La démarche « Éleveur & Engagé » ou la rémunération au juste prix

Des éleveurs de la région, venus pour certains de l'Allier et du Puy-de-Dôme, ont fait le déplacement jusqu'au Carrefour Ecully à proximité de Lyon pour présenter aux clients de cet hypermarché la démarche « Éleveur & Engagé », une nouvelle signature pour dynamiser la stratégie « Cœur de Gamme » lancée par la FNB en juin 2016. Le regard perplexe, un couple de retraités s'approche du stand dressé pour l'occasion où quelques morceaux de bœufs saignants sont prêts à être dégustés. « C'est très bon », lâche Alain interpellé par le kakémono devant lui. « Savez-vous pourquoi nous vous faisons déguster cette viande, Monsieur ? » l'interroge Laurent Courtois, coprésident de la section bovine de la FDSEA du Rhône. « Pas vraiment », lui répond-t-il. « En achetant cette viande, vous participez à la juste rémunération des éleveurs. »
Un gain de 400 euros par bête
La juste rémunération des éleveurs équivaut à 4,40 euros minimum le kilo de carcasse vendu, soit entre 60 centimes et 1 euro de plus par rapport à la moyenne des prix du circuit traditionnel, soit un gain d'environ 400 euros par bête. « Les enseignes qui souhaitent vendre notre viande sous cette signature sont obligées de se baser à minima sur nos coûts de production », explique Christophe Jardoux, vice-président de la fédération de l'Allier. Le groupe de producteurs par lequel il passe pour vendre ses bêtes commercialise toutes les semaines entre 50 et 60 bêtes valorisées par la démarche « Éleveur & Engagé ». Une démarche encadrée par la Charte des bonnes pratiques d'élevage rééditée pour la dernière fois en 2012. Celle-ci garantit un cahier des charges de qualité aux consommateurs. « Il faut que les vaches vendues aient moins de dix ans, qu'elles soient élevées en pâture en dehors des trois mois de finition et que le temps de maturation de la viande en frigo soit de minimum 10 jours après l'abattage », précise-t-il. Un modèle d'élevage responsable où la prise d'antibiotique et les soins apportés aux bêtes sont également encadrés par cette charte rassemblant aujourd'hui 110 000 éleveurs de bovins en France.
Prix : le juge de paix
Patrick Klebe, le directeur de Carrefour Ecully indique : « Les professionnels de la région s'étaient déjà mobilisés en juillet 2015, à l'extérieur de ce magasin de 15 000 mètres carrés pour manifester « contre les politiques d'achat de la grande distribution ». « Depuis cet évènement, nous nous sommes rapprochés localement. Nous ne sommes pas dans une démarche de rupture mais d'écoute réciproque ». Ce dialogue a permis aux éleveurs de mieux connaître le concept « Filière viande Qualité Carrefour » qui vante des méthodes respectueuses de l'environnement, un prix juste et un partenariat de longue durée avec les agriculteurs. « Aujourd'hui, notre démarche rentre parfaitement dans les critères imposés par ce mouvement », ajoute la direction. « Cœur de Gamme » et « Éleveur & Engagé » ne font désormais plus qu'un.
« À partir du moment où nous rentrons dans nos frais et qu'un rapport de confiance est instauré avec l'enseigne, on ne cherche pas à connaître les marges de la grande distribution », souligne David Chaize, éleveur bovin charolais dans le Puy-de-Dôme. « Nous avons tout intérêt à ce qu'elles ne soient pas excessives », reprend Christophe Jardoux. Celles-ci détermineront le prix final destiné aux consommateurs. « Quand le budget alimentaire est serré, c'est encore lui le juge de paix, malgré tout ! ».
Alison Pelotier
Engagement / A l’heure où la nouvelle signature « Éleveur & Engagé » est officiellement présentée, plusieurs enseignes de la grande distribution ne respectent toujours pas les accords « Cœur de gamme » pris il y a quelques mois.
Une campagne de communication lancée
«Leclerc a signé l’engagement « Cœur de gamme ». Malgré cela, ils n’ont encore fait aucun volume », regrette Alexandre Merle, vice-président de la FNB. « C’est le problème des enseignes indépendantes, elles fixent leurs propres règles, ont une grande liberté d’action dans la gestion de leurs points de vente ». Carrefour, Carrefour Market ainsi que Super U figurent, eux, parmi les bons élèves. Ils ont intégré des produits « Éleveur & Engagé » correspondant au minimum à 50 % de leur rayon viande en magasin. Mais ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui, les viandes « Éleveur & Engagé » représentent 2 % du marché de la viande avec 5 000 bêtes vendues par mois dans toute la France. « Alors que 60 % des ventes bovines sont réalisées en supermarché. Comment sortir de cette logique de bas prix ? » s’interrogent les éleveurs présents. « On doit continuer à faire bouger les choses en créant des liens directs avec les enseignes. Les démarcher, leur expliquer les valeurs qu’il y a derrière les revendications des éleveurs », affirme Cécile Nové-Josserand, animatrice JA du Rhône. Ce genre d’action permet aussi d’être au contact direct des consommateurs. « Je ne connaissais pas cette démarche, mais j’avais déjà repéré le nouveau logo. Je suis prête à payer un peu plus cher pour valoriser le travail des éleveurs », soutient Monique. Le prix payé par le magasin intéressé peut varier sur la seule et unique base des coûts de production engagés par les éleveurs, « un prix qui peut être fluctuant en fonction du marché ». L’association Éleveur & Engagé », initiatrice de la démarche, souhaite faciliter l’engagement des enseignes de distribution via des campagnes de communication grand public. La première action du 22 septembre aura permis de prendre le pouls auprès des consommateurs de Carrefour Ecully et de donner une première visibilité à ce nouveau partenariat gagnant-gagnant éleveurs et GMS.A. P.