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Echanges épistolaires durant la geurre de 14-18

La ferme avant tout, malgré la guerre...

La correspondance de la famille Chalon entre 1914 et 1918 est un témoignage précieux sur la vie dans une exploitation agricole de Cléon-d'Andran.
La ferme avant tout, malgré la guerre...

Les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale ont mis en avant les correspondances des poilus et de leurs familles. L'une de celles-ci, composée des courriers échangés entre 1914 et 1918 par les membres d'une famille d'agriculteurs de Cléon-d'Andran, a fait l'objet d'un spectacle réalisé par le théâtre du Fenouillet, basé sur cette commune, intitulé « Du front à la ferme et de la ferme au front ».
Jean-Claude Chalon nous raconte ce projet en nous dévoilant le contenu des échanges épistolaires entre son grand-père Fleury et sa famille. Celui-ci fut mobilisé en novembre 1914, avant deux de ses fils, Gaston, parti en décembre de la même année, et Louis, mobilisé en avril 1915.

Fleury Chalon. Gaston Chalon.

Des lettres recopiées et classées

Avec à ses côtés Yves Boulard, vice-président des Amis du patrimoine de Cléon-d'Andran, dont il est lui-même président, Jean-Claude Chalon explique : « Depuis 2008, Yves et son épouse Suzanne ont recopié et classé toutes les lettres que j'avais conservées (elles ont ensuite été saisies par informatique). En particulier le courrier de la maison, celui envoyé par la femme de Fleury, Célestine, ses deux plus jeunes fils, Jean (mon père, treize ans au début de la guerre) et Emile (neuf ans) et sa fille Rose. Ces lettres ont été conservées parce que Fleury, Gaston et Louis les renvoyaient ou les ramenaient quand ils revenaient en permission ». Jean-Claude Chalon qui, à son tour, allait prendre la suite sur l'exploitation familiale, précise encore : « On voulait faire un livre documentaire, on est allé au Fenouillet en février 2011, et c'est devenu un spectacle...»

Jean-Claude Chalon et Yves Boulard et toutes les lettres qui ont été classées.

Célestine, elle aussi, au « front »

 

« Le seul mot d'ordre était la ferme, assure-t-il. Les vingt hectares de terres, les cultures de céréales, le fourrage, les mules, le troupeau, les cochons, la basse-cour... Mon grand-père avait écrit à mon père : "tu me représentes ! " » Et, pour lui, « Célestine était une femme exceptionnelle, elle a tenu la ferme de main de maître ».
Yves Boulard ajoute : « Elle était au front elle aussi. Elle écrivait tous les jours, parfois deux fois. » Célestine demande conseil à son mari. Il lui donne ses instructions en retour. Chaque fois qu'elle a un problème, elle écrit. « A qui je dois m'adresser pour prendre des sacs ? » Elle parle aussi « d'un qui n'est pas venu pour battre le grain »... « Nous ramasserons les gerbes et nous ferons les gerbiers nous-mêmes », lui explique-t-elle. Et un peu plus tard, en août 1915, « nous avons fini les gerbes, tu pourras être tranquille ». Ou encore, témoignage de l'entraide entre agriculteurs : « Nous ferons le trèfle avec Sapet ». Un jour, Jean écrit à son père : « La mule Farotte ne veut pas marcher. Papa, prend une décision ». « Vendez-là », lui répond Fleury.

La vie d'ici et de là-bas

 

Célestine gère les productions. En septembre 1916, elle raconte : « J'étais à Montélimar pour vendre le blé mais ça ne marche pas bien ». Elle parle d'un négociant qui propose 33 francs les 100 kilos pour le blé et 29 pour l'avoine. « Il faut vendre à celui qui en donne le plus », lui enjoint son mari. Elle va acheter les agneaux à Puy-Saint-Martin. Et subit parfois les rigueurs de l'hiver : « Il a gelé fort, on est obligés de mettre des clous pour pouvoir marcher. Je pense à nos avoines et à nos blés, il n'y aurait rien d'étonnant qu'ils soient perdus ». Tout était bloqué et, dans un courrier de la sœur de Fleury, on peut lire : « A Cléon, le boulanger n'avait plus de farine, des hommes sont allés à pied dans la neige au moulin de Manas ».
Louis, de Champagne où il se trouve alors, décrit ce qu'il voit dans les champs : « Ils font de petits gerbiers de huit à dix gerbes droites, alors elles se mouillent toutes » ! 

Elisabeth Voreppe

 

Diplôme d’honneur et de mérite à Célestine 

Fleury est parti à l'âge de 44 ans pour Donzère, où il gardait les voies et les dépôts. Il est rentré en juillet 1917. Gaston a fait ses classes dans le Var avant d'être envoyé au front. Le jour où il reçoit le baptême du feu, le 23 mai 1915, il écrit : « Chacun a lavé son linge pour monter propre aux tranchées ». Et le 6 octobre de cette année-là : « Depuis le 23 septembre, je ne me suis ni débarbouillé ni changé de vêtements. Je crois que vous auriez du mal à me reconnaître ». En 1917, il se trouve à Salonique et prépare l'attaque aux côtés des forces anglaises. Le 5 mai, il sera tué à Brood en Serbie. Sa famille récupérera son carnet de route... Louis a connu, quant à lui, Verdun, la Somme, la Marne. Il a été blessé et hospitalisé à Lyon. Tous trois savaient lire et écrire, ce qui était loin d'être toujours le cas.
Célestine, fille unique d'agriculteurs de Saint-Gervais-sur-Roubion née en 1876, avait son certificat d'études. Elle a reçu pour sa part le diplôme d'honneur et de mérite de la Société des agriculteurs de la Drôme pour services agricoles exceptionnels le 10 janvier 1917.
211 habitants de Cléon-d'Andran ont été mobilisés lors de cette guerre, 41 sont morts pour la France.
Plus tard, Jean a repris la ferme de son père et son frère aîné, Louis, celle de la famille de sa mère à Saint-Gervais.
Le site des Amis du patrimoine de Cléon d'Andran : www.cleondandran-ladp.fr.