La fraise, une petite filière qui progresse

« La fraise française reste une "petite" filière mais il y a du dynamisme à la production et à la consommation. Elle progresse petitement mais sûrement depuis cinq ou six ans ». Ainsi s'est exprimée la directrice de l'AOP Fraises de France (association d'organisations de producteurs nationale), Caroline Granado, lors d'une journée technique dédiée à ce fruit le 7 novembre à Anneyron. Cette rencontre organisée par Fruits Plus a entre autres dressé un état des lieux.
La différenciation gustative
La production française a connu un fort déclin dans les années 1990, « essentiellement lié à la concurrence espagnole », a rappelé le président de l'AOP Fraises de France, Xavier Mas. Dans ces années-là, notre voisine ibérique « a fait grand mal à la France, a-t-il dit. Notre production était atomisée, hétérogène, non identifiée, comparable à celle de l'Espagne mais avec un coût de production bien plus élevé. Nous avons pris conscience de la nécessité d'agir. Il y a eu une structuration et une homogénéisation de la production, ainsi que la reconquête de parts de marché. Nos volumes, même s'ils restent modestes, continuent à progresser. Aujourd'hui, avec l'Espagne, nous sommes sur deux marchés distincts. Nous avons fait le choix de la qualité gustative, c'est ce qui a fait la différence de valeur. La fraise française a su trouver sa place et coexister avec le produit d'import. »
La stratégie de l'AOP
Dans l'objectif de pérenniser et développer la production de fraises françaises, l'AOP (créée en 2008) a mis en place une stratégie de différenciation qualitative. Elle vise la juste valorisation des produits (reconquête du marché de la fraise ronde, promotion de l'image de la production française), l'amélioration permanente de la qualité et la structuration de la filière. A l'amont, cette stratégie s'appuie sur la création variétale (fruits gustatifs, tolérants aux ravageurs) et l'expérimentation (optimiser la production, l'étaler au maximum en jouant sur le matériel végétal et les outils de production). Le phytosanitaire est aussi un axe fort : démarche Ecophyto Dephy, protection biologique intégrée, lutte contre les parasites (drosophila suzuki, pucerons, tarsonème), travail pour l'homologation de nouvelles matières actives... A l'aval, les actions sont orientées sur la connaissance de l'offre (emblavements, prévisions de récolte, veille européenne) et de la demande (études...), ainsi que sur la communication pour dynamiser la consommation de fraises françaises.
Des enjeux
Caroline Granado a mis en avant trois enjeux : fournir de la fraise française en qualité et quantité, poursuivre la différenciation à travers la variété Gariguette (qui a porté ses fruits) mais aussi une fraise ronde française identifiée par le consommateur. Xavier Mas estime le marché de Gariguette mature, en termes de volumes. De son avis, les gains de croissance sont plus à chercher sur la fraise ronde et plutôt de printemps car, « sur ce marché, il y a une demande à laquelle on ne répond pas, a-t-il observé. Cela ne veut pas dire que c'est la fin de Gariguette mais les relais de croissance de demain sont sur la fraise ronde. »
Le président de l'AOP a encore confié : « De grands enjeux nous attendent. D'une part, la maîtrise de la production est primordiale. Nous devons veiller à ce qu'elle se développe de manière cohérente et à éviter l'auto-concurrence. Cela passe par la cohésion à la fois des producteurs et des metteurs en marché. D'autre part, nous sommes en attente d'innovations, de nouvelles techniques de protection des cultures. Cela ne va pas assez vite mais, malgré tout, nous avons de belles perspectives devant nous ».
Annie Laurie
Production et consommation de fraises

8,1 millions de tonnes de fraises produites dans le monde (en 2014), dont 55 % en Chine et Etats-Unis. 1,1 million de tonnes en Europe (en 2016), soit 14 % de la production mondiale, se répartissant ainsi : Espagne (34 %), Pologne (18), Allemagne (13), Italie (12), Royaume-Uni (9), France (5), Pays-Bas (5), Belgique-Luxembourg (4).France :
58 200 tonnes produites et environ 125 000 consommées, soit un taux d'autosuffisance de 40 %. Donc un marché majoritairement alimenté par des fraises importées (à 80 % d'Espagne, en volume).AOP :
L'AOP Fraises de France en 2017 : 30 adhérents (organisations de producteurs, expéditeurs et producteurs indépendants), plus de 550 fraisiculteurs, quelque 22 000 tonnes, soit près de 40 % de la production nationale. 44 % en variété Gariguette (printemps 2017). Répartition de la production de printemps : Sud-Ouest (67 %), Val-de-Loire (14), Bretagne (11), Rhône-Alpes/Sud-Est (7), Nord (1).Consommation :
Une étude Interfel-AOP sur les années 2011 à 2015 montre une hausse de la consommation nationale de Gariguettes ainsi que d'autres variétés produites en France et une baisse pour les fraises importées.
Culture / En fraise, où différents systèmes de production existent, le hors-sol se développe.La fraise hors-sol gagne du terrainAujourd'hui, « il y a une grande diversité de systèmes de production », a constaté le président de l'AOP Fraises de France, Xavier Mas, lors de la journée technique organisée par Fruits Plus. Ils vont du plein champ à la serre verre chauffée. En effet, les fraises sont en plein champ non couvert ou sous abris bas, en sol sous abris hauts et en hors-sol froid ou chauffé. Le hors-sol représente 40 % de la production, actuellement. « Il a été multiplié par quatre entre 2002 et 2013 », a précisé la directrice de l'AOP Fraises de France, Caroline Granado.Les plus et les moins
La fraise en sol est « un type de culture en forte baisse partout », a ajouté Daniel Izard, conseiller spécialisé à la chambre d'agriculture du Vaucluse. Et ce, avant de lister les avantages du hors-sol : alternative à la fatigue des sols ainsi qu'à leurs problèmes de fertilité, sanitaires, amélioration de la vitesse et du confort de récolte (« cueillir les genoux à terre, c'est terminé »), calibre et coloration plus homogènes, pas de souillure, optimisation du potentiel de production... Néanmoins ce mode de culture exige de la technicité, du suivi. En outre, les investissements et coûts de production sont plus élevés. « Mais on travaille pour dégager une marge, pas forcément pour réduire un coût », a confié l'intervenant. A noter encore, la réglementation européenne interdit la production de fraises bio en hors-sol.

Côté gustatif, selon Daniel Izard, « si les fraises sont cultivées dans des conditions normales, il n'y a pas de grosses différences entre systèmes de production ». Et d'ajouter : « Je démens formellement que les fraises hors-sol ont moins de goût ».

Jean-Philippe Bosc a aussi signalé des nouveautés. Des écrans plus thermiques (45 à 49 % d'économie d'énergie en donnée constructeur) et moins occultants (10 à 15 % d'ombrage), avec moins de condensation. Des plastiques pour multichapelle résistants au soufre (lampes à soufre). Un nouveau matériau de couverture : plastique F-Clean® diffusant (durée de 20 ans mais onéreux). Un dispositif pour accroître la densité : augmentation du nombre de lignes et système de relevage une ligne sur deux (renforcement de la structure à prévoir). Des nouveautés aussi dans l'éclairage pour lever la dormance des plants n'ayant pas reçu suffisamment de froid (lampes à led ou fluocompactes). Et encore dans l'éclairage destiné à accroître la photosynthèse en jours sombres (avec des leds).A. L.* CTIFL : centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.