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VINS EFFERVESCENTS

La clairette de Die “rosé” s'apprête à revivre

La clairette rosé, c'est désormais possible. Les arrêtés ont été publiés il y a quelques semaines au journal officiel. L'Agriculture Drômoise a recueilli plusieurs réactions, auprès de la cave Jaillance ainsi que de caves particulières.
La clairette de Die “rosé” s'apprête à revivre

Le 26 novembre dernier, les arrêtés homologuant les cahiers des charges des appellations d'origine contrôlée « clairette de Die », « crémant de Die » et « coteaux de Die » étaient publiés au journal officiel (JO). Une bonne nouvelle pour Jean-Louis Bergès, directeur général de la cave Jaillance, qui rappelle qu'il s'agissait là d'un « combat » mené depuis près de six ans. Mais pour l'heure, on préfère rester plutôt discret. « Même s'il y a des recours, ce n'est pas suspensif. La récolte 2016 produira donc bien un peu de rosé », précise toutefois le dirigeant.

Chez Jaillance, clairette "rosé" et discrétion

Depuis plusieurs mois, le syndicat des vins du Bugey s'était en effet prononcé contre la création d'un éventuelle clairette de Die "rosé". Interrogé en 2015, son président, Eric Angelot, craignait notamment que cette boisson ne fasse de l'ombre au Cerdon sur le marché, les deux appellations étant présentes en grandes et moyennes surfaces (GMS) ainsi qu'à l'international. Il dénonçait également la création d'une clairette de Die "rosé" « sans lien historique », tout en bénéficiant de l'AOC. Un dernier point qu'avait à l'époque balayé le syndicat de la clairette de Die, soulignant, dans un communiqué, que le gamay était implanté sur la zone d'appellation depuis 300 ans. Contacté ces derniers jours, le syndicat des vins du Bugey n'a pas donné suite. Les producteurs de l'Ain feront-ils appel de la décision auprès du Conseil d'État ?
Pour l'heure donc, on ne préfère pas trop manifester sa joie à la coopérative. « On se retient, on ne saute pas encore », glisse Jean-Louis Bergès. Mais dans les coulisses, tout est prêt pour commercialiser le nouveau breuvage. Les formalités administratives ont ainsi été faites auprès des douanes. D'ici le mois de juin, quelques centaines de milliers de bouteilles devraient être disponibles à la vente. « La quantité sera limitée, nous sommes contraints dans les volumes. Il y aura entre 300 000 et 400 000 bouteilles », précise encore le dirigeant. Celles-ci devraient à terme s'écouler dans les canaux de vente habituels, à savoir le caveau situé à Die, la grande distribution mais aussi l'export.

Une clientèle ciblée

La nouvelle boisson plaira-t-elle ? Jean-Louis Bergès se veut confiant sur ce point. Il faut dire que le marché du rosé connaît chaque année une croissance, de l'ordre de 10 % selon lui. « Nos clients aiment la clairette tradition. Là, nous ajoutons du gamay rouge. Le goût sera différent, on notera un équilibre assis de sucre. La clairette rosé intéressera beaucoup les jeunes, les femmes et toutes les personnes qui aiment le rosé. Nos clients qui aiment la clairette tradition voudront aussi tester le rosé », souligne-t-il. Le directeur compte également saisir des opportunités durant la saison estivale et espère que ce nouveau produit saura être un relais de croissance. Lors du dernier exercice, la coopérative avait vendu 9,5 millions de bouteilles, dont 1,5 million à l'export (Europe, États-Unis, etc.). Son chiffre d'affaires s'était élevé à 35 millions d'euros.

Les caves particulières sont prêtes

Dans les caves particulières, on est aussi satisfait de la publication au JO. Emmanuel Poulet, propriétaire de la cave éponyme, à Pontaix, n'en espère d'ailleurs « que du bon ». L'exploitant précise aussi que le rosé se porte très bien, qu'il connaît de bonnes tendances, et qu'il s'agit d'un marché porteur. « Il s'agira aussi de faire revivre une clairette rosé qui existait par le passé et que l'on avait oublié », note-t-il également. Mais Emmanuel Poulet veut toutefois rester prudent. « On part un peu dans l'inconnu, il ne faut pas trop en faire. On ne connaît pas encore l'accueil qu'on va avoir », explique-t-il encore. Les premiers essais réalisés sont en tout cas concluants. Dès le printemps prochain, la cave Poulet sera en mesure de proposer près de 100 hectolitres de clairette rosé, soit environ 13 000 bouteilles. « Nous avons quelques pieds de gamay dans la zone d'appellation », indique l'exploitant. Le volume représentera près de 10 % de la production totale, aux côtés de la clairette de Die (120 000 bouteilles), du crémant de Die (20 000 bouteilles) ou encore du châtillon-en-diois. Les bouteilles seront écoulées à la cave, lors de salons, chez des cavistes ou encore à l'export (qui représente un quart de la production totale).

Emmanuel Poulet, 37 ans, a pris la suite de son père en 2004. La clairette “rosé”, il n'en espère « que du bon ».
La cave Poulet ne fait pas exception. Cette parution au JO en ravit d'autres. À Sainte-Croix, Thomas Achard annonce qu'il fera bien - lui aussi - de la clairette rosé cette année. Le domaine en produira environ 4 000 bouteilles, soit 5 % de la production. « Je pense que ce sera un plus pour le développement de la clairette de Die. Beaucoup de nos clients veulent déjà en réserver. Je pense que ça se vendra très bien », précise-t-il encore. Ne reste donc plus qu'à attendre quelques mois pour déguster les premières bouteilles et se faire sa propre opinion. 
Aurélien Tournier

 

 

POLITIQUE :Quand la clairette de Die “rosé” s'invite au Sénat

Lors de la séance du 20 décembre, le sénateur de l'Ain Patrick Chaize a interpellé Stéphane Le Foll à propos de la reconnaissance de l'AOC Clairette de Die rosé. Une décision « étonnante » selon lui, précisant aussi que « les quelques références historiques ne sauraient donner une légitimité à la clairette de Die “rosé” ». Pour le parlementaire, la décision de l’Inao « suscite une inquiétude profonde et légitime, en ce qu’elle constitue une concurrence directe qui risque de mettre à mal toute la production des vins du Bugey et de casser la dynamique existante (...) ».
Stéphane Le Foll a pour sa part rappelé que l'Inao était un institut composé de professionnels « qui décide, en toute connaissance de cause, des appellations. Le ministre a peu de choses à dire sur les décisions qui sont prises ». Le ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt a aussi indiqué que la notoriété des vins du Bugey était parfaitement assise et l'appellation suffisamment solide. 
A. T.
Patrick Chaize.