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STRATÉGIE

La Délicatesse, un marché qui a la patate

Chez HDC Lamotte, les perspectives de développement restent nombreuses. La variété Délicatesse en fait partie.
La Délicatesse, un marché qui a la patate

C'était en 1989. Christophe Lamotte reprenait alors l'exploitation de ses parents, Henri et Denise. D'où le nom choisi quelques années plus tard « HDC Lamotte ». L'entreprise, implantée à Bren, réalise alors un chiffre d'affaires de deux millions d'euros (M€) en étant principalement tournée vers la commercialisation du poireau. Mais le dépérissement changea la donne. Nous sommes dans les années 2000. Il fallait alors envisager l'avenir avec d'autres stratégies, en misant notamment sur d'autres productions. L'entreprise familiale cultivait déjà des abricots, la Délicatesse progressait également rapidement et Christophe Lamotte avait initié la commercialisation à des centrales d'achat : autant d'atouts dont il fallait se saisir. Un pari réussi. En dix ans, les volumes augmentent, tout comme le chiffre d'affaires. Celui-ci s'élève aujourd'hui à environ 11 M€. D'ici trois ans, la société table sur 15 M€.

Christophe Lamotte.

Repositionnement des produits

Certes, le poireau est toujours présent à travers des sachets « blancs de poireau » de 500 g. Mais le produit majeur de l'exploitation est aujourd'hui l'abricot. Si 700 tonnes (t) étaient produites il y a six à sept ans, ce volume a grandement évolué pour atteindre près de 3 500 t (potentiel de 4 500 t d'ici 2020). Un important travail a également été mené quant à la segmentation variétale. Le Bergeron ne représente aujourd'hui plus qu'un tiers des volumes. « Il est concurrencé par des variétés plus colorées mais il reste goûteux. Toutefois, il n'arrive pas avant le 10 juillet. Si l'on n'est pas présent avant cette date, la place est déjà prise », explique Denis Cridlig, le responsable marketing et communication. C'est dans ce contexte que l'entreprise a également choisi des variétés précoces (Orangered, Big red, etc.), ainsi que des tardives. Un partenariat a aussi été mis en place avec des producteurs du Gard. Outre garantir des volumes aux clients, les niveaux gustatif et visuel, tout comme la résistance aux maladies, ont été minutieusement étudiés. À noter que près de 50 % de la production est exportée.
L'exploitation produit également des potimarrons ou encore des courges. Mais l'autre production phare est la pomme de terre « Linzer Delikatess ». La marque « Délicatesse » a même été déposée en 2007. Avec la commercialisation de 750 t (1 000 estimées pour 2017), HDC Lamotte est le principal opérateur. Si ce produit n'était connu que du seul consommateur rhônalpin il y a encore trois ans, il l'est désormais dans tout l'Hexagone. Cette pomme de terre est en effet distribuée sous la marque distributeur « Reflets de France ». « Notre client historique, Carrefour, commercialisait déjà la Ratte du Touquet (de septembre à mai). La Délicatesse se positionnait comme un produit complémentaire dans le temps », poursuit Denis Cridlig.
Ce marché avec Carrefour assure aujourd'hui une grande partie des débouchés. « Certains grossistes n'ont pas la même force de frappe en termes de volumes », ajoute-t-il encore. Pour autant, la PME espère se développer au travers d'autres marques de distributeur premium. Des pistes avec d'autres clients importants sont actuellement évoquées. « Il y a une demande importante, le produit plaît gustativement. Mais c'est une pomme de terre qui reste chère, la production ne peut pas être intensive. Les rotations sont sur trois ans et il faut les surfaces nécessaires. On ne peut pas s'éloigner du cœur de la zone de production en raison des coûts de transports. C'est un segment porteur, la culture est rentable », souligne-t-il aussi.

La société HDC Lamotte, située en Drôme des collines, compte 45 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 11 millions d'euros.

