La filière cunicole est en crise

«Les ventes de produits frais sont en chute libre, et pas seulement pour le lapin », tente de rassurer Baptiste Bichonnier, animateur de l'interprofession lapin Grand Sud (ILGS). La viande de lapin, principalement dépendante des actions de promotion lancées par les grandes et moyennes surfaces (GMS), est en crise. Certaines d'entre elles ont annulé les actions prévues. « Malgré tout, les GMS jouent le jeu quand elles le peuvent et je les en remercie. Malheureusement, les ventes dépendent du comportement des consommateurs qui ont totalement délaissé les produits label, bio, etc. au profit des premiers prix. Les GMS font du mieux qu'elles peuvent mais le choix final de l'acte d'achat revient aux consommateurs... », prévient Aurélie Ribot, gérante des Établissements Ribot (abattoir) à Lapalud (Vaucluse). Car, dans ce contexte, les abattoirs sont en première ligne. « Ils ont essayé de réajuster le marché en congelant les produits mais cela devient tendu car tous les congélateurs sont pleins. Quel avenir pour nos élevages de lapins ? Je ne sais pas trop quoi répondre... », annonce Philippe Marcoux, président de l'ILGS. Une situation confirmée par Aurélie Ribot : « Nous continuons d'abattre. Tous les invendus sont stockés et congelés, ce qui représente près de 26 tonnes de marchandises sur ces deux derniers mois. C'est une situation totalement inédite et inquiétante ».
Un appel à consommer français
L'abattoir Ribot, qui travaille en direct avec une centaine d'éleveurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, a même dû louer un entrepôt extérieur pour agrandir l'espace de stockage. « Produire pour stocker, c'est absurde. Il faut que les citoyens consomment des produits français et soutiennent l'élevage », appuie-t-elle.
Pour répondre à ces problématiques, l'IGLS tente de trouver des débouchés pour écouler la marchandise. « Dans un premier temps, nous travaillons avec les grandes enseignes sur le référencement de la viande de lapin dans les drives. La crise remet en cause beaucoup de modes de consommation et nous devons pouvoir faire figurer notre marchandise sur ces sites d'achats », prévient Baptiste Bichonnier. « La perte de débouchés dans la restauration hors domicile, à l'export, dans les rayons traditionnels à la coupe, mais aussi sur les marchés met à mal un certain nombre d'opérateurs. Des éleveurs indépendants sont également en grande difficulté, faute de débouchés. Les stocks sont en train de croître dans les entreprises, suscitant de vives inquiétudes (...). A ce titre, la filière appelle à ce que les dispositifs d'aide au stockage privé au niveau européen puissent également être actionnés pour la viande de lapin », affirme le comité lapin interprofessionnel pour la promotion des produits (CLIPP) dans son communiqué de presse. Une autre inquiétude provient de l'approvisionnement en matières premières. « Pour l'instant, nous n'avons pas de difficulté à ce niveau mais les prix à la tonne augmentent de façon importante. Alors que le poste alimentation représente 60 % du coût de production d'un lapin de chair, l'augmentation des prix risque d'entraîner de lourdes difficultés de trésoreries pour les éleveurs », conclut Baptiste Bichonnier.
Amandine Priolet
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Philippe Marcoux / « Un nouveau coup de massue pour la filière »
Pour Philippe Marcoux, président de l’ILGS, la crise du Covid-19 est « un coup de massue qui vient s’ajouter à la crise sanitaire dans les élevages entraînée par la VHD (maladie virale hémorragique) ». « Je refuse que notre profession soit détruite par un virus, quel qu’il soit… Je peux comprendre que certains éleveurs aient envie de jeter l’éponge. Mais nous avons quand même une chance, c’est de bénéficier d’un soutien financier de la Région grâce au plan filière ». Le conseil régional a également déclaré vouloir acheter de la matière pour les lycées. « On souhaiterait que la viande de lapin puisse faire partie de ce programme », ajoute-t-il. Malgré la situation, le président garde confiance en l’avenir. « Après un printemps en vient un autre… Il y aura un après. La consommation va forcément repartir à la hausse et il faudra être prêts pour ne pas rater le coche. En attendant, nous devons faire le dos rond et se soutenir », conclut-il.
A. P.