Accès au contenu
Blé dur

La filière blé dur est repartie

Le plan de relance du blé dur porte ses fruits. Mais la zone traditionnelle du Sud-Est, en première ligne face au changement climatique, peine à suivre.
La filière blé dur est repartie

Un plan de relance du blé dur a été lancé l'an dernier. Il s'articule autour de l'encadrement technique, la mise au point de nouvelles variétés, l'adaptation de la Pac. Objectif : atteindre 3 à 3,5 Mt de blé dur à l'horizon 2020 ou 2025, soit un quasi-doublement par rapport au point bas de la production en 2014.
Après une décroissance, « la filière est repartie », considère Jean-François Gleizes, qui préside le comité de pilotage du plan blé dur, lors d'un colloque organisé par Arvalis-Institut du végétal. Les surfaces en blé dur montrent une « légère reprise » : les quelque 80 000 ha de hausse pour 2016 font suite à une chute d'environ 200 000 ha entre 2010 et 2014. « Le blé dur constitue une diversification rentable avec des cours élevés dans la durée », soutient Bernard Skalli, le patron de la semoulerie industrielle (CFSI) et vice-président des fabricants de pâtes (Sifpaf). Par rapport au blé tendre, un écart de près de 110 euros/t Fob La Pallice est actuellement observé. « C'est une céréale d'avenir : l'ajustement entre offre et demande reste très serré au niveau mondial », poursuit-il, évoquant un déficit de 2,9 Mt sur les cinq dernières années. Et d'importants débouchés sont à portée de tir, notamment à l'export. « Le Maghreb et l'Afrique subsaharienne concentrent 35 % des importations mondiales », pointe Jean-François Gleizes, qui y voit « une vraie opportunité » pour la filière française. « La Turquie est un des débouchés sur lesquels on peut compter pour développer notre production », ajoute-t-il, le pays étant devenu importateur.
Un réseau « d'ambassadeurs et référents techniques »
Afin d'entretenir la dynamique de relance, Arvalis a annoncé la mise en place d'un réseau « d'ambassadeurs et référents techniques ». Vingt à trente agriculteurs des différentes régions de production devraient le composer pour la première année en 2016. L'idée est notamment de désigner des fermes de référence servant à communiquer sur le blé dur. D'autres actions ont déjà été menées en 2015, démarrage du plan de relance. Arvalis a diffusé une plaquette de vulgarisation sur les itinéraires techniques. Les fabricants de pâtes et semoule ont mené une campagne de promotion dans la presse agricole au moment des semis d'hiver. « L'AGPB a saisi officiellement le ministère de l'Agriculture et la Commission de Bruxelles en vue d'une différenciation du blé dur par rapport au blé tendre dans le cadre du verdissement de la Pac, signale Pierre-Olivier Drège, DG de l'association. Je ne sais pas si on va aboutir : les juristes nous disent que ce n'est pas très simple. » Le projet Defi (durabilité, efficience et innovation) blé dur, un partenariat public-privé soutenu par la Banque publique d'investissement BPIfrance, a été initié pour les industries de la semoule, des pâtes et du couscous. « On va tout mettre à plat, avec des scientifiques de l'Inra, d'Arvalis et des industriels, précise Bernard Skalli. L'objectif est de repenser nos usines en termes de process », c'est aussi notamment de « faire évoluer la qualité des produits pour segmenter l'offre ». Une étude a par ailleurs été lancée sur les freins au développement dans les zones traditionnelles.
La zone traditionnelle à la traîne
Si des régions montrent un regain d'intérêt pour la production de blé dur, toutes ne sont pas logées à la même enseigne. Le Sud-Ouest affiche 110 500 ha en 2016 (+ 10 %), le Centre 81 500 ha (+ 15 %), l'Ouest 81 500 ha (+ 25 %). D'après Matthieu Killmayer (Arvalis), cette forte progression des surfaces en Ouest est surtout liée à de nouveaux producteurs, d'où « un réel besoin d'accompagnement ». La zone traditionnelle du Sud-Est connaît une situation plus préoccupante. Elle stagne à 76 000 ha (+ 2 %). « Un challenge du plan de relance est de ne laisser personne au bord de la route : le développement du blé dur doit concerner toutes les régions », insiste Jean-François Gleizes, en marge du colloque.
Problème, le Sud-Est est particulièrement exposé au changement climatique. Le blé dur y subit la concurrence d'autres productions bien plus développées, à savoir les fruits, vins, légumes, horticulture et pépinières. Un appel à des financements et choix politiques a été lancé par Jean-François Gleizes. Et Nicolas de Sambucy, le président du comité régional des céréales de FranceAgriMer, de réclamer un coup de pouce de la Pac. « Le triplement des aides couplées de 40 euros par hectare à 120-130 euros par hectare pourrait servir de déclencheur », a-t-il déclaré, invitant la France à notifier le 1er août 2016 auprès de la Commission européenne une modification des aides du 1er pilier.