il est primordial que l’enherbement soit maîtrisé quand on sait l’importance de la période printanière pour l’olivier : la moindre compétition à ce moment précis est préjudiciable pour la récolte, que ce soit en quantité mais aussi en qualité. »En sol sableux, l’Afidol conseille de multiplier les points de goutte-à-goutte « mais aussi de jouer sur les débits, en les ajustant à la baisse pour viser un débit de 1,6 l/h, voire moins ». En sol argileux, le débit conseillé est de 2,5 l/ha. Ces débits permettent de faire des jolis bulbes et d’augmenter les volumes de sol humide, donc actif, favorable au développement racinaire. Attention aux colmatages : il est important de vérifier la station de tête et de bien entretenir le réseau au moins deux à trois fois sur la saison (une fois par mois en sol très calcaire). Prévoir aussi une pompe doseuse et une bonne filtration en amont. « Dans tous les cas, il faut partir sur une portée de 1,5 m au minimum pour chaque goutteur », conseille Sébastien Le Verge.Ainsi, si au début du printemps les réserves en eau ne sont pas reconstituées, il est conseillé d’apporter en moyenne 20 mm tous les quinze jours pour remplir à nouveau le réservoir du sol.