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Marché

La construction des prix, source de questionnement

Le prix juste est-il le juste prix ? Tel était le thème de l’une des deux conférences au programme du forum agricole et alimentaire qui s’est tenu à l’écosite d'Eurre.
La construction des prix, source de questionnement

L'une des deux conférences au programme du forum agricole et alimentaire organisé par la communauté de communes du Val de Drôme (CCVD), le 2 mars à l'écosite d'Eurre, avait pour thème le prix des produits agricoles avec cette question : « le prix juste est-il le juste prix ? ». Il s'agissait pour les intervenants de s'intéresser à la construction des prix, souvent source de questionnement voire d'incompréhension. Le débat, introduit par Serge Krier, vice-président de la CCVD en charge de l'agriculture, était animé par Philippe Frémeaux, journaliste à Alternatives économiques. Une partie des débats a porté sur la rémunération des agriculteurs et la place des subventions. Mais aussi sur le lien entre producteurs et consommateurs et sur la manière dont sont fixés les prix en fonction du mode de commercialisation. Au nom de l'association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV), Micheline Lemonnier a noté d'emblée la souplesse observée lorsque les produits sont issus des circuits courts, et ce avant de poser la question de l'accessibilité pour les personnes modestes aux modes de consommation éco-citoyens. « L'idée reçue est qu'ils sont réservés à un public aisé, les préjugés sont durs à faire disparaître, a-t-elle souligné. Nous sommes prêts en Drôme-Ardèche à communiquer là-dessus. »

Faible retour au producteur

Michel Gugliemi, agroéconomiste à l'Isara(1) a donné un certain nombre de chiffres. « Sur 100 euros dépensés pour l'alimentation par les ménages français, entre 8 et 9 vont aux agriculteurs, a-t-il fait remarquer. Une grande partie est captée par la distribution (20 %) mais aussi par l'industrie agroalimentaire (14 %), les taxes (9 %)... ». Il a noté l'importance du nombre d'emplois liés aux fonctions intermédiaires : collecte, transport, logistique, destruction des invendus... « Cela est lié à l'éloignement entre la production et la consommation, y compris pour les produits issus de l'agriculture biologique », a-t-il expliqué.
Les résultats d'une étude de 2016 sur le profil des personnes consommant épisodiquement ou de manière régulière des produits bio ont été commentés par Adrien Petit, membre du Cluster bio(2). En grande distribution, 32 % achètent des marques spécialisées, 31 % des marques distributeurs, 20 % des produits en vrac et 13 % des marques nationales. « Une plus grande disponibilité en produits frais et locaux pourrait faire diminuer les prix », a-t-il déclaré.

Prix inférieur au coût de revient

Vincent Thèvenin, agriculteur et professeur de sciences économiques et sociales, a abordé les facteurs impactant le processus de fixation des prix. Il a parlé du micro ou macro-environnement de la ferme (« plus il y a d'intermédiaires, plus le prix augmente ») mais aussi des orientations économiques (« priorité aux volumes ? A l'augmentation de la rentabilité ? »). L'influence des charges directes et indirectes sur le prix de revient a aussi été évoquée. Prenant l'exemple de la viande bovine en grande distribution, « le coût de production pour l'agriculteur est de 4,50 €/kg, alors qu'on le lui achète 3,50 à 3,70 €/kg ! La plupart des produits sont vendus à perte, avec un pourcentage de subventions pouvant atteindre aujourd'hui 90 %. » Pour un agriculteur, « oser parler de ses prix, ce n'est pas si simple, a-t-il confié. Il faudrait pouvoir déterminer les étapes de travail, argumenter positivement, soigner son image, la présentation de son travail et avoir du bon sens paysan. »
Lors des échanges, il a aussi été souligné que, globalement, les consommateurs de produits bio ne sont pas forcément des gens riches mais souvent des gens qui changent leur mode de consommation.
La rencontre s'est achevée par la présentation rapide de ce qui est réalisé dans le territoire de la CCVD au niveau des cantines scolaires, avec un constat : l'augmentation du coût des matières premières ne se répercute pas forcément sur le prix du ticket. 

Elisabeth Voreppe
(1) Isara : institut supérieur d'agriculture et d'agroalimentaire, établissement d'enseignement situé à Lyon.
(2) Cluster bio appelé aussi « Organic cluster Auvergne-Rhône-Alpes ».

 

Forum /
Une cinquantaine de producteurs, structures agricoles, associations, entreprises agro-alimentaires ainsi que de nombreux consommateurs étaient au rendez-vous du forum organisé par la CCVD, le 2 mars à Eurre. Beaucoup ont suivi les vingt-et-un ateliers proposés, soit spécifiquement dédiés aux consommateurs ou aux professionnels soit aux deux réunis. L’évolution des pratiques de production et de consommation était au cœur de cette journée qui voulait croiser les attentes de chacun. Pour les habitants du Val de Drôme, ce forum a été l’occasion de découvrir comment s’approvisionner localement. Les échanges entre professionnels autour des enjeux actuels (produire durablement, diversifier son exploitation, développer la recherche…) ont également été très fructueux.