La filière lapin cherche un nouveau souffle

« Nous sommes sur le point d'atteindre un point de non retour », lance Philippe Marcoux, éleveur dans la Loire et président du Groupement des éleveurs de lapins de la région Rhône-Alpes (Gelra)*, à l'occasion de l'assemblée générale de l'interprofession, qui s'est tenue le 2 juillet à Pont-Eveque, en Isère. Le constat est dur, mais la situation de la filière cunicole en Rhône-Alpes est difficile. Très difficile même.
Frilosité des banques
La filière ne manque pourtant pas d'atouts. La mise en place d'un atelier ne nécessite pas de grandes surfaces. La production, très technique, est « intéressante », selon les producteurs. Les conditions de travail sont « plaisantes » et le cycle de production de six semaines - deux semaines et demi de travail intense et trois semaines et demi de surveillance - « peut permettre à chacun de trouver son rythme ». Et surtout, il y a des débouchés. Car, la production rhônalpine n'est pas suffisante pour satisfaire la demande en approvisionnement local des deux abattoirs situés en périphérie de région (les établissements Ribot dans le Vaucluse et Palmid'or en Saône-et-Loire). Mais, depuis 30 ans, la production n'a pas cessé de chuter. « Elle est passée de 10 000 tonnes d'équivalents carcasses produits dans les années 1980 à moins de 2 500 tonnes aujourd'hui », précise Françoise Robert, de la chambre d'agriculture de la Drôme, en charge de l'animation du Gelra. Cette baisse de la production est la conséquence du non renouvellement des éleveurs depuis cinq ans. Mais ce n'est pas le manque de candidats qui empêche les installations. « C'est la frilosité des banques qui ne soutiennent pas les projets cunicoles, estimant que les investissements sont trop importants, le risque trop élevé, et la rentabilité non assurée », estiment, d'une même voix, les professionnels de la filière. Si ces dernières ne changent pas d'attitude, la situation ne pourra pas s'améliorer. Car, même si des bâtiments ont été modernisés entre 2012 et 2014, grâce au Crof (contrat régional d'objectifs de filière) lapin, qui a permis de mobiliser des fonds du PMBE (plan de modernisation des bâtiments d'élevage), cela n'a permis que des rénovations, pas des créations.
Regonfler les troupes
La situation est telle, qu'aujourd'hui, c'est l'ensemble de la filière qui se trouve fragilisée. La taille des groupements qui assurent la commercialisation et celle des fabricants d'aliments diminuent. Conséquence, les techniciens sont amenés à réaliser de plus en plus de tâches. Cette plus grande polyvalence des agents entraîne une difficulté supplémentaire pour une production qui nécessite un appui de haute technicité. Pour Philippe Marcoux, « il devient urgent de regonfler les troupes pour ouvrir de nouvelles perspectives et être plus efficaces. En cela, la fusion des régions Rhône-Alpes et Auvergne représente une opportunité. Il faut que nous la saisissions ».
* Le Groupement des éleveurs de lapins de la région Rhône-Alpes est composé de :
- quatre groupements de producteurs (Rabl, Gelap Union, Sica Sud-est lapin, Valsoleil), soit 80 éleveurs dans la région Rhône-Alpes pour un volume de 25 000 lapines ;
- sept fabricants d'aliments (Evialis, Soreal, DNA, Sas Philicot, Auvergne Sanders, Aurore Sanders) ;
- deux structures d'abattage (Ribot et Palmid'or) ;
- un syndicat professionnel qualité.
Isabelle Brenguier