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Fruits

La dérive climatique, aubaine pour les ravageurs des vergers

Au Sival d’Angers, la DGAL (ministère de l’Agriculture) a mis à jour les effets observés et attendus du réchauffement climatique sur les ravageurs des vergers. Entre retour d’anciennes maladies et développement d’insectes exogènes, les constatations inquiètent.
La dérive climatique, aubaine pour les ravageurs des vergers

Lors d'une conférence organisée le 15 janvier durant le salon Sival à Angers, Jérôme Julien, de la DGAL (ministère de l'Agriculture), a fait le point sur l'état des connaissances des évolutions actuelles et prospectives des ravageurs dans les vergers. D'une manière générale, il pointe du doigt une combinaison de facteurs qui vont se cumuler dans l'année. « Avec des hivers doux et humides et des étés chauds comportant plus de journées caniculaires, les végétaux vont afficher des faiblesses qui vont profiter aux ravageurs opportunistes », constate-t-il.
Avec certaines réactions en chaînes attendues. Par exemple, des hivers trop humides peuvent occasionner « des problèmes de nécroses racinaires lorsqu'il y a une saturation hydrique dans les sols lourds », affirme le spécialiste de la DGAL. Mais l'humidité excessive engendre aussi la présence d'une plus grande quantité d'inoculum primaire à la sortie de l'hiver. Et « cela favorise des maladies telles que le mildiou mais aussi les chancres fongiques ou bactériens ».
La DGAL est particulièrement vigilante à l'évolution du feu bactérien des rosacées qui est réapparu récemment dans les vergers. Cette maladie est doublement encouragée par le changement climatique car elle se propage lors des événements climatiques extrêmes. « C'est une maladie qui touche principalement les poiriers mais, si elle est présente dans un bassin de production, on peut craindre qu'elle se propage aux pommiers », indique Jérôme Julien.

Une hausse des générations ravageurs

La douceur a aussi un impact sur l'émergence plus précoce des insectes. « Il y a une augmentation du nombre de générations de ravageurs sur l'année », s'inquiète l'expert de la DGAL. C'est le cas du carpocapse qui atteint, maintenant, trois générations dans le sud de la France contre deux classiquement. Cette évolution pourrait aussi être particulièrement gênante avec drosophila suzukii qui ne compte que trois à six générations actuellement dans l'Hexagone, mais dont le développement atteint treize générations au Japon.
Les périodes de sec ont, elles, un impact sur les insectes piqueurs et suceurs de sève. Lorsque la végétation sèche très vite, punaises et cicadelles trouvent refuge dans le houppier des fruitiers irrigués. Leurs piqûres provoquent des problèmes esthétiques sur les fruits et peuvent altérer le goût. La punaise diabolique, originaire d'Asie, inquiète particulièrement la DGAL. Cette année en Savoie, une parcelle de poiriers n'a pas pu être récoltée du fait de l'attaque de ce ravageur. Mais sa présence a également été relevée par tache dans l'Est de la France, à Nantes, Lille et Paris.
Parmi ces insectes piqueurs et suceurs se trouvent également les vecteurs de xylella fastidiosa. Par leur migration dans les fruitiers, ils transmettent la maladie. « Une modélisation des risques de propagation inclut le bassin méditerranéen mais aussi une zone ouest allant de Bayonne au golf du Morbihan », s'inquiète Jérôme Julien. 
Tanguy Dhelin

 

L’ANPP veut stocker le carbone dans les vergers

L’évènement Fruit 2050 a également été l’occasion pour l’association nationale pomme poire (ANPP) d’intervenir sur les perspectives de stockage du carbone dans les vergers. « Avec les Vergers écoresponsables, nous avons une démarche qui englobe de nombreux aspects environnementaux, mais pas la lutte contre le dérèglement climatique », analyse Josselin Saint Raymond, directeur de l’ANPP. Selon les hypothèses hautes émises par l’association, les 43 000 hectares de vergers français pourraient stocker jusqu’à un million de tonnes de carbone en vingt ans. Dans une optique de diminution des émissions dues aux passages mécanisés, deux pistes sont envisagées : la pulvérisation fixe et les nacelles électriques. En les associant, les émissions de CO² par kilogramme de pommes produites pourraient être réduites de 34 %. « Il faut aussi réfléchir à la fin de vie du verger. Si on brûle les arbres, on va relarguer le carbone dans l’atmosphère », complète Josselin Saint Raymond. Il regrette cependant que le label bas-carbone mis en place par le gouvernement ne s’applique pas aux vergers et que l’arboriculture fruitière soit exclue des paiements pour services rendus à l’environnement. 
Les 43 000 hectares de vergers français pourraient stocker jusqu’à un million de tonnes de carbone en vingt ans, indique l’association nationale pomme poire.