« La filière abricot est dans une position délicate »

«C'est un premier bilan sur la campagne abricot , a indiqué Raphaël Martinez, directeur de l'AOP pêches et abricots de France. On était dans un contexte de production européenne en retrait à 550 000 tonnes. Avec un fort recul par rapport à 2017 qui avait été une année pléthorique, on s'attendait donc à des conséquences sur les prix. Grosso modo, on a vécu une année moyenne et l'Espagne a augmenté ses volumes, y compris par rapport à l'an dernier. Et cette année, on peut annoncer qu'elle a dépassé la production française d'abricots, avec un volume de plus de
140 000 tonnes. »
En effet, d'après le baromètre des importations espagnoles à Saint Charles, notre voisine ibérique a démarré tard mais fort. Et pendant le mois de juin, elle était très présente sur le marché français, d'autant plus que notre pays a été victime de déficit de production du fait du gel. « Durant les semaines 24, 25 et 26, les importations ont baissé mais sur les marchés d'exportation de la France, comme l'Allemagne, la concurrence a été rude : on l'a vu cette année, même si on n'a pas encore les statistiques des exportations. On s'attend à une augmentation des importations et à une baisse des exportations pour le marché de l'abricot. »
Énormément d'écart sur le marché du frais
Côté production, la France a totalisé environ 100 000 tonnes. « En mai, nous n'avons pas du tout eu d'apport ; et nous avons constaté énormément d'écart sur le marché du frais, en juin et juillet. Le mois d'août a été meilleur, mais il est difficile de rattraper toute la saison sur un seul mois », a ajouté Raphaël Martinez.
Dans le détail, en juin, les conditions climatiques ont été mauvaises. « Nous avons fait face à des produits qui ne tenaient pas ; les volumes ont augmenté mais les prix ont dégringolé. » De fait, les prix ont été décevants. La situation s'est rattrapée en deuxième partie de juillet, la confiance est revenue. À partir de mi-juillet, « on a connu une remontée des prix grâce à un marché plus actif et une demande à l'export qui s'est activée. L'offre était modérée en Bergeron avec la moitié de la production habituelle. Août a été marqué par un marché fluide. »
Un plafond de prix dû à une qualité hétérogène
Au niveau des cours, « en calibre 2A, on valorisait 20 centimes de plus en 2016. Mais il faut relever qu'un plafond de prix s'est installé depuis trois à quatre ans chez les distributeurs. Il est difficile de retrouver les cotations antérieures. Cela est dû à une qualité hétérogène, avec des attentes plafonnées et plus timides de la part des acheteurs ».
Les prix consommateurs ont quant à eux plafonné, comme en 2016. Aujourd'hui, les limites sont fixées entre 3 à 3,50 euros le kilo. « On a donc une valorisation supérieure à l'an dernier », ce qui explique les résultats des études consommateurs faisant état d'une augmentation des prix en 2018, comparé à 2017. « C'est donc une année difficile, voire très difficile, que nous venons de clôturer. » Au niveau des producteurs, « c'était l'apocalypse en stations de conditionnement. De fait, seulement une minorité de producteurs va s'en sortir correctement cette année ». Quant au marché, « il y a un équilibre difficile à trouver. Quand on ne réalise qu'un tiers des volumes à l'export, maintenant ces marchés se ferment... ».
« On a ramé toute la saison »
Sur le marché, on constate un engouement limité pour le produit, un manque de confiance des consommateurs et des distributeurs. Comme l'a résumé Raphaël Martinez, « on a ramé pendant toute la saison. Il faut l'admettre, la qualité de l'abricot est en question ». Une tendance lourde désormais car le marché se complique depuis trois ans, avec « une qualité hétérogène sur le marché français. [...] Certes, nous avons des perspectives en recul sur les plantations mais il est nécessaire de travailler sur la cohérence de l'offre, tant en qualité qu'en quantité ». L'AOP pêches et abricots de France travaille donc sur la qualité gustative des abricots. Mais « c'est un travail à mener avec la grande distribution. On met l'accent aussi sur la connaissance du marché car on note un éclatement de celui-ci. C'est une filière qui doit encore se structurer entre l'offre et la demande. Enfin, on focalise aussi notre discours sur les vergers écoresponsables car les attentes consommateurs sont fondamentales : expliquer ce que font les arboriculteurs dans leur verger est le message que l'on veut faire passer. Et on le voit, 82 % des consommateurs sont sensibles à ce message. »
Présent dans la salle, Romain Zawieja, en charge du sourcing pour l'enseigne Carrefour, a opiné : « Je partage ce qui a été dit sur l'hétérogénéité de l'offre française en abricots. On a travaillé sur ce sujet avec le CTIFL et l'AOP pêches et abricots de France pour établir un constat et avoir des objectifs de progression. Je sais les efforts faits par les producteurs mais on note une hétérogénéité de l'offre qui pose problème. Il faut qu'on arrive à trouver des solutions ».
Anne-Solveig Aschehoug