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Conditions climatiques

La chaleur écrasante impacte des productions

Un temps étouffant, venté, séchant s'est amorcé avant même l'arrivée officielle de l'été. Quelles incidences sur l'élevage, les céréales, la ressource en eau dans la Drôme ?
La chaleur écrasante impacte des productions

Côté élevage et fourrages, des maïs non irrigués suscitent de l'inquiétude. La pluie est attendue avec impatience. En systèmes « tout herbe » sur le Vercors, les éleveurs ont engrangé moins de première coupe et ne savent ce qu'ils vont récolter en seconde. Il va manquer du rendement « mais il est trop tôt pour faire le bilan, note Jean-Pierre Manteaux, conseiller bovins lait de l'équipe élevage des chambre d'agriculture de la Drôme et de l'Isère. Il faut de la pluie pour les stocks fourragers ainsi que pour avoir de la repousse à pâturer pendant l'été et l'automne. » Dans les systèmes d'élevage de plaine avec de la luzerne, « les premières coupes ayant été précoces (mi-avril), les secondes étaient déjà récoltées en mi-juin. La qualité est au rendez-vous. Les rendements en sec devraient être pénalisés. Mais cette culture est en général irriguée. Le déficit en eau est compensé par les apports, s'ils ne sont pas limités. Les maïs et luzernes valorisent bien l'eau d'irrigation, fait remarquer le conseiller. Pour les méteils, 2017 est une drôle d'année avec sécheresse en février, mars et avril. Mais, grâce aux pluies de fin avril-début mai, ces cultures ont poussé et les rendements se sont révélés corrects. »

Des conseils en élevage

Jean-Pierre Manteaux donne quelques conseils. En zone de plaine, il semble plus opportun de semer du sorgho monocoupe que du maïs en juin car il résiste mieux à la sécheresse. Pour les systèmes ovins et caprins manquant de fourrage, un sorgho multicoupe peut être implanté après une céréale ou une vieille prairie. Il sera soit pâturé soit récolté. S'il n'y a plus d'herbe dans une prairie à cause de la sécheresse, il ne faut pas y laisser les animaux afin d'éviter le surpâturage. Ils n'y seront remis que lorsque l'herbe aura repoussé.
Les bâtiments avec bardage bois, ventilateurs et brumisateurs contribuent au bien-être des bovins, donc à l'amélioration des performances. Pour les animaux qui pâturent, mieux vaut les sortir tôt le matin, tard le soir et les laisser à l'intérieur dans la journée. Eux aussi souffrent de la chaleur. Des éleveurs envisagent de planter des haies arbustives pour que leurs animaux puissent se mettre à l'ombre. Ils doivent être attentifs aux conditions d'abreuvement de leur troupeau au parc et en bâtiment car, les prairies étant plus sèches, il va boire plus. Il ne faut pas ajouter un stress hydrique au stress de température. C'est notamment une inquiétude dans le Vercors où les sources sont très basses, peu de neige étant tombée l'hiver dernier.
Côté technique, ajoute le conseiller, « nous avons suivi plusieurs élevages qui pâturent avec des petites parcelles : grâce au temps de présence court des animaux, et à un temps de repousse supérieur à 20 jours, la pousse 2017 a été meilleure chez eux que chez des voisins faisant pâturer avec cinq ou six parcelles. Le pâturage en petites parcelles peut permettre aussi d'intégrer dans les mélanges prairiaux des légumineuses résistant à la sécheresse comme le sainfoin ou la luzerne ».

Des céréales échaudées

En céréales, l'année s'annonçait globalement dans la moyenne. Mais qu'en sera-t-il avec ces températures très élevées ? « Evaluer leur impact est difficile, confie Prune Farque, responsable du service agronomique "grandes cultures" de Valsoleil et de la Coopérative Drômoise de céréales (CDC). Il y a un risque d'échaudage, d'un moins bon remplissage des grains. Il y a une inquiétude sur les rendements , en particulier en blés. L'impact sera peut-être un peu moins fort en orges car ils sont plus précoces. Les céréales à paille arrivent à maturité, la période échaudante est passée, le mal est fait. Pour les cultures d'été, la demande en irrigation est très forte. Un tour d'eau normal ne compense pas l'évapotranspiration. »
Conseiller en grandes cultures à la chambre d'agriculture de la Drôme, Jean Champion estime lui aussi difficile de quantifier l'incidence des conditions climatiques actuelles. « On verra aux moissons mais il est clair que ça a échaudé à toute allure, observe-t-il. Les grains seront moins denses. » Yves Pousset, ingénieur régional Arvalis-Institut du végétal, explique : « Tout le métabolisme de la plante est orienté vers le grain pendant sa période de remplissage. Ce qu'absorbent les racines, les réserves des tiges et des feuilles migrent vers le grain. A cette période, la plante est fragile. Il lui faut de l'eau et des températures n'excédant pas 28°C. Au-dessus, le fonctionnement de la plante est bloqué. Par fortes chaleurs, elle active ses défenses, ferme ses stomates. Il n'y a plus d'évaporation, d'absorption racinaire, la sève ne circule plus. Alors le grain s'échaude : il est petit, fripé. Le poids de 1 000 grains et donc le rendement sont affectés. C'est ce qui a dû se passer cette année pour les céréales pas bien nourries mais on ne sait pas encore dans quelle mesure. »

La ressource en eau baisse

Les sols commencent à sécher en profondeur, constate Jean Champion. L'irrigation des maïs a commencé, celle des sojas devrait bientôt être déclenchée. La demande en eau est plutôt précoce, cette année. Pour les cultures en sec, ce sera très compliqué s'il ne pleut pas d'ici fin juin. Les pluies peuvent être profitables au sol mais ne pourront reconstituer les réserves d'eau souterraines. »
François Dubocs, conseiller spécialisé agronomie-irrigation à la chambre d'agriculture de la Drôme, précise : « Les nappes phréatiques qui ont beaucoup d'inertie, comme celles de la molasse du Bas-Dauphiné, se maintiennent. Par contre, le niveau de celles de la plaine de Valence, de la plaine de Romans et de Bièvre-Valloire est bas. Celui des rivières est bas également. Pour les alimentations par des sources, les niveaux sont faibles. Je constate que le débit baisse de jour en jour. » Un comité sécheresse est d'ailleurs prévu ce vendredi 23 juin dans la Drôme.

Annie Laurie
Météo France /
« On est dans les données records de températures »
Béatrice Charpiot, directrice de Météo France Montélimar, indique que, pour la période comprise entre le 10 et le 19 juin, la température moyenne relevée 2017 est légèrement en-dessous de celle de 2003. Elle est de 25,7°C à Montélimar contre 26° en 2003, de 24,4° à Saint-Sorlin-en-Valloire contre 25,8° en 2003. Toujours sur cette période, la température minimale est plus élevée qu'en 2003 à Montélimar seulement. La température maximale, elle, était supérieure en 2003. « La période est extrêmement chaude, du même ordre qu'en 2003, résume Béatrice Charpiot. On est dans les données records de températures. »
Cette même période de juin est normalement ventée : 2017 occupe la 18e position sur 36 ans (depuis 1981) à Montélimar, 2003 la 19e. Et les pluies sont faibles par rapport à la moyenne.
A. L.