A la recherche de producteurs

Aujourd'hui, HDC Lamotte est en mesure de produire en propre 500 tonnes ; 250 t sont assurées par des agriculteurs locaux partenaires. « Ils travaillent exclusivement pour nous. Nous leur garantissons un prix minimum et leur revenu est ainsi sécurisé. Comme le matériel coûte cher (tamiseuse, récolteuse, planteuse, etc), nous faisons pour eux le travail de préparation du sol, la plantation et la récolte. Nous avons travaillé avec deux agriculteurs l'an dernier, ils sont cinq cette année. Nous restons ouverts à d'autres partenariats », explique-t-il aussi. Faut-il encore que les terres conviennent.
Le développement des productions passera en tout cas par la contractualisation. L'objectif est d'arriver à 1 500 tonnes d'ici trois ans. « On sait qu'on a un marché. Nous travaillons beaucoup la demande et nous adaptons la production, conclut Denis Cridlig. C'est rémunérateur à tout niveau, pour le moment en tout cas. » 
Aurélien Tournier

PLUSIEURS MARCHÉS : Le cœur de marché est la Délicatesse en calibre 15-35 mm. Mais les plus petites font aussi le bonheur des spécialistes, au travers de Rungis notamment. 

 

PRODUCTION / La Délicatesse apprécie particulièrement le sol de la Drôme des collines.

Une production délicate

Voilà une variété qui n'a jamais aussi bien porté son nom. La pomme de terre Délicatesse reste en effet sensible tout au long de son cycle de vie. Ce n'est donc pas pour rien qu'elle apprécie la Drôme des collines. Et en particulier ses terres sableuses et légères. « La pomme de terre est sensible à ce qui l'entoure lors de sa croissance. Dans des terres sableuses, elle prend une forme oblongue et ne sera donc pas déformée », explique Benoît Colombet, le responsable d’exploitation agricole. Un dernier point qui fait sa force commerciale. « Du côté du climat, nous sommes dans une région ensoleillée mais pas trop chaude », poursuit-il encore. La production démarre sous serre début avril (afin d'en avoir pour Pâques, 5 % du volume total). Mais dès mi-mai, elle est en plein champ. Selon les années, elle peut être cultivée jusqu'à fin septembre. Mais dans tous les cas, elle est produite en primeur.
De nombreuses petites attentions
Les surfaces de production s'étendent quant à elles sur 25 ha. Toutefois, les rotations sont de trois ans. Ceci, afin de se parer de tout problème pathogène (doryphore, mildiou, gale). Malgré cette précaution, la surveillance reste de mise tout au long de la culture. Le sol est par exemple travaillé et tamisé avant plantation. Des arrosages très fins (micro-aspersion) sont appliqués afin de ne pas créer de stress hydrique. L'arrosage se passe la nuit pour éviter les maladies fongiques. HDC Lamotte a également fait le choix de ne plus défanner chimiquement mais de broyer, afin de stopper le grossissement du tubercule. La veille de chaque arrachage, trois à quatre millimètres d'eau sont apportés afin que la pomme de terre soit protégée des coups dans la machine à récolter.
Cette production n'est pas cultivée en agriculture biologique. Pour autant, HDC Lamotte veille à réduire l'utilisation de produits phytosanitaires. Elle tend d'ailleurs à supprimer le désherbage chimique après la plantation. Des engrais verts sont également utilisés. Malgré ces objectifs, l'entreprise sait aussi qu'elle ne pourra pas se permettre économiquement de rater une campagne.  
A. T.
L'entreprise HDC Lamotte parie notamment sur le développement de la Délicatesse, une production qui apprécie les terres sableuses et légères.

 

TRAVAUX / De nouveaux bâtiments seront livrés courant 2018.
HDC Lamotte va investir 4 M€

Afin d'accompagner son développement, HDC Lamotte a choisi de construire une extension de 2 500 m2 (3 500 m2 actuellement). Le site sera dès lors réorganisé et le flux des marchandises revu. Ce nouvel investissement est essentiellement lié à la forte progression en abricot, les équipements nécessitant de nouveaux espaces. Les pommes de terre en bénéficieront également. Tout comme les futures poires en bio. « Les poires demanderont des volumes de stockage très importants. La récolte se fera fin août-septembre. Puis la poire s'affine en chambres froides. La commercialisation peut s'effectuer selon les variétés jusqu'en février », précise Denis Cridlig. Cette nouvelle production participera aussi à l'amortissement de la nouvelle structure.
Les travaux, qui commenceront en septembre, devraient se terminer en avril ou mai 2018. D'ici là, un bâtiment a été loué à Pont-de-l'Isère afin de gérer les activités Délicatesse et légumes.
La société veut aussi fidéliser son personnel saisonnier. Les nouvelles productions permettront de pouvoir leur proposer du travail tout au long de l'année. Une maison située aux alentours a aussi été achetée. Rénovée, elle sera proposée à la location pour le personnel. Enfin, le réfectoire ainsi que les vestiaires auront également droit à une seconde jeunesse. 
A. T.