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FILIÈRE CAPRINE

La filière chevreaux cherche de nouveaux débouchés pour écouler ses stocks

Après les longues semaines de confinement qui ont stoppé tout export vers l'étranger, la filière chevreaux peine à trouver des débouchés pour commercialiser ses carcasses entières congelées en urgence par les abatteurs.
La filière chevreaux cherche de nouveaux débouchés pour écouler ses stocks

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et sa voisine Provence-Alpes-Côte d'Azur, neuf chevreaux sur dix partent dans la filière longue via deux abatteurs : Palmid'or à Trambly (Saône-et-Loire) qui abat 120 000 chevreaux par an et les établissements Ribot à Lapalud (Vaucluse) qui en abattent 100 000 par an. « Avant même le confinement, l'Italie, principal pays d'exportation, a commencé à annuler ses commandes. Les 16 mars, sous l'impulsion de la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec) et de l'interprofession viande Interbev, les abatteurs se sont engagés à continuer à abattre tous les chevreaux en cours d'engraissement jusqu'à Pâques. Un engagement plutôt bien respecté », explique Nathalie Morardet, chargée de mission à Auvergne-Rhône-Alpes Élevage. Malgré la mobilisation des opérateurs, la filière a connu une baisse de débouchés pendant la période de Pâques, les chevreaux étant exportés en nombre pour la célébration des Rameaux essentiellement vers l'Italie, le Portugal et l'Espagne. La baisse des ventes en GMS s'est aussi fait ressentir sur le marché national français. Durant la période de mars à avril, les établissements Ribot ont enregistré - 28 % de ventes de chevreaux frais et - 43 % de ventes de chevreaux congelés.

Des faiblesses structurelles révélées

« Au niveau national, à la fin du mois de juin, nous devrions comptabiliser 700 tonnes de stock en congélation, dont 500 tonnes de surstock », ajoute-t-elle. Pour la filière, leur dégagement risque de désorganiser le marché sur une longue période avec la menace de l'abandon de l'activité chevreaux de la part des abatteurs dans les prochains mois. « La question qui se pose aux éleveurs aujourd'hui, c'est l'écoulement de ces marchandises colossales. Faut-il les écouler coûte que coûte ou le mieux possible ? Ce qui est sûr, c'est qu'on trouvera plus facilement des marchés de dégagement si nous acceptons de baisser nos prix », regrette Nathalie Morardet. Or, le prix du chevreau a déjà connu une dévaluation importante pendant la crise sanitaire, passant d'1,20 €/kg à 0,60 €/kg à la fin du confinement. « Cette crise a révélé les faiblesses structurelles de la filière, une viande honorable malheureusement traitée comme un sous-produit qui a du mal à trouver sa place dans les ménages français en dehors des périodes festives. Et lorsque les marchés étrangers se retirent, elle en paie les conséquences », précise-t-elle.

Quelles stratégies adopter ?

La problématique actuelle réside dans un simple constat : depuis la mi-mars les carcasses de chevreaux ont été congelées entières en urgence par les abatteurs qui ne font habituellement pas de découpes. « Aujourd'hui, nous n'avons pas beaucoup de possibilités de transformation. Pourquoi ne pas en faire des rillettes ? Nous pourrions aussi envisager de produire des hachis parmentiers à base de chevreaux. Il y aurait peut-être quelques curieux qui se pencheraient dessus. Pour écouler les stocks, il faut répondre à une demande, imaginer un produit qui pourrait se consommer tout de suite... », estime Michaël Hassler, président de l'association caprine du Rhône qui lance un appel. « Dans les deux cas, nous cherchons des transformateurs et distributeurs qui seraient prêts à nous suivre et à s'engager à nos côtés assez rapidement. » En l'absence de solution, une moindre partie des éleveurs pourrait opter pour l'alternative de la lactation longue qui permettrait aux chèvres de produire du lait pendant trois à quatre ans, sans se soucier des mises bas. « Cela ne concerne que 10 % des élevages, explique-t-il. Les plus techniques pourront s'adapter, à condition qu'ils maîtrisent parfaitement l'alimentation des mères, mais si l'on réduit à peau de chagrin la filière chevreaux, il y a un moment où on ne saura plus en faire du tout. Sans compter le frein psychologique que cela implique pour un grand nombre d'éleveurs d'arrêter la production... Je suis de l'avis qu'il faut profiter de cette crise conjoncturelle pour résoudre la crise structurelle qui empêche la filière de se moderniser depuis de nombreuses années. Si l'on est capable de faire rentrer le chevreau dans le menu des ménages français, tout au long de l'année, nous retrouverons de la valeur et serons moins dépendants de nos voisins importateurs... ! » 

Alison Pelotier