La filière viticole inquiète sur la reprise des marchés et l’œnotourisme
Après sa visite dans le Nord-Drôme et avant de se déplacer dans le Diois, Hugues Moutouh, préfet de la Drôme, est allé à la rencontre des vignerons du sud du département, réunis pour l'occasion à La Suzienne, cave coopérative de Suze-La-Rousse. Un nouveau temps d'échange permettant aux professionnels de la filière de montrer leurs inquiétudes suite à l'épreuve de la crise sanitaire. « Le vin constitue la pierre angulaire de notre agriculture », a souligné le haut fonctionnaire, conscient des nombreuses difficultés rencontrées par les viticulteurs, exacerbées par les aspects météorologiques, la « taxe Trump » et désormais la crise sanitaire. « Le gouvernement français ne peut pas gérer seul le problème de l'export. Des alliances sont en train de s'opérer », a-t-il confié. Durant cette réunion, Hugues Moutouh a également rappelé les différentes mesures du plan d'aides gouvernemental à la viticulture, principalement axé sur un dispositif de distillation de crise.
Pour autant, les inquiétudes sont nombreuses et la cave coopérative La Suzienne ne déroge pas à la règle. Suite à la crise viticole du début des années 2000, la cave a réorganisé son outil de production via un investissement en 2015 à hauteur de trois millions d'euros afin d'élaborer les produits attendus par le marché et rester compétitive en matière de coûts de fonctionnement.
Des aides insuffisantes ?
« Nous sommes seulement en train de nous restructurer, prévient Olivier Salles, le président. Nous avons perdu des surfaces importantes depuis quinze ans et le fort ralentissement du marché viticole, fin 2019, éprouvé par la crise sanitaire, n'arrange rien. Les aides ne suffiront pas », a-t-il poursuivi, quelque peu alarmiste.
« Cette crise du Covid-19 va mettre en péril les exploitations viticoles et les unités de vinification telles que La Suzienne, a appuyé Alain Bayonne, directeur de la cave. Il est souhaitable que des mesures gouvernementales soient prises en plus de la distillation de crise afin de soutenir la filière, et plus particulièrement les vignerons. Il sera bon d'étudier le report de charges sociales pour les exploitations, le report des primes d'assurance... A ce jour, les cours des vins sur le marché vrac sont en train de s'effondrer et les demandes sont très faibles. » Une réaction sur laquelle a rebondi Christophe Charransol, président du Cellier des Dauphins : « Nous espérons que les marchés, y compris à l'export, redémarrent. Pour l'heure, les demandes des CHR (cafés, hôtels, restaurants) arrivent très lentement ».
Parmi les autres thèmes abordés, le président de la FDSEA de la Drôme, Grégory Chardon, a aussi réclamé l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti, déjà obtenue pour les agriculteurs ayant subi les orages de grêle dévastateurs l'an passé.
Une demande de dérogation pour les ZNT
Léa Lauzier, co-présidente des Jeunes Agriculteurs, a quant à elle insisté sur les coûts trop élevés des assurances récoltes. De son côté, Sandrine Roussin, vice-présidente à la chambre d'agriculture de la Drôme, a plaidé pour une dérogation de la réglementation des zones de non-traitement (ZNT), et notamment à proximité des cours d'eau et des lieux d'habitation, dans le cadre du plan de lutte obligatoire contre la flavescence dorée. Un sujet sur lequel le préfet et la DDT se sont engagés à travailler.
Enfin, Jean-François Julian, président de la cave de Saint-Pantaléon-les-Vignes, s'est montré inquiet sur l'arrivée prochaine, ou non, de touristes dans le secteur : « La Covid-19 a été un choc brutal dans un contexte déjà bien déprimé ». Et d'ajouter : « Nous avons de très bons vins, des jolis paysages avec des châteaux mais nous avons besoin d'aide au niveau structurel, avec une personne qui se consacrerait pleinement au développement de l'œnotourisme dans le Sud-Drôme ». La présidente du Département, Marie-Pierre Mouton, a avancé, en réponse, la diffusion prochaine d'une grande campagne de promotion des territoires drômois. « L'agriculture et le tourisme sont intimement liés. Nous ne pouvons pas nous passer l'un de l'autre, sinon c'est tout un territoire qui sera mis à mal », a enfin défendu Marie-Pierre Monier, sénatrice.
Amandine Priolet
