La dévalorisation de la viande bovine inquiète les professionnels

A peine à un mois de la clôture des États généraux de l'alimentation, le cours de la viande bovine a encore chuté. « Nous avons perdu 30 centimes en trois mois, passant de 3,65 € à 3,35 € le kilo de viande. Les cours dégringolent, essentiellement en vache à viande », souligne Frédéric Blanchonnet, président de la section bovine FRSEA Aura. « Nous sommes 10 à 15 centimes d'euro de moins le kilo par rapport à l'année dernière », précise Jérôme Pitot, responsable de la filière bovine JA Aura.
Des éleveurs préoccupés
« Nos coûts de production s'élèvent en moyenne à 4,50 € le kilo de viande. Nous sommes environ à un euro de moins. En gros, nous travaillons à perte. »
Les responsables professionnels craignent de vivre une situation comparable à celle essuyée par de nombreux producteurs français fin 2013-début 2014 pendant la crise du lait. « Les éleveurs sont pris à la gorge. On n'arrive pas à comprendre qui, entre GMS et abattoirs,a le dernier mot dans la fixation du prix », reprend Jérôme Pitot. « La consommation des ménages n'a pourtant pas bougé ces douze derniers mois. Nous n'avons pas de stocks particuliers justifiant d'une baisse des prix aussi importante. On a tout simplement le sentiment qu'on paie les accords des EGA », s'indigne Frédéric Blanchonnet. Derrière le discours syndical des deux responsables professionnels se cache une préoccupation commune aux éleveurs de viande bovine de la région. Plus nuancée, l'association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) relativise de manière objective en analysant les chiffres du marché. Selon le bulletin économique de la filière bovine Interbev, cette année, 30 000 vaches à viande de plus sont sorties des abattoirs français dont 16 % en Auvergne-Rhône-Alpes, soit 4 % de plus sur toute la France par rapport à 2016. « Cela peut expliquer en partie la baisse des prix qui a aussi été impactée par la sécheresse de l'été. Le manque de stock de fourrages a amené à une réduction de troupeaux dans les fermes, anticipant la rentrée en bâtiment », explique Romain Kjan, directeur d'Interbev Aura.
Plusieurs facteurs cumulés
Autre explication : les aides couplées de la Pac pour les vaches allaitantes. « Les éleveurs ont été incités à conserver leurs vaches mais depuis le début du printemps ils ont commencé à décapitaliser. Ces deux facteurs cumulés ont certainement joué dans la balance », ajoute-t-il. Même son de cloche du côté de FranceAgriMer. « Fin 2017, les réformes de vaches allaitantes ont été très élevées : décapitalisation, augmentation des abattages et donc de l'offre de viande. Ce phénomène combiné à une légère reprise de l'importation de viande bovine et à une consommation française toujours atone, peut expliquer les prix très bas des vaches allaitantes au stade entrée abattoir. Ceux-ci sont même passés sous leur mauvais niveau de 2016. Grâce à une offre en retrait, les vaches laitières, elles, se portent mieux », informe-t-on à la direction de la communication de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. En ce qui concerne les jeunes bovins finis, « le manque d'offre sur le marché national tire au contraire les prix vers le haut ». Quant à l'épisode FCO du mois de décembre, il ne semble pas avoir impacté le cours de la viande bovine. Les veaux ont continué à être exportés normalement. Les bovins ont pu circuler librement sauf dans certaines zones comme le Piémont en Italie. Des négociations bilatérales devraient permettre rapidement d'aligner les conditions d'importation sur celles des autres régions italiennes.
Alison Pelotier