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Sélection végétale

La filière semences, source de solutions et de biodiversité

Le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis) vient d'organiser dans la Drôme deux journées dédiées à la biodiversité des espèces cultivées. Des îlots parcellaires ont montré le rôle clé de la sélection végétale dans la création de nouvelles variétés.
La filière semences, source de solutions et de biodiversité

La renommée mondiale de la filière française des semences et plants n'est plus à démontrer. A côté de poids lourds tels que Limagrain et HM Clause en Auvergne-Rhône-Alpes, sont dénombrées dans tout l'Hexagone plus de 300 entreprises de ce secteur (dont 73 de sélection). Et plus de 19 000 agriculteurs sont multiplicateurs de semences et plants. Pourtant, ce domaine d'activité, qui génère plus de 3 milliards d'euros de chiffres d'affaires dans notre pays, fait face à l'hostilité de tous ceux qui n'y voient que manipulations génétiques dangereuses, soumission des agriculteurs à des lobbys puissants ou encore anéantissement de la biodiversité. Pour tenter de montrer une autre réalité, le Gnis organise des « journées biodiversité végétale ». Au cours de celles-ci, public, élus, élèves et enseignants des lycées (agricoles et d'enseignement général) ainsi que journalistes sont conviés. La neuvième édition de cet évènement s'est déroulée les 11 et 12 mai dans la Drôme, au lycée Le Valentin.

« Une diversité intéressante pour les éleveurs »

Sur l'îlot consacré aux plantes fourragères, une quarantaine de graminées (ray-grass, fétuques...) et de légumineuses (trèfles, lotiers, sainfoin, luzerne...) ont été réunies pour montrer la richesse du travail de sélection.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Afin de montrer les liens entre création variétale et biodiversité végétale, des micro-parcelles portant des collections ont été préparées. Sur l'îlot consacré aux plantes fourragères, une quarantaine de graminées et de légumineuses ont été réunies. « Actuellement, les objectifs prioritaires de la sélection sont d'obtenir des plantes moins gourmandes en intrants et plus tolérantes aux maladies », a expliqué Julien Greffier, chef de produits à Limagrain. Devant les ray-grass anglais, « la sélection a permis en 50 ans de créer des variétés résistantes aux rouilles, d'avoir des dates d'épiaison reculées de plusieurs semaines et des rendements améliorés », a-t-il fait observer. 150 variétés sont inscrites au catalogue français. « C'est une diversité intéressante pour les éleveurs », a-t-il fait remarquer, avant d'évoquer les ray-grass italiens et hybrides, fétuques, trèfles, lotiers, sainfoin et luzerne. La sélection permet aussi de travailler l'appétence, la richesse en éléments nutritifs... De plus, cette diversité génétique facilite la création de mélanges prairiaux adaptés au contexte pédoclimatique local, à l'image du « saint-marcellin ». « Ce mélange, désormais commercialisé par Barenbrug et Jouffray Drillaud, sert de base pour augmenter la production, a expliqué Jean-Pierre Manteaux, conseiller élevage à la Chambre d'agriculture de la Drôme. De plus, il résiste à la sécheresse et permet d'augmenter la pérennité des prairies. »

1 600 variétés de laitue et 972 de maïs

Les laitues, championnes de la diversité potagère avec 1 600 variétés.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Championne de la diversité potagère, la laitue compte plus de 1 600 variétés inscrites au catalogue de l'Union européenne. Devant une collection de batavia, feuilles de chêne, sucrine, etc..., « la sélection permet l'adaptation des variétés aux zones et modes de production, la résistance à la montaison, aux maladies - particulièrement au bremia (mildiou de la laitue) - et aux parasites », a expliqué Rémi Fournage (HM Clause). A noter, le gène de résistance mis au point contre les pucerons n'est plus efficace car une nouvelle génération de ce ravageur s'en est affranchie. Les sélectionneurs travaillent aussi sur la morphologie du feuillage, son volume, sa compacité (pommes plus ou moins coiffées), sa couleur (plus ou moins anthocyané) et, bien entendu, ses qualités gustatives.

Aujourd'hui, 972 variétés de maïs adaptées aux contextes régionaux de production, aux usages (alimentaires et autres)… sont disponibles en France.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Le maïs est un autre exemple de l'intérêt de la sélection végétale. Jean Beigbeder, vice-président de Pro-Maïs(1), a rappelé l'origine de cette plante : la téosinte. Poussant au Mexique, elle est considérée comme étant l'ancêtre sauvage du maïs. En un millénaire, les peuples précolombiens l'ont domestiqué et, petit à petit, augmenté la taille des épis et le nombre de grains. Comme quoi, la sélection ne date pas d'aujourd'hui ! La culture de cette plante nourricière s'est étendue sur le continent sud-américain passant d'une zone tropicale à une zone tempérée. Puis, les conquistadors l'ont ramené en Europe. « Aujourd'hui, 972 variétés de maïs sont disponibles en France, a expliqué Isabelle Halgrin, chargée de mission pour les actions régionales de l'AGPM(2) et de la FNPSMS(3). Pour un agriculteur, cela représente environ 150 variétés disponibles par région de production. » En plus des contraintes géographiques et pédoclimatiques, les acquis de la recherche ont permis d'accroître la productivité de la plante. En vingt ans, en maïs grain, le rendement a progressé de 23 à 29 quintaux par hectare. En maïs fourrage, de 1,5 à 2 tonnes.

Favoriser les pollinisateurs

Là où la monoculture aurait tendance, parmi d'autres facteurs, à faire chuter leur nombre, les chercheurs travaillent à composer des mélanges favorables aux insectes pollinisateurs.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Un autre bénéfice de la recherche variétale concerne les pollinisateurs. Là où la monoculture aurait tendance, parmi d'autres facteurs, à faire chuter leur nombre, les chercheurs travaillent à composer des mélanges favorables aux insectes pollinisateurs. « Nous utilisons beaucoup d'espèces sauvages comme le chrysanthème des moissons, le bleuet, la marguerite commune, le lin bisannuel, le coquelicot, la nielle des blés ou encore l'achillée millefeuille », a indiqué Julien Planche, administrateur de Phytosem, semencier français spécialisé dans la production de semences d'espèces sauvages et de mélanges spécifiques d'espèces végétales. Cela permet une meilleure résilience des mélanges. »
Amélie Mandel, animatrice technique et scientifique du réseau biodiversité pour les abeilles a montré l'intérêt des jachères et des intercultures apicoles. Et Alexandra Drouet (Anamso(4)) a expliqué l'intérêt d'installer des ruches près des cultures de colza et de tournesol pour accroître les rendements ainsi que la faculté germinative des lots de semences. Elle a aussi évoqué le « meetic de l'apiculture », à savoir le site beewapi.com, qui met en relation agriculteurs multiplicateurs de semences et apiculteurs.

Christophe Ledoux

(1) Promaïs : association sans but lucratif créée en 1967 dont les objectifs sont la conservation des ressources génétiques françaises du maïs (en collaboration avec l'Inra) et le développement de programmes de recherche à long terme.
(2) AGPM : Association générale des producteurs de maïs.
(3) FNPSMS : Fédération nationale de la production de semences de maïs et de sorgho.
(4) Anamso : association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses.

 

Protection des espèces et variétés /
Brevet ou certificat ?


Le brevet est issu d'une logique industrielle. Il n'est applicable aux variétés que dans de rares pays comme les Etats-Unis. Les variétés brevetées ne peuvent être utilisées à des fins de sélection et sont interdites en tant que semences de ferme.
Le certificat d'obtention végétale (COV), système original de propriété utilisé dans 86 pays dont la France, permet de conserver l'accès aux ressources génétiques et autorise la pratique des semences de ferme. « C'est un système à préserver », a indiqué Anne-Claire Vial, présidente de la Chambre d'agriculture de la Drôme. Elle a, en outre, mis l'accent sur le catalogue français des espèces et variétés. « L'inscription est obligatoire pour pouvoir commercialiser des semences. Pour l'agriculteur, c'est une garantie d'homogénéité et de stabilité des semences. »
Agronomie et génétique
Evoquant la biodiversité, Anne-Claire Vial a rappelé qu'en 1980 une cinquantaine de variétés de tomates étaient recensées contre 484 en 2015. En blé tendre, sur la même période, le nombre est passé de 131 à 382 variétés. Par ailleurs, elle a mis l'accent sur les enjeux nutritionnels et sanitaires de la sélection. « Le blé renan, résistant à diverses maladies, a bénéficié d'une transgénèse avant l'heure, en 1967, a-t-elle souligné. Sa résistance provient d'un fragment chromosomique entier issu d'une graminée sauvage, l'ægilops ventricosa. » Selon elle, « l'agronomie et la génétique constitue un double levier pour produire de la qualité et faire en sorte que les agriculteurs puissent vivre de leur métier. »

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Championne de la diversité potagère, la laitue compte plus de 1 600 variétés inscrites au catalogue de l'Union européenne.

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Sur l'îlot consacré aux plantes fourragères, une quarantaine de graminées (ray-grass, fétuques...) et de légumineuses (trèfles, lotiers, sainfoin, luzerne...) ont été réunies pour montrer la richesse du travail de sélection.

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Aujourd'hui, 972 variétés de maïs adaptées aux contextes régionaux de production, aux usages (alimentaires et autres)... sont disponibles en France